Circuits Céramiques — La scène française contemporaine

Exposition

Céramique

Circuits Céramiques
La scène française contemporaine

Passé : 17 septembre 2010 → 20 février 2011

A l’affût des nouvelles possibilités offertes par le matériau céramique dans les domaines croisés des arts plastiques, du design et de la pratique artisanale, Circuit Céramique aux Arts Décoratifs se présente à la fois comme une exposition et comme un parcours. Le cœur de l’exposition prend place dans le département contemporain. De jeunes talents n’ayant encore jamais été présentés dans une institution, ainsi que des artistes confirmés se consacrant depuis plusieurs années à la céramique, sont réunis pour leurs affinités avec trois thématiques développées dans ces espaces : Le corps et ses métaphores / Le paysage imaginaire / L’objet revisité par le décor.

La salle du corps explore les rapports obsessionnels que l’homme entretient depuis toujours avec l’objet céramique ou l’argile à l’état brut, et fait état de la manière nouvelle dont les plus jeunes créateurs représentent aujourd’hui les fantasmes du corps : un corps à corps dansé avec l’argile dans une vidéo — choc de Valérie Delarue, une approche sensuelle de la porcelaine « à mains nues » par le couturier Gustavo Lins, l’alliance du biscuit de porcelaine et de l’or érotisée par Jeffrey Haines, entre armes de poing et sex-toys… Les célèbres sacs de cuir du styliste Jérôme Dreyfuss sont « chamanisés », par Caroline Rennequin, qui les reconstitue en osselets de terre cuite. Tel un archéologue, Aurélien Lam reconstruit le squelette de la divinité égyptienne Nuth comme une architecture de terre. Des « fesses » et des « jambes » gigantesques façonnées par Elsa Sahal semblent celles d’une déesse noire sculptée dans une grande liberté figurative. A cette puissance joyeuse, fait contrepoint la délicatesse des petites pièces d’Emilie Satre, métaphores d’un corps meurtri.

Fragilité encore, chez Rachel Labastie avec ses chaînes de forçats en porcelaine, belles comme des parures corporelles. Le sens du tragique se mêle à l’humour avec Farida Le Suavé, dans son évocation d’un corps humain luttant contre le poids de l’inertie.

un « paysage imaginaire » transforme l’espace central de l’exposition en un territoire serré d’installations et de sculptures : artistes et designers y réinterprètent les formes de la nature de façon souvent radicale et conceptuelle. La terre peut ainsi être modelée, laissée brute ou raffinée, comme issue d’une éruption volcanique chez Coralie Courbet ou Anne Mercedes. La poussée du végétal est corrigée par des moulages en porcelaine par les jeunes céramistes Akashi Murakami ou Claire Lindner, ou bien modelée dans la masse avec lyrisme par Antoine Tarot ou Marion Devillers. Les grandes compositions murales de Cathy Cœz sont réalisées à partir d’éléments tournés inscrivant un mouvement graphique dans l’espace, celles de Nathalie Domingo sont délicates et diaphanes en filaments de porcelaine noire… En faisant évoluer la forme habituelle du pot à fleurs, l’architecte Patrick Nadeau réfléchit à un mobilier végétalisé vertical. A partir d’une forme de brique extrudée, un trio de jeunes designers signe chez Roche-bobois un projet modulaire de rangement-claustra en terre cuite. Marion Guenneugues redonne ses lettres de noblesse au banal fauteuil de jardin en plastique. un étrange chien de Skander zouaoui dort au pied d’un rocher en terracotta, référence à la célèbre gravure « Melencolia » de Dürer. Plus solaire, Laurent Esquerré conçoit, à partir de jarres vernissées traditionnelles du Sud de la France, un immense épi de faîtage devenant perchoir aux oiseaux. Carole Chebron dramatise la blancheur et la valeur de la porcelaine dans une installation mettant en scène des carapaces de tortues. Tout aussi poétique et conceptuel, Sylvain Ramolet conçoit des citernes de terre juchées sur de grêles échafaudages qu’il nomme « Cyclopes ». Tel un « cadavre exquis », Agnès Rosse rejoue, à l’aide de ses petites œuvres très spirituelles, le désordre dévergondé des terrasses d’appartements en été.

L’objet est mis dans tous ses états, dans une troisième salle consacrée aux typologies sans doute plus attendues de la céramique, mais qui sont pourtant volontairement minoritaires dans cette exposition : celles du vase, de l’objet domestique décoratif, voire du meuble d’appoint en céramique. C’est la relation ambivalente entre objet d’usage et objet d’art qui est ici relevée, quand le décor transforme une chose au point d’en modifier la destination et le regard qu’on lui porte. Emmanuel boos étudie par exemple toutes les façons dont un émail, par son poids et sa fluidité, peut devenir une « deuxième peau », transfigurant la forme initiale de simples bols renversés, d’un régime de banane ou d’une poêle… Avec son goût du détournement et sa virtuosité technique, le duo nantais ymonet & Jousseaume inocule une dose d’humour et de références dévoyées dans les arts de la table. Laurent Dufour envahit de ses croquis rêveurs de simples parallélépipèdes, qu’il émaille lestement. Marit Kathriner façonne des objets siamois composés à la manière des natures mortes de Morandi. yoko Homareda joue toutes les variations de couleurs et d’interventions subtiles autour d’une forme simple, le flacon céramique. L’écriture gestuelle et la tradition des décors régionaux sur faïence sont revisitées par Jérôme Galvin. Les vases et plats en porcelaine gravées du jeune Florent Le Men deviennent les supports de son journal intime, dans le style des fanzines rocks… Et les « petits meubles inutiles » d’Armelle benoît, de miroitements en découpes savantes, en arriveraient presque à se dématérialiser…

Le projet Circuit Céramique aux Arts Décoratifs se poursuit sous la forme d’un parcours de sculptures et d’installations contemporaines, disséminées au sein des différents départements du musée. Dans ce circuit, les pièces ont été sélectionnées pour entrer en dialogue avec les œuvres anciennes des collections, du Moyen — Age jusqu’à l’Art-Déco. On y retrouve d’autres jeunes créateurs (xue Sun, Sylvain Thirouin, Grégoire Scalabre, Carole Deltenre…), ainsi que des grands noms de la céramique actuelle (Philippe Godderidge, Thiébaut Chagué, Kristin Mc Kirdy, Gabrielle wambaugh, Clémence Van Lunen, Marc Alberghina…), des plasticiens et des designers faisant une incursion ponctuelle avec ce matériau (Mounir Fatmi, Saverio Lucariello, Guillaume Leblon, Olivier Nottellet, Mathieu Lehanneur…) dont les travaux sont réalisés en collaboration avec d’éminents artisans-céramistes (Claude Aïello, Jean-Marie Foubert, Gérard bordes…) dans des lieux de production spécifiques.

Au total, soixante-cinq créateurs sont invités par le musée pour composer un panorama français permettant d’apprécier le potentiel artistique de ce materiau, en grande part méconnu.

Talents émergents et artistes confirmés apportent des preuves stimulantes que la céramique peut répondre de façon émouvante et spectaculaire aux préoccupations artistiques les plus actuelles. En insufflant aujourd’hui à ce matériau ancestral une dynamique conceptuelle, la plupart des créateurs invités s’éloignent des usages purement « décoratifs » et utilitaires appliqués par tradition à ce domaine. Leur pratique de la céramique n’est pas non plus exclusive : elle se trouve souvent associée au dessin, à la peinture, à la photo ou à la vidéo, dont la présence sera également manifeste au sein de ce « circuit ».

Dans l’exposition comme dans le parcours, les œuvres proposées sont très récentes. Certaines d’entre elles, inédites, ont été réalisées ou adaptées dans la perspective de cette exposition.

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