Emilie Ding — The Walk
Exposition
Emilie Ding
The Walk
Passé : 12 septembre → 2 novembre 2013
L’effacement du monument
Le regard d’Emilie Ding semble ricocher sur les surfaces apparemment banales des structures qui nous entourent. Elle se joue des contraintes du système euclidien, posant des trames régulières et simples. Celles-ci, soumises à de multiples effets, sont tordues, arrondies et déstructurées, découpées et malmenées dans de très grands dessins. Devant elles, le spectateur est pris de vertige et renvoyé aux limites de sa capacité de perception. Il lui est dès lors difficile de distinguer les pleins des vides, le degré des angles, ou l’espacement des parallèles. Il se doit d’admettre l’artificialité et l’élémentarité de sa conception du modèle géométrique.
Les sculptures de Ding évoquent, quant à elles, l’ingénierie et sa capacité à faire usage d’une grille orthonormée dans le contrôle des forces naturelles. Angles, étaux, contreventements, contreforts, piliers forment un singulier vocabulaire. L’artiste détoure leurs formes apparentes et reconstruit des fantômes en métal ou en béton.
Ce goût d’Emilie Ding à contraindre la grille moderniste et les éléments constitutifs de son développement architectural n’est pas sans évoquer une forme de désenchantement post-moderne, lequel se délecte de la déliquescence possible des structures les plus abouties du rêve moderne. Ce motif de ruine moderne est devenu pour certains le but de tout voyage, le dépaysement le plus abouti. Cette nécromanie n’a pas lieu d’être ici.
Les objets et les dessins d’Emilie Ding n’ont pas subi les effets de l’entropie. Les arrêtes des sculptures sont nettes. Les textures des dessins ne se sont pas délavées. Une étrangeté se dégage au contraire du tranchant que les œuvres entretiennent avec la réalité, et ce, en dépit de leur inutilité ou abandon apparents. Emilie Ding propose un autre état de la matière.
Par un effet paradoxal, l’artiste convoque la monumentalité afin d’autoriser l’oubli. Les imposants dessins rassurent autant qu’ils provoquent le vertige. Ils ne nous défient pas. Leur espace est celui qui se reflète sur eux. Ils nous absorbent et nous enclosent.
Récemment, un changement de technique d’application du graphite sur le papier a permis à l’artiste de provoquer des débords et des aspérités. Ces irrégularités se révèlent fluides. Les cadrages se resserrent. La forme devient centrale. Les lignes de fuite ne modèlent plus artificiellement un paysage las de n’être que l’image construite et vaine du réel. Des imperfections infusent les trames et les détourent. Les surfaces deviennent matière vivante. La structure rigide songe à sa propre dilution.
Emilie Ding s’inspire d’éléments constructifs qui sont comme des contre-reliefs à notre quotidien. Nos yeux ne les distinguent plus dans nos espaces familiers. Ils produisent des vides. Pourtant leurs doubles, transférés dans des espaces d’exposition, révèlent leur massive présence. Intégrées dans le champ de la sculpture classique, ces structures ne se posent pas en brutal porte-à-faux. Au contraire, elles viennent s’appuyer sur les murs ou s’allonger sur le sol. Par leur biais, les lieux d’exposition révèlent l’imposant effet de suspension qu’ils offrent sur la réalité.
Les œuvres d’Emilie Ding ne se proposent pas d’être furtives ni absentes, toutefois elles ouvrent de paradoxales failles. Leur présence souvent massive s’efface peu à peu. Leur rigidité apparente s’amalgame à nos projections mentales. Du monument, l’artiste ne garde que le rapport que celui-ci entretien avec nos souvenirs communs. N’autorisant ni emblèmes, ni texte, Emilie Ding nous fait percevoir la forme étrange de l’oubli.
Ses sculptures et ses dessins semblent être hors chronologie, ancrés dans un temps qui leur est propre. Ces œuvres produisent de la mémoire en agglomérant toutes les nôtres. Emilie Ding pose avec elles un miroir sans tain entre le spectateur et son proche effacement.
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Vernissage Jeudi 12 septembre 2013 17:00 → 21:00
Horaires
Du mercredi au samedi de 11h à 19h
Et sur rendez-vous
L’artiste
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Emilie Ding