Andreas Slominski — De l’Amitié
Exposition
Andreas Slominski
De l’Amitié
Passé : 1 mars → 31 mai 2015
Sous le titre De l’amitié, Slominski réunit un cycle de 50 sérigraphies sur métal : des variations sur le même motif : la dépanneuse. En cela, ses œuvres s’inscrivent dans l’esthétique et le langage universel de la signalisation routière internationale. Avec cette exposition, Slominski nous conduit d’une manière inhabituelle vers l’univers de Berthold Brecht. A la fin des années trente, Brecht écrivait une succession de poèmes en partie inspirés par l’histoire et la poésie chinoise d’il y a 2000 ans. La lecture de ses Poèmes chinois, nous donne une idée de la manière dont Brecht élaborait ses œuvres en étudiant d’autres textes. Ainsi, Slominski se réfère explicitement à une émouvante poésie populaire intitulée Les amis, qui parle d’amitié et de respect par-delà les barrières de classes. La précision elliptique, la symétrie et la clarté de la langue brechtienne se retrouvent dans les effets de miroir, les structures géométriques axisymétriques et la réduction des couleurs aux noir, blanc et rouge des panneaux de Slominski.
La grande affinité esthétique et intellectuelle de Brecht pour la poésie chinoise et sa tendance au folklore, à la didactique et à l’absence de sentimentalisme correspond à la sympathie qu’éprouve Slominski à l’égard du caractère populaire de la littérature brechtienne.
Une conception extrêmement démocratique des objets picturaux employés est propre aux œuvres de Slominski. Il trouve de la beauté aux choses qui sont d’habitude perçues comme banales et les utilise dans son travail avec un geste d’appropriation presque affectueux.
Associé au poème de Brecht, Les Amis sont réinterprétés, les véhicules deviennent des compagnons. On peut rapprocher cette idée d’amoureux tantôt séparés, tantôt réunis. Certes, l’expression argotique allemande « abschleppen »1 (draguer, racoler) joue ici également un rôle. La banale information, selon laquelle Brecht était un passionné d’automobile prenant des risques au volant semble indiquer la présence d’un autre champ sémantique dans ces œuvres.
Les artistes du groupe « Kölner Progressive » de Cologne, un collectif d’artistes assez disparate travaillant le pictogramme et actif pendant l’entre-deux guerres, de 1920 à 1933, pourrait servir de chaînon historique entre la poésie de Brecht et la réduction du langage symbolique de Slominski. Conformément à la conception qu’ils se faisaient d’eux-mêmes, être des artistes engagés, prétendant réunir art et politique, les contenus de la production des « Kölner Progressive » (dont Gerd Arntz, Franz Wilhelm Seiwert et Heinrich Hoerle étaient membres) tournaient principalement autour de thèmes tels que la révolution, les événements sociaux et politiques ou encore l’homme et sa place dans la société. Les personnages y étaient moins des individus que des êtres schématiquement représentés et symbolisant certains archétypes. Parallèlement aux peintures, les estampes étaient leur genre favori qui leur permettait — en accord avec leurs exigences politiques — d’atteindre un groupe cible plus important. Dans leur peinture tout comme dans les arts graphiques, le réalisme lassait place aux éléments géométriques.
« J’ai donc l’impression que tout ce que fait Slominski est l’indice d‘autre chose. Que c’est là que réside le véritable pouvoir. Le pouvoir de diriger l’attention est au fond le pouvoir absolu », note Boris Groys à propos de l’œuvre de Slominski.
Depuis le milieu des années 80, Slominski pratique l’exploration esthétique de perceptions quotidiennes, souvent anecdotiques. « C’est dans l’insignifiance des choses et des matériaux choisis que réside souvent la perfidie mais aussi la malice. On aboutit toujours à une inversion de la fonction, du contexte et des contenus. […]. L’anecdotique devient une stratégie. Les œuvres possèdent souvent un double fond et le spectateur tombe parfois dans l’embuscade. » (Mario Kramer).
Né à Meppen en 1959, Slominski a étudié de 1983 à 1986 à l’école des Beaux-Arts de Hambourg. Il enseigne d’abord comme professeur à Karlsruhe, puis succède, en 2004, à Franz Erhardt Walther à l’école des Beaux-Arts de Hambourg. Après d’importantes expositions personnelles au Deutsches Guggenheim de Berlin (1999), à la fondation Prada de Milan (2003) et à la Serpentine Gallery de Londres (2005), Slominski présente, en 2006-2007, sa plus grande rétrospective jusqu’à présent au Museum für Moderne Kunst (MMK) de Frankfort où étaient réunis des travaux des 20 dernières années. En 2010, la Collection Goetz de Munich lui consacre une importante présentation avec des œuvres appartenant à la collection. Puis vient une autre exposition personnelle à la Kunsthalle de Brême en 2014. En 2013, Slominski reçoit le prestigieux Prix Hannah-Höch, associé à une exposition au Neuer Berliner Kunstverein (2014).
1 En allemand, « dépanneuse » se dit Abschleppwagen.
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Vernissage Dimanche 1 mars 2015 14:00 → 18:00
L’artiste
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Andreas Slominski