Anne Brunet & Guillaume Josué — Tout Doit Disparaître

Exposition

Peinture

Anne Brunet & Guillaume Josué
Tout Doit Disparaître

Passé : 7 octobre → 5 novembre 2011

La conso(u)mmation des signes

« La révolution est partout où s’instaure un échange qui brise la finalité des modèles, la médiation du code et le cycle consécutif de la valeur. Car le secret d’une parole sociale, d’une révolution, c’est cette volatilisation rigoureuse de toute instance sociale transcendante. (…) La révolution est symbolique ou elle n’est pas. » Jean Baudrillard

A l’heure où sonne le glas de nos sociétés vouées à la production et à la consommation de masse (où les menaces écologiques nous forcent à revoir à la baisse nos rêves d’abondances), il n’est plus seulement nécessaire de changer nos habitudes de consommation, mais il est aussi devenu vital de renverser le système de signes qui sert, à cette économie, de support. Car s’il est facile de voir que les déchets matériels s’accumulent de manière exponentielle sur toute la surface de la planète, il est tout aussi important de comprendre que l’univers des signes publicitaires qui nous entourent, et qui chaque jour nous abreuvent de leurs slogans, ne cesse pas, lui-aussi, de produire des quantités toujours plus grande de déchets symboliques. La publicité, c’est la décharge des signes, la sédimentation progressive de leur sens : la mise sous tutelle de leur valeur.

Or, face à une telle montée des eaux de la propagande (face à une telle paralysie des signifiants flottants), Anne Brunet & Guillaume Josué font figure de guérilléros. Déconstruisant avec un humour non dénué de poésie les mécanismes sur lesquels reposent d’ordinaire le marketing publicitaire (surcodant une image par un slogan, un symbole par une finalité commerciale), ils redonnent à leur spectateur la possibilité d’associer librement une image à un texte, un symbole à son sens et, plus profondément peut-être, un signifié (un concept) à un signifiant (une forme). Mais plutôt que de nous contenter de décrire abstraitement la mécanique sur laquelle repose leurs œuvres, tentons d’en prendre une au hasard, et d’en comprendre le fonctionnement.

Dans une œuvre comme « Faire du ciel le plus bel endroit de la terre », que se passe-t-il exactement ? Pour le savoir, il nous faut d’abord remarquer que ce titre n’est autre que le slogan d’une publicité d’Air France. Autrement dit, avant d’être une phrase quelque peu poétique (et qui n’est pas sans rappeler la description du paradis pour les chrétiens), le spectateur moyen ne pourra s’empêcher d’avoir en tête qu’on cherche à lui vendre quelque chose. Puis, levant les yeux sur l’image elle-même, il esquissera peut-être, alors, un sourire en voyant à la place de l’avion luxueux qu’il s’attendait à voir, l’image d’Astro (le petit robot), portant sur ses épaules Kiki (l’ami des tout petits) et Patrick (la gentille étoile de mer, amie de Bob l’éponge) volant en compagnie d’un dragon ailée (symbole de l’Asie — patrie d’Astro).

Autrement dit, Anne Brunet et Guillaume Josué ne se sont pas seulement amusés à reprendre un slogan pour lui donner une illustration « décalée » mais — réunissant plusieurs codes sémiotiques en un seul espace imaginaire — ils ont su faire des super-héros de leur enfance les figures d’une nouvelle mythologie dont l’ambition (et la portée critique) n’est autre que de pouvoir donner un sens nouveau à ce qui, jusqu’à eux, n’était que la propriété d’une compagnie aérienne ou d’une société de production de manga.

1 Jean Baudrillard, L’anagramme, in L’échange symbolique et la mort, p. 294, Ed. Gallimard, 1976.

Frédéric-Charles Baitinger
  • Vernissage Jeudi 6 octobre 2011 18:00 → 21:00
Divers lieux pour cet événement
Abo original

Les artistes

  • Anne Brunet
  • Guillaume Josué