Christine Safa — De chair et de pierre
Exposition
Christine Safa
De chair et de pierre
Passé : 18 novembre 2023 → 13 mars 2024
Les peintures de Christine Safa naissent de la remémoration de sensations éprouvées, quelques temps plus tôt avant même que l’idée de la peinture ne se soit matérialisée.
Des sensations de chaleur sèche, de torpeur enveloppante, de touffeur de l’été qui engourdit le corps, d’immersion dans l’eau qui donne à tout ce qui se trouve autour un sentiment d’irréalité. Ces sensations sont avant tout d’ordre physique dans ces moments où le corps, dans l’absolu de sa présence au monde, redevient le seul canal qui permette d’accéder simplement mais pleinement au visible.
De retour à l’atelier, le souvenir de ces sensations afflue à la manière d’une vague, de manière impérieuse et sans préméditation. Rien n’a été oublié. Les sensations sont demeurées en latence et se sont gorgées de souvenirs, d’images autres, qui sont venues se superposer et donner de nouvelles formes à l’image première. Les strates de peinture, la confusion des couleurs, l’imprécision des contours racontent la difficulté à se souvenir précisément des choses vécues, de leur forme, de leur densité.
Le travail de la couleur — à partir de pigments purs broyés puis mélangés à l’huile — rattache la pratique de Christine Safa à l’héritage des Primitifs italiens du XVe siècle comme à l’éclat des fresques retrouvées dans les villas pompéiennes peintes au Ier siècle avant J.-C. La singularité de la surface de ses peintures, préparée à la poudre de marbre traditionnellement présente dans la composition des enduits peints, rappelle la surface douce et dure de ces fresques anciennes.
Parfaitement consciente de la fugacité du temps, Christine Safa tend à doter d’une mémoire ce qui est voué à l’effacement, à la disparition. Lumière du soleil levant, douceur de l’étreinte, floraison d’un bouquet, rien ne dure. L’artiste dépose des instants immatériels et fugitifs sur son support avant qu’il ne sèche, avant sa prise complète comme on le dirait d’un enduit. Le séchage donne à la surface l’allure d’un calcaire solide. La peinture devient pierre. L’éphémère se retrouve scellé, « emprisonné » dans la surface.
Laure Forlay — Commissaire d’exposition