Damien Cadio — The fearful sound of fire and fire
Exposition
Damien Cadio
The fearful sound of fire and fire
Passé : 29 avril → 25 juin 2023
Pour son exposition aux Eglises, Damien Cadio déploie ses différents axes de recherche picturale et nous embarque dans sa vision de la catastrophe (notamment environnementale). Pensée en accord avec la solennité des lieux, la mise en espace renvoie chaque tableau dos à dos et installe le spectateur dans un face-à-face rétinien avec sa peinture. Ce dispositif fait apparaître dans le centre d’art une grande image mentale formant un paysage fragmentaire du déclin. Le sentiment d’immédiat propre aux œuvres d’art, vient ici mettre en résonance la peinture avec l’époque. Le résultat est éminemment contemporain, sombre et angoissant, et la matière du réel se superpose sur la toile. La beauté qui s’en dégage n’a d’égal que la poésie du geste et le trouble du regard qui s’opère, malgré nous.
Fruit d’une série encore inachevée, représentant des paysages en flammes, des objets brûlés, des scènes dont le feu fut le déclencheur, cette exposition est le reflet d’une métamorphose entropique. Au-delà de son propre engagement concernant le changement climatique, l’artiste cherche à produire un vaste horizon pictural mettant en scène la valeur spectaculaire de ces représentations catastrophiques, transformant les images qui nous parviennent du cœur des fournaises actuelles en tableaux d’histoire. Par sa pratique du grand format, Damien Cadio place le regardeur au centre de ces moments de paroxysme environnemental et de l’ambiguïté qui les accompagne. Si l’exposition se parcourt sans néanmoins se dévoiler tout fait, c’est que la relation entre le tableau et le spectateur se construit sans artifice. Tout est là, mais par la déambulation s’égrène et s’infuse cette sensation vertigineuse produite par l’artiste. Pour autant d’autres tableaux viennent ponctuer cet ensemble, le contredire, le rythmer, le détourner. Des tableaux figurant des lentilles optiques, des animaux contraints, des membres de crustacé transformés en outils… des images qui viennent apporter une possible narration, afin de souligner le fait que les catastrophes se laissent rarement envisager de face et que l’imaginaire représente une issue risquée mais salvatrice. Il y a aussi les bouquets, natures mortes à l’échelle d’un portrait en pied, ou les fleurs trop sèches deviennent viande ou paysages dramatiques, ruines organiques en devenir. Dimension propre au genre pictural de la vanité, celle-ci est rattrapée et débordée par la précarité de la vie humaine sur le point de basculer.
Le titre de l’exposition The fearful sound of fire and fire, est une référence à la poétesse Anne Bradstreet. Ce crépitement effrayant que cite l’artiste n’est pas sans faire écho à un discours politique revenu dans l’actualité : « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». De fait nous regardons ailleurs et nous avons regardé ailleurs, mais on finit par la regarder brûler en face. On y assiste chaque jour un peu plus sans vraiment comprendre la gravité du drame en cours, ni ses conséquences. Par sa peinture Cadio nous plonge dans un sentiment d’expectation dont nul ne peut nier l’avancée. Et comme il le dit : « Le feu froid de la peinture nous permet d’envisager la catastrophe par le biais de la contemplation et de l’expérience du regard, et d’en saisir la puissance destructrice et la mélancolie à venir. » Cette phrase nous interroge individuellement sur le lien entre la catastrophe, sa représentation et notre sentiment d’impuissance. C’est comme si la peinture trouvait une multi-temporalité historique aux phénomènes en cours : d’anticipation, d’actualité et d’archive, tout à la fois et en même temps.
Le côté sombre, la noirceur inhérente au désastre est ici celle de toute une époque ainsi que des angoisses qu’elle nourrit. L’annonce d’une mort imminente, programmée, hypothétiquement celle de toute l’humanité, ou plus spécifiquement la fin d’un monde, d’un système, peut-être celle d’une idéologie, celle de la modernité et des désirs qu’elle inspire, nous remplit d’effroi et nous dépasse à la fois. N’est-ce pas le paradoxe dans lequel nous inscrivent les peintures de Damien Cadio, proposant une sorte d’attraction-répulsion et plus probablement de la création dans la destruction. D’ailleurs qui ou quoi d’autre que la peinture pour rendre compte de ce basculement de paradigme ?
Renaud Codron, commissaire de l’exposition
Horaires
Samedi et dimanche de 15h à 18h
Sur rendez-vous du lundi au vendredi
Tarifs
Accès libre
Programme de ce lieu
L’artiste
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Damien Cadio