D’échec en échec sans perdre son enthousiasme

Exposition

Performance, sculpture, son - musique, techniques mixtes...

D’échec en échec sans perdre son enthousiasme

Passé : 1 juin → 13 juillet 2012

L’exposition — qui tire son nom d’une phrase légendaire de Winston Churchill « Le secret de la réussite, c’est d’aller d’échec en échec, sans perdre son enthousiasme » — ainsi que la programmation de performances No Sport, s’attachent à faire de l’échec un principe moteur de la création et de la réception esthétique, et à ne pas distinguer la constitution d’un objet ou d’une exposition de son exécution et de sa perception, conjuguant l’expérience esthétique à celle de la vie.
(…)
Selon Brian O’Doherty, « la galerie est construite selon les lois aussi rigoureuses que celles qui présidaient à l’édification des églises au Moyen-Age, le monde extérieur ne doit pas y pénétrer […].»1 Riant de ce principe inféodé au modernisme, Alexandre Gérard modifie très légèrement l’espace afin de suspendre une seconde notre perception de la réalité — je ne suis donc pas autorisée à révéler ici les mécanismes de son travail -, tandis que Yann Vanderme compose une série de pratiques incongrues : il fait traverser le mur qui sépare l’espace d’exposition de la réserve aux objets usuels contenus dans cette dernière, grâce à un trou percé dans ledit mur, qu’il comble par la suite (notons qu’une porte est normalement destinée à cet usage). Ainsi, si dans la galerie « un cendrier à pied devient un objet sacré, tout comme un manche d’incendie dans un musée d’art moderne n’évoque pas tant un manche d’incendie qu’une énigme esthétique »2 ici l’étagère métallique et son lot de vis et scies — les cadres de l’art sont parfois bien minces — pourront-elles n’être qu’étagère, vis et scies une fois déplacées? Continuant sur la lancée de manipulations absurdes de ce qui constitue le mobilier et l’espace architectural des lieux de monstration de l’art, Yann Vanderme dissout un meuble d’Ygrec dans de la peinture, peinture qui lui servira alors à recouvrir le sol.

Absurde ? Pas tant que ça, car les deux artistes favorisent ainsi la prise de conscience du contexte, « suppriment » ici l’objet d’art au profit d’une intervention sur le lieu d’exposition, dans une attitude anti-réifiante. Ici, ce n’est pas la « production » (détachée de son mode d’apparition et de réception) qui compte, mais la « fabrication » de l’art3.

Au centre d’Ygrec, une sculpture. Solo de Stéphanie Lagarde, ring de boxe pour une personne, aussi triste qu’une Joconde sans moustache, trône, seul. Il double l’espace de la galerie, créant une mise en abîme du lieu déserté. Autant ring de boxe qu’estrade oratoire, il est le lieu où l’action est possible — ou passée —, un espace en transition où s’instaure une sorte de « résistance de la présence, un écho, une trace fantôme »4. La lutte y est tant physique, corporelle, qu’abstraite, discursive ; elle peut être dirigée tant face à soi-même, que face au monde. Lieu de résistance, la sculpture y est en tension, en attente ou au repos.

Interrogé à plus de quatre-vingt ans sur les raisons de sa bonne santé, Winston Churchill répondit « Cigars, whisky, no sport ». Invitation est donc faite aux artistes d’investir ce ring pour une programmation de performances intitulée No Sport : ce qui importe ici n’est nullement l’exploit ou la réussite, mais bien plutôt le désir qui sous-tend la création.

Peindre le sol, faire traverser des objets, intervenir sur un ring ; autant de pratiques éphémères qui ne s’accomplissent que dans le hic et nunc de leur effectuation, ne laissant pas de traces « remarquables » pour les appréhender a posteriori, mais qui pourtant continuent d’avoir lieu, survivant à leur effectuation. Se pose alors la question de la documentation de ces actes, peut-être même de l’introduction dans l’espace de la galerie d’éléments permettant d’instruire le visiteur des événements passés.5 Dès lors, comment concilier les prétendus antagonismes exposition/performance ; transmission/expérience ? Ava Carrère propose ainsi de raconter, au travers d’une ritournelle — petite mélodie répétée continuellement — écrite par ses soins, les faits et gestes des artistes intervenus dans l’exposition. Elle augmentera les couplets au fur et à mesure des interventions. Chanson à valeur documentaire, elle n’en constitue pas moins une nouvelle œuvre. Quant au spectateur, fort de l’expérience vécue dans l’espace (quasi vide), il partira avec la documentation en tête, sans pouvoir l’en déloger. L’art ne s’observe plus, il se vit.

1 O’Doherty Brian, « Notes sur la galerie », White cube, L’espace de la galerie et son idéologie, Zurich : Editions jrp/ringier,, 2008, p. 36

2 Idem.

3 HUEBLER Douglas, cité par SCHLATTER Christian, Art conceptuel, formes conceptuelles, p. 248. Huebler s’exprime de la sorte : « Le problème de l’art, c’est la fabrication, sa production est superflue. ».

4 Stéphanie Lagarde

5 La performance a été en effet depuis ses débuts « au cœur de la méditation du postmodernisme sur l’érosion de la distinction entre représentation et réalité, une méditation qui, où qu’elle intervienne, est redevable aux expériences des artistes qui ont utilisé la performance pour souligner l’érosion d’une autre distinction, celle entre la vie et l’art. »Peggy Phelan, http://www.mouvement.net/html/fiche.php?doc_to_load=11491, consulté le 28 janvier 2012

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29-31 rue Henri Barbusse

93300 Aubervilliers

Site officiel

Aubervilliers – Pantin Quatre Chemins

Horaires

Du mercredi au samedi de 13h à 19h
Entrée Libre

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Les artistes

  • Céline Ahond
  • Stéphanie Lagarde
  • Sébastien Rémy
  • Amélie Deschamps
  • Daniel Rodriguez Caballero
  • Mathilde Chenin
  • Violaine Lochu
  • Gloria Maso
  • Feriel Boushaki
  • Yann Vanderme
Et 4 autres…