Choi Byung-So — Œuvres sur papier
Exposition
Choi Byung-So
Œuvres sur papier
Passé : 24 septembre → 5 novembre 2016
Fines feuilles de métal ou lambeaux d’un tissu luisant jusqu’alors inconnu ? Ces rectangles et volumes graciles interpellent par leur texture et leur légèreté, leur capacité à capter et à renvoyer la lumière. Viennent ensuite les rythmes qui les traversent : plis réguliers, fentes étroites dans la surface ou bien les « écailles » irrégulières de la matière déchirée. La présence de lettres imprimées sur certaines œuvres révèle la nature de la matière : de simples feuilles de papier journal et de magazines… Une matière du quotidien des plus banales.
En partant du concret
A partir du milieu des années 1970, en réaction à une information manipulée par le régime autoritaire de l’époque, l’artiste sud-coréen Choi Byung-So s’est employé à rayer le contenu d’une presse véhiculant des contre-vérités. Il recouvrait entièrement ou partiellement les pages et leur textes par une couche de stylo bille suivie de milliers de traits de crayon allant jusqu’au point de rupture des fibres du papier et son déchirement partiel et aléatoire. Le papier et son contenu, sorte de readymade, se transformaient par le biais d’une intervention à la fois simple et immense. L’artiste avait trouvé sa propre expression tout en laissant définitivement derrière lui ses tentatives avec les matières plus classiques de beaux-arts (toile, peinture, papier à dessin, encre) et en abandonnant les formes et la couleur. Depuis Choi Byung-So trace et efface dans un processus inlassable de répétition où chaque trait devient une trace visible de l’être, d’une existence où le geste modeste et répétitif de l’individu s’inscrit dans un infini, une éternité. Cette démarche s’explique par une motivation double : D’une part la constitution de l’œuvre dans un contexte sociétal totalitaire où le simple fait de faire était une forme de résistance ; d’autre part la philosophie bouddhiste dont est empreint l’artiste. Choi Byung-So avance entre matérialité et immatériel, métamorphosant, transfigurant tout en restant attaché à une substance qui se joue entre deux et trois dimensions. Une installation dans le contexte d’une exposition antérieure illustre bien cet enjeu : l’artiste avait exposé un vase rempli de fleurs et pendant toute la durée de l’exposition il était resté sur place pour, aussitôt une fleur fanée tombée par terre, tracer son contour sur le sol. La vie de la fleur trouvait ici une nouvelle forme.
Dimensions et rythme
Dans le souhait de leur apporter rythme et volume, Choi Byung-So a développé une pratique de pliage de ses œuvres inspirée d’un vécu : en raison du manque de matériel dans l’après-guerre coréen, certains livres d’école étaient imprimés sur du papier journal remis aux écoliers en grandes feuilles non-reliées. L’enfant Choi Byung-So les pliait méticuleusement pour pouvoir les lire comme un livre. Les surfaces des œuvres nouvelles de l’artiste sont rythmées par des incisions diagonales dans la surface ouvrant vers une feuille de journal placé en dessous. Façon subtile d’introduire une notion de strate et de fente vers un propos autre.
Espace temps
Pour Choi Byung-So le papier journal est simultanément matière première et médium pour un « recouvrement » de mots et de signes qui renvoient à leur capacité de porteurs de sens. Un travail avec les revues anglo-saxonnes TIME et THE TIMES laissant en apparence le nom des titres s’inscrit dans cette logique. L’artiste joue ici aussi bien de l’aspect visuel des lettres que de leur signification : TIME (Temps) sonne comme un rappel voire un memento mori ; THE TIMES (Les temps, Les époques) suggèrent une temporalité plus étendue, voir une pluralité de temps et des espaces temps. Dans une série de lithographies aux lettres blanches sur fond noir mat, une œuvre présente le mot now (maintenant), une autre le mot where (où) pour finalement se fondre et se confondre en un nowhere (nulle part) ou en un simple trait blanc vertical offrant un vide. Tout en tendant vers une universalité en se servant de l’anglais, Choi Byung-So suggère ainsi avec subtilité la dimension fluctuante des notions de temps et lieu.
Monotonie
Si le trait des œuvres de Choi Byung-So est bien un simple trait, le geste monotone de la répétition a servi à composer une œuvre protéiforme aux sens multiples. Née d’un contexte de philosophie et d’histoire spécifiquement coréen partagé par l’ensemble des artistes du mouvement connu aujourd’hui sous le nom « Dansaekwha » elle présente des parallèles ne seraient-ce que formelles avec les mouvements occidentaux de Minimalisme et de Support-Surface. Mais avant tout il faut y voir l’œuvre d’une personne qui cherche à rendre compte de la nature même de l’existence avec ses contradictions par un procédé acharné de répétition avec variations. Les œuvres de Choi Byung-So offrent un propos universel d’une part sur une certaine monotonie — concrète par la répétition du geste et la couleur — et d’autre part sur la dimension fluctuante, voir abstraite de notre réalité. Réalité de chacun dont les surfaces vibrantes de ses feuilles et volumes aux récits et signes recouvertes forment une sorte de miroir.
Parcours
Choi Byung-So (né à Daegu, Corée du Sud, en 1943) est considéré comme une des figures les plus marquantes de l’avant-garde coréenne dont les œuvres bénéficient aujourd’hui d’une attention internationale accrue depuis la présentation de l’exposition phare Dansaekwa of Korea du Musée national d’art contemporain à Séoul en 2012. Le mouvement Dansaekwa (Peinture monochrome) — certains préférant la dénomination Peinture monotone — regroupe une petite dizaine d’artistes — auxquels le Domaine de Kerguéhennec a consacré la première exposition en France Dansaekhwa, l’aventure du monochrome en Corée, des années 70 à nos jours ce printemps. Le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne présente actuellement une exposition personnelle de l’artiste.
——————————
L’œuvre de Choi Byung-So a été remarquée dès le milieu des années 1970 où elle a notamment été représentée dans des expositions de référence au Japon : 5 White Colors of 5 Korean artists (Tokyo Gallery, 1975) et Korea : A Facet of contemporary Art (Central Museum of Art, Tokyo, 1977). Depuis l’artiste a exposé régulièrement dans nombre d’institutions de son pays, à Taïwan, aux Etats-Unis et depuis 2005 en Europe.
L’exposition est organisée avec l’aimable collaboration de Phophorus & Carbon, P & C gallery, Daegu, République de Corée.
-
Vernissage Samedi 24 septembre 2016 17:00 → 20:00
Horaires
Du mardi au samedi de midi à 19h
Et sur rendez-vous
Printemps 2020 : la galerie est ouverte sur rendez-vous
L’artiste
-
Byung-So Choi