Chai Siris — Meteorite Garden
Exposition
Chai Siris
Meteorite Garden
Passé : 11 janvier → 22 février 2014
Chai Siris développe depuis 2007 un travail principalement constitué de photographies, de films et de vidéos, conçu pour la salle de cinéma ou pour l’exposition, et voué à la reconstruction d’histoires personnelles et sociales. Fils de pharmaciens des faubourgs de la capitale thaïlandaise, il dit avoir remarqué chez leurs clients souvent pauvres, ouvriers et immigrés, des maux moins physiques qu’émotionnels, causé par des vies abîmées par les impératifs économiques, des mémoires réprimées et des histoires tronquées.
Pensant ses œuvres comme des remèdes, Chai Siris conçoit des espaces silencieux ou ensommeillés, majestueux ou réflexifs, toujours propices à la remémoration. Aussi cette pratique n’est elle pas seulement documentaire mais profite au contraire régulièrement des accidents et des lacunes de la mémoire pour sortir des rets du réalisme et entrer dans la fiction. Celle-ci naît aussi bien d’images et de récits collectés lors de voyages et de rencontres, dont le stock devient la source où s’abreuve les œuvres futures, que de la mise en place de stratégies collaboratives, avec des sujets appelés à inventer, jouer ou chanter plutôt qu’à témoigner, des diseurs de bonne aventure et des techniciens de laboratoire photo dessinant vies et portraits selon les indices qui leur ont été fournis, au gré de leurs intuitions. Dans l’acte de remémoration s’inventent des récits alternatifs qui peuvent aussi bien servir à éclairer le passé qu’à transformer le présent.
Première exposition personnelle en France de Chai Siris, Meteorite Garden se présente sous la forme éclatée d’une installation d’œuvres équivoques dans leur nature et dans leurs relations : portrait ancien d’une femme à l’aura d’actrice, page de scénario arraché à sa continuité, urnes somptueuses tranchées en deux, photographies d’une demeure non identifiée, vidéo documentant d’abord ce qui ressemble à un casting, puis une procession funéraire. Les différents éléments suggèrent qu’ici sont déposés les pièces préparatoires d’un film inexistant. On peut, bien sûr, spéculer sur la forme que pourrait prendre ce film réduit ici à quelques reliques. Mais l’état sous lequel il se présente est peut-être au fond aussi accidentel que nécessaire.
Ceux qui se souviennent de l’installation Primitive ou du long-métrage Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul reconnaîtront peut-être les adolescents convoqués par Chai Siris à une séance photo, ainsi que les paysages de Nabua, ville du Nord-Est à la frontière du Laos, dont les habitants communistes furent persécutés et chassés par l’armée thaïlandaise. Ou alors se souviendra-t-on que Ho Chi-Minh — dont apparaissent des portraits et la demeure aussi austère que son jardin est cultivé, et qui se cache peut-être encore dans le scénario sous les traits de l’Oncle ayant servi sur un bateau français et rêvant du Vietnam — résida dans la même région à la fin des années 1920, pour un temps au sujet duquel les sources diffèrent, après avoir fui la Chine et le coup anti-communiste de Chiang Kai-chek. Ce film-là est peut-être en effet, sinon impossible, du moins condamné à la forme d’une investigation, et ses acteurs à errer comme des spectres dans la jungle ou à cultiver leurs arbres à l’abri des regards, en attendant que leurs descendants sachent enfin en cueillir les fruits.
— Antoine Thirion
Chai Siris (1983, Bangkok), est actuellement en résidence au Pavillon du Palais de Tokyo. A ce titre il fera l’objet d’une exposition au Palais de Tokyo en juin 2014. Il s’est fait récemment remarqué lors de sa participation à la Biennale de Sharjah en 2013 ainsi que pour sa collaboration avec Apichatpong Weerasethakul lors de la Documenta de Kassel en 2012. Ses films ont fait l’objet de plusieurs sélections dans des festival internationaux, Lisbonne, Rotterdam, Bangkok, Venise (67th Venice International Film Festival, competition).
L’artiste
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Chai Siris