Axel Pahlavi — Talitha Kum
Exposition
Axel Pahlavi
Talitha Kum
Passé : 6 septembre → 6 octobre 2012
« En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois. »
Arthur Rimbaud
On entre dans l’œuvre d’Axel Pahlavi comme on « entre en religion », en acceptant qu’une force que nous ne pouvons pas nommer nous guide dans un récit, nous prenne par la main pour nous raconter une histoire de peinture. Pour l’artiste, toute création est affaire de transformation, mais aussi de relation à l’autre, à celui qui accepte de regarder. Alors, regardons…
L’exposition se présente comme un voyage dans une pensée qui s’incarne progressivement, et il faut suivre, de tableaux en tableaux, la force contenue des gestes mis en scène : de l’étrangeté d’une main pansée à la goutte de sang qui perle, à la simplicité d’une main pudique cachant légèrement un sexe laissé dans l’ombre, c’est une chorégraphie de la douceur qui se met en place. Faisant écho à un tableau précédent L’Amour plus fort que la mort, 2010, le peintre reprend la thématique de la femme clown ; mais, ici, le nez rouge est tombé et le visage barbouillé de blanc s’est relevé, ouvert, vers quelque chose d’autre que lui-même, sur un au-delà de la mélancolie. Tout près, le corps de la femme est encore là, nu, debout, en position d’attente éternelle. La toile, verticale, s’élance vers un sommet qui pourrait être un ciel. Avec pour seul décor un grand drapé froissé, elle bouleverse par son dépouillement, qui est à la fois plénitude.
« Talitha Koum », « Jeune fille, lève toi et marche ! », telle est la parole guérisseuse du Christ. Ce titre à l’impératif venu de l’araméen et du fond des temps, serait alors une exhortation au mouvement perpétuel de la vie. Cette jeune fille c’est justement la Vierge, femme encore enfant que Pahlavi représente dans une Annonciation de très grand format, dans la plus grande tradition de la peinture occidentale. Mais, à la différence de Fra Angelico ou de Botticelli, Marie, modestement représentée dans la partie inférieure gauche, est seule dans l’image. L’archange Gabriel s’incarne en une immense lumière qui envahit presque tout l’espace et évoque la peinture abstraite, pourquoi pas la profondeur perceptive d’un Rothko : le vide devient présence. L’artiste semble vouloir serrer dans ses bras ce petit corps qui ne peut pourtant pas se briser, cette incarnation de l’infinie beauté du monde, fragilement enveloppée dans son voile.
Puis, c’est au tour du Christ d’entrer en scène, le Christ en larmes supportant le corps d’un être chancelant, celui de l’artiste lui-même, figure du péché et du monstre, clown dévasté en jean et baskets, au corps de danseur laissant son poids se rendre enfin aux lois de la gravitation, entièrement évanoui et soumis à l’autre, celui qui a encore la force de le soutenir, de l’empêcher de s’écraser sur le sol. Ce que peint ici Pahlavi dans cet étrange autoportrait, c’est la rencontre de la liberté humaine et de la liberté divine, dans la communion de deux corps. Enfin, I.N.R.I, le Christ est sur la Croix, les mains clouées, dans un paysage chargé de bleus profonds ; la résurrection est à venir.
Ainsi, après la Crucifixion, Axel Pahlavi peint la plus douce révélation, celle de l’amour de l’enfance qui marche désormais, au centre d’une constellation heureuse, juste avant que l’aube d’été ne se lève humblement et fasse entendre le chant des oiseaux.