Asako Shimizu — Storyteller

Exposition

Photographie

Asako Shimizu
Storyteller

Passé : 31 janvier → 28 février 2015

Au premier regard, les nouvelles photographies d’Asako Shimizu paraissent nimbées de silence, comme endormies sous l’épaisse couverture déposée par une neige tourbillonnante. Pourtant, ainsi que l’indique leur titre, ces images nous racontent une histoire, nous proposent de partir sur les chemins enneigés du Nord japonais, à l’écoute des chuchotements du monde. Qui est donc ce Storyteller, ce conteur qui nous convie ainsi à le suivre ? Notre propre voix intérieure ? Asako Shimizu elle-même ? Ou plutôt la nature, les manifestations vitales que l’artiste s’attache à révéler, manifestations puissantes des flocons emportés par le vent, créant des tableaux aux multiples nuances de blanc ; ou, plus subtiles, des petites touches de couleur parsemant les étendues immaculées ? Car, bien qu’elle soit dominée par un doux entre-deux grisé, la série Storyteller n’exclut pas la couleur, qui émerge parfois telle une bouffée de renaissance printanière tachant de percer sous la chape blanche.

Ces photographies, à l’atmosphère presque irréelle, pourraient relater un conte dont l’histoire débuterait un jour de blizzard, à une époque indéterminée, en lisière de forêt, dans une modeste cabane contre laquelle a été oubliée une échelle. Une histoire fantastique, dans laquelle surgirait de manière incongrue un cortège d’animaux préhistoriques. Mais, au caractère factice de ces animaux peints répond la présence réelle, pleine d’énergie concentrée et de cris étouffés, de quelques oiseaux déchirant le ciel embrumé. Les flocons, bien réels eux aussi, forment un écran qui dévoile l’image en pointillés. Leur danse virevoltante s’oppose à l’immobilité des paysages, momentanément figés par la volonté des éléments. Les flocons s’abattant sur l’appareil rappellent aussi les difficultés affrontées par l’artiste pour obtenir ces images. Storyteller génère ainsi des sensations mêlées d’apaisement et de force brute, de calme non pas après la tempête mais dans la tempête.

La série parvient à exprimer une certaine délicatesse malgré les conditions dans lesquelles elle a été créée, malgré aussi la présence d’édifices sans âme hérissés d’antennes, vaisseaux fantômes perdus au milieu de l’immensité neigeuse. Hormis ces navires aux formes ingrates, dans lesquels on imagine que les habitants ont néanmoins trouvé un refuge douillet et bienvenu, la présence humaine est quasi-invisible. Une seule silhouette apparait, et semble répondre à l’invitation muette que lui adresse un imposant arbre solitaire. Sur d’autres photographies, les groupes d’arbres dénudés impriment leurs formes graphiques sur le ciel chargé et tissent une gigantesque dentelle aux bords mouvants, asymétriques, donnant une dimension presque abstraite aux images. Révélatrice des origines japonaises de l’artiste, l’importance accordée au vide dans les images accentue également leur qualité contemplative. Mais, bien qu’elle soit méditative et fondée sur une discipline d’une grande rigueur, la photographie d’Asako Shimizu est aussi riche en émotions. Elle nous réapprend à ressentir au plus profond les vibrations du monde, à accorder notre souffle à celui de l’univers.

Ce travail exige de la photographe qu’elle reste constamment à l’affût, le regard et l’âme disponibles quelques soient les circonstances. La sincérité de sa démarche se perçoit aussi dans le choix d’Asako Shimizu d’une photographie dénuée de retouches intempestives. La photographe prend le parti-pris d’une vision directe, d’un dialogue honnête et franc avec son environnement. Elle transmet au spectateur ce qu’elle a ressenti face à un événement météorologique qui, soudainement, lui a montré le monde de façon inattendue. Partageons donc ce moment avec l’artiste, et soyons attentifs au chant fragile de la nature, qu’Asako Shimizu sait si bien traduire visuellement pour nous le rendre accessible.

Valérie Douniaux, Docteur en histoire de l’art, spécialisée en art moderne et contemporain japonais
  • Vernissage Samedi 31 janvier 2015 16:00 → 20:00
Galerie NextLevel Galerie
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L’artiste

  • Asako Shimizu