Elina Brotherus — Annonciation
Exposition
Elina Brotherus
Annonciation
Passé : 25 mai → 20 juillet 2013
Annonciation, nouvelle exposition personnelle d’Elina Brotherus à gb agency, est aussi le titre d’une nouvelle série de photographies commencées en 2009, qui marque le retour d’Elina Brotherus sur des photographies issues de sa propre expérience personnelle et son besoin de mettre en images un sujet encore tabou : l’infertilité. Au même moment de ces tentatives infructueuses, et lors d’un séjour aux Etats-Unis, Elina Brotherus réalise deux films : Wrong Face et Francesca Woodman’s Aunts tournés en 16mm. A contrario de sa série de photographies qui fait l’état de la dure réalité de l’impossibilité d’avoir un enfant sous forme de journal intime, les deux films dévoilent un autre visage : celui d’une femme résolument libre et inventive dans sa pratique artistique.
L’exposition souligne cette dualité dans la vie de l’artiste, et montre la volonté d’Elina Brotherus de continuer à interroger la question du soi et de l’intime. Par ses compositions se référant à l’histoire de l’art et de la peinture classique, Elina Brotherus réinterprète et modernise le symbolisme et la signification du thème de l’Annonciation.
« Ceci est une série de fausses annonciations. Il y est question de l’attente d’un ange qui n’apparaît jamais. D’abord, on ne sait pas s’il est là — il pourrait simplement être caché derrière la porte. Progressivement, il devient évident qu’il ne viendra pas.
Naturellement, l’ange est une métaphore puisque je ne suis pas croyante et que je suis un traitement contre l’infertilité. Les documentaires, les interviews, les articles et les émissions de télé sur l’infertilité se terminent tous bien. En réalité, les fins heureuses n’arrivent que dans 25% des cas. Ce schéma répétitif qui consiste à infliger au corps des essais scientifiques précis, à attendre, à être déçue, et à répéter tout cela encore et encore, au point d’en être écœurée, au point de ne presque plus en avoir rien à faire, est une chose que je partage donc avec un nombre surprenant de femmes. Les happy end sont bien plus rares, mais ce sont ceux dont on entend parler. Pour nous autres, ce parti pris est pénible. Comme si le public ne devait pas voir la réalité oppressante, sans espoir, inconsolable mais plutôt une histoire hollywoodienne cathartique à la per aspera ad astra.
Je montre cette série de photographies pour donner une visibilité à ceux dont les traitements ne mènent nulle part. Pour en parler, je montre mes photographies plutôt que de donner une interview. Je ne suis d’ailleurs pas sûre d’être capable de parler de tout cela. Je suis encore trop triste. C’est la chose la plus triste qui me soit arrivée depuis la mort de ma mère. Pourtant, je suis fatiguée de mentir ou de trouver des excuses à tel ou tel médicament, de ne pas boire, de devoir annuler mes voyages… Aujourd’hui, les gens n’ont pas honte de parler de sexe, de leurs problèmes psychologiques, d’alcool ou de drogue, mais pour je ne sais quelle raison l’impossibilité d’avoir un enfant est tout à fait tabou. Généralement, les gens sont aussi tellement ignorants sur le sujet. Avant qu’ils ne commencent à donner leur avis, j’aimerais leur conseiller deux choses: s’il vous plaît, au moins abstenez-vous de dire: 1) Arrête d’essayer, détends-toi et tu seras enceinte, 2) Est-ce que vous avez pensé à adopter ? Moi aussi j’ai pu être ignorante: je pensais qu’il suffisait d’aller dans une clinique pour avoir un enfant. Je n’imaginais pas que cela puisse être un problème. Les médecins ne contredisent jamais vraiment un optimisme infondé; ils vous font plutôt comprendre que la plupart des gens repartent avec un enfant si le traitement est suffisamment long. En fin de compte, ce sont des marchands d’espoir.
Lorsque l’on suit le traitement, notre imagination galope ; on pense à des prénoms, à l’école où l’enfant ira. Lorsque le traitement échoue, il n’est pas exagéré de dire que c’est comme faire le deuil d’une personne qui est morte. La perte est tellement réelle. Il ne s’agit pas seulement de la perte d’un enfant en devenir, c’est aussi l’effondrement d’une vie future toute entière — celui de la vie de famille. Il ne nous reste plus alors que l’image d’une femme seule et vieillissante. »