Basserode — Via Lactea

Exposition

Installations, photographie

Basserode
Via Lactea

Passé : 6 octobre → 10 novembre 2012

On dit que le chant des baleines serait perceptible depuis les confins galactiques. Certains pensent avoir reconnu la mélopée des cétacés dans les enregistrements du fond diffus cosmique. Il est vrai que le chant des baleines présente des modulations étrangement comparables à certaines gammes de sons fossiles que nous renvoie le cosmos. Comme un lointain écho familier et pourtant inconnu.

Ce mystère pourrait être éclairci dès que nous aurons une connaissance plus précise de l’énergie ondulatoire et des fréquences qui semblent constituer la texture de l’univers. Mais Basserode n’attend pas. Ces hypothèses nourrissent le travail cosmographique qu’il poursuit depuis des années. Mieux, ils les considèrent comme des ferments d’utopie, force indispensable à la poursuite de notre nomadisme cosmique. Ses dernières propositions présentées à la galerie Martine et Thibaut de la Châtre marquent une étape importante dans cette odyssée et cette réécriture de notre relation à l’univers. La sculpture intitulée Voie lactée se présente comme un socle luminescent supportant un squelette de baleine stylisé. Sa surface de lumière percée aux motifs de galaxies laisse échapper une brume blanchâtre qui vient nimber par intermittence l’ossature de l’animal. A la manière des premiers cosmographes et de leur bestiaire, l’artiste établit ici une cartographie à la fois physique, poétique et mentale de l’espace. Pour lui il faut « repasser par l’espace », il faut prendre ou reprendre position sur ce terrain qui constitue notre prochain horizon. Pour Basserode, la Voie lactée est notre proche banlieue.

Une grande image presque anachronique dialogue avec la baleine et le cosmos. Elle est constituée de près de deux cent clichés de pointes de flèche harpons préhistoriques en silex. Cet inventaire réalisé à partir des découvertes archéologiques effectuées sur trois continents, Afrique, Amérique et Europe, montre une étrange communauté de formes à même période, moins 20 000 ans, malgré l’éloignement géographique de leurs foyers. Plus curieusement encore, la géométrie des pointes de flèche, peut faire penser à la voilure de certains avions furtifs, qui présentent d’étranges similitudes ? Basserode reprend ici l’hypothése géomorphique qui suppose que certains lieux, seraient liées à des formes que l’on retrouve à la fois dans la nature et dans la production humaine.

Une troisième œuvre photographique plus petite est présente dans l’exposition. Elle a été prise dans les alpes du sud et montre une curiosité topographique qui résiste à l’analyse des géologues : deux strates de 130 millions et 30 millions d’années sont séparées par un plissement en forme de vulve. A la manière des artistes préhistoriques, qui répondaient à des formes vivantes qu’ils lisaient dans les roches des grottes, Basserode a reconnu ici une sorte d’origine du monde minérale.

Cette origine est à voir comme un index, peut être aussi comme un indice à décrypter.

Basserode nous propose de méditer sur ces curieuses constantes qui semblent agir à travers le temps, l’espace, et sans doute, d’autres dimensions que nous ne connaissons pas encore. Comme si une sorte de mathématique naturelle, ou de grandeur matricielle, avait son mot à dire dans la structure de nos environnements et de nos destins. L’hypothèse est effectivement assez fascinante.

N’est-il pas vrai que l’existence probable de dimensions invisibles et incompréhensibles a toujours marqué l’humanité en profondeur ? On dit même que l’art serait issu de cette perception et répondrait à cette conscience. Que faire en effet face à l’inconnu et ses mystères ? S’immobiliser ou se propulser ? C’est au second mouvement que nous encourage Basserode. Il pose les jalons d’une connaissance élargie, en nous aidant à dépasser nos craintes et nos peurs face à cet inconnu aux dimensions astronomiques. Son art arrive à point nommé en nous proposant tout à la fois un moyen de lecture, de compréhension, et surtout d’exploration. De la pointe de flèche en silex à la baleine cosmique il n’y aurait qu’un pas, ou plutôt qu’un saut, que l’humain se doit d’effectuer à certains moments de son histoire. C’est à ce nécessaire renouvellement cosmogonique, au moment même où l’humain doit redéfinir sa place dans l’univers, que travaille l’art de Basserode.

Pascal Pique
  • Vernissage Samedi 6 octobre 2012 18:00 → 21:00
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