Camino del Sol
Exposition
Camino del Sol
Passé : 27 novembre 2014 → 10 janvier 2015
Sylvie Fleury présente à la Galerie Thaddaeus Ropac de Pantin Camino del Sol, un nouveau projet de performance sonore et dansée. Jusqu’à l’événement de clôture, cette exposition montre le décor de cette performance et ses composantes.
Inspirée à l’origine par la performance Fluxus, où des actions simples, répétées, produisaient des sons, la performance de Fleury, qui possède ses propres critères esthétiques, incorpore des gestes de la vie quotidienne révélant la présence vibratoire des individus. L’installation permet au poétique, à l’acoustique et même à l’absurde de s’épanouir.
Ici, comme lors des événements, performances de danse et happenings développés par Merce Cunningham et John Cage à partir de la fin des années 1950, la fusion entre les formes d’expression se mélange, défiant les limites entre les disciplines tout en utilisant les technologies de notre temps et en explorant notre relation à la mise en scène.
Piédestaux, escaliers, scènes, échelles dorées sont quelques uns des objets qui composent la mise en scène. Une large projection des escalators dorés de l’un des plus anciens centres commerciaux des Etats-Unis se courbe vers le haut. Comme un hublot de vaisseau spatial, il est peut-être en attente de passagers, suggérant une potentielle évasion.
Différents personnages pénètrent dans l’espace, faisant des gestes simples et répétitifs, comme de polir une pièce de voiture, se sécher les cheveux, prendre des photographies du public, tourner les pages d’un livre. Ces actions produisent une surprenante gamme de sons, arrangés en direct dans une composition.
Les technologies discrètes et élaborées conçues avec l’aide de Diemo Schwarz, compositeur à l’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique / Musique) traduisent en sons les actions. Les performeurs portent des capteurs qui déclenchent des sons, modulés par la vitesse et l’intensité de leurs actions. De par ce système, le hasard, l’accidentel et le spontané cohabitent. Les performeurs agissent littéralement comme des instruments de musique jouant leur propre chanson, qui est ensuite déformée par la technologie, la transmission et les intentions des compositeurs.
Les gestes, banals, agissent comme des rappels de la musique et des actions de nos vies qui composent notre environnement. Un appareil photo émet le bruit de verre cassé, ou d’une explosion, le son d’une page tournée évoque celui d’un OVNI. Un papillon battant des ailes pourrait créer une tornade.
La danseuse, évoquant le personnage de la Serpentine, émerge à un moment donné sur scène comme un symbole de l’aspect sauvage de notre conscience qui rompt avec le quotidien en rentrant dans une transe hypnotique. Ce personnage, très vaguement inspiré de la danseuse Loïe Fuller (1862-1928), révolutionnant la mise en scène de la danse contemporaine par des effets d’éclairage, des conventions vestimentaires et de nouvelles formes de mouvement.
Lors de la performance, chaque individu émet une fréquence. La pièce examine les cheminements intérieurs et les processus chaotiques d’élévation et d’émancipation. Les costumes, de couleurs très intenses, sont pour la plupart faits à la main, afin d’épouser les formes des corps, naturels et non conventionnels, des femmes qui se produisent. Ils révèlent l’identité des performeurs et de personnages en partie reconnaissables. Leurs tenues sur-mesure contrastent avec l’ample robe blanche de la danseuse.
Des dualités sont présentes au sein de ces attributions de la féminité, légèrement distordues pour chacun des personnages, comme c’est le cas pour la musique.
L’une des très rares règles que spectateurs et interprètes peuvent observer, visible ou invisible, c’est la dynamique du mouvement infini dans l’espace. Le signe sur la « boutique » symbolise peut-être cela. Le mot boutique est ambigu, cela pourrait être un magasin ou un endroit où les choses sont confectionnées ou réparées. La boutique dans Camino del Sol est un espace hétérogène : de l’extérieur, un cube blanc. A l’intérieur, un espace pour se reconnecter. L’artiste a déjà exploré l’idée de poches cachées et de fissures avec l’archétype de la grotte et de la caverne.
La performance et son environnement évoquent des thèmes récurrents du travail de l’artiste tels que l’interaction entre les surfaces et le désir, les accessoires et l’imaginaire, ainsi que la construction de l’identité et même notre quête quasi-absurde de la perfection. Mais dans cet environnement, aucune marque n’est visible. Les moulages que Fleury réalise d’objets de consommation, traditionnellement reconnaissables, ainsi que les gestes Duchampiens, sont présents, mais ils ont changé de fonction. Cette fois, les objets exposés sont utilisés comme des accessoires de théâtre. Ils apparaissent aussi comme des objets ayant traversé le temps, remontant à d’autres époques, mais ancrées dans le présent grâce au son.
Dans ce projet, l’approche de Sylvie Fleury offre de nouveaux codes, systèmes et circuits d’attention pour remplacer ceux qu’elle a déjà exploré, célébré et critiqué. Comme indique un commentaire lumineux à l’entrée : « le seul bon système est le système sonore ».
L’artiste
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Sylvie Fleury