Clémence Seilles — Injections Projections
Exposition
Clémence Seilles — Injections Projections
Passé : 12 mai → 23 juin 2012
« Un crucifix roman n’était pas d’abord une sculpture, la Madone de Cimabue n’était pas d’abord un tableau, même la Pallas Athéné de Phidias n’était pas d’abord une statue. Le rôle des musées dans notre relation avec les œuvres d’art est si grand, que nous avons peine à penser qu’il n’en existe pas, qu’il n’en exista jamais, là où la civilisation de l’Europe moderne est ou fut inconnue.»
Clémence Seilles se joue de notre indéfectible persistance rétinienne, ce défaut de l’œil qui permet une certaine immobilité du regard, alchimie physiologique qui sécurise l’esprit et rends laborieuse la révision de l’habitude. Cette persistance s’applique au travers de la sacrosainte panoplie ritualisée du socle, de la lumière et du décor, trinité du regard sur l’art.
L’artiste pratique ainsi le « désœuvrement », désignant par ces éléments les déambulateurs de la pensée, les béquilles de la perception dans le temple de l’exhibitionnisme. Dans la lignée des œuvres de Rodin, Brancusi ou Didier Vermeiren, l’exposition Injections Projections vient s’attaquer au consensus des pensées, des gestes, des discours organisés pour convaincre de la validité de l’objet d’art avec plus ou moins de force et de poésie. Ici se trouvent soulignés ces processus de renforcement du pouvoir de l’œuvre mais aussi le pouvoir des discours qui l’innervent. Artefact, amphithéâtre de l’autocongratulation, Clémence Seilles désigne ce triptyque comme l’outil de l’exercice du pouvoir et propose une relecture de ce décor.
Tasseaux de bois, carottes de béton, polystyrène d’isolation de façade et néons viennent subtiliser les codes de la jouissance contemplative et nous suggèrent son caractère construit, échafaudé, dessinant l’environnement non naturel de l’objet. A la permanence des décors d’exposition répond ici l’utilisation de matériaux standardisés, artificiels et industrialisés ; l’écosystème contemporain, l’environnement naturel de l’artiste d’aujourd’hui, une retrouvaille du monde profane sorti de l’empire divin des musées. Les couches s’accumulent et se rencontrent, comme autant de gestes en quête de la construction de nos poncifs ; construire, analyser, reproduire les réflexes pour mieux désapprendre, étudier la généalogie pour mieux la trahir ensuite.
Anthropologue de nos mises en scène, Clémence Seilles dissèque au travers d’Injections Projections les possibilités de l’agonie d’un système débuté à l’époque du pillage de tombes, où le socle, la lumière et le décor bourgeois n’ont eu de cesse de légitimer le trophée rapporté, dans la seule fin d’assouvir une « idée du culturel ».
Plutôt que dans le fétichisme de l’objet d’art, l’œuvre se situe pour Clémence Seilles dans la formation de ces systèmes, dans l’étude de nos hiérarchies du geste, dans l’analyse du choix délibéré des moyens avec lesquels notre humanité entend s’exposer et choisit l’orchestration rassurante de sa propre contemplation.
L’artiste
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Clémence Seilles