Empan
Exposition
Empan
Passé : 14 mars → 4 avril 2015
Empan : Ancienne mesure de longueur correspondant à l’intervalle compris entre l’extrémité du pouce et celle du petit doigt dans leur plus grand écart.
La galerie est heureuse de présenter — en amont de sa participation à Drawing Now — Empan, qui réunit dans une forme courte François Maurin, Daniel Otero Torres, Félix Pinquier et Anne-Charlotte Yver, autour d’une réflexion sur la matérialité du dessin et ses possibles perspectives.
François Maurin nourrit une recherche, procédant par tracés, aplats et strates de pastels gras et crayons cire sur papier. Il développe dans ses compositions une symétrie lointaine, de l’ordre de l’équivalence et de l’équilibre. A main levée et dans un refus de l’outil métrique, il interroge la concentration, l’échelle des corps et leur tenue dans l’espace circonscrit et souvent irrégulier de la feuille.
Daniel Otero Torres entretient une pratique entre dessin et volume, dessin et photographie, original et copie, regardeur et regardé. Point de départ de son travail, l’image photographique — réalisée ou collectée — est traitée de manière numérique par le biais de superpositions, faisant émerger des erreurs ou des « bugs numériques » avant d’être minutieusement réinterprétée au crayon.
Engageant une recherche sur l’amalgame culturel, Daniel Otero Torres présente notamment un corpus de « silhouettes représentant des Indiens de la tribu amazonienne des Kayapos, dont l’existence est menacée par la déforestation. Toutes équipées d’appareils photographiques, de caméscopes et autres smartphones qui sont l’apanage du touriste, ces figures d’Indiens rompent avec la tradition qui fait d’elles des objets passifs du regard occidental, souvent solidaire de l’ethnocentrisme et de la violence coloniale. Car, si les Kayapos semblent gagnés par l’euphorie techniciste, ils se servent des derniers produits de la technique pour à leur tour devenir spectateurs. C’est ainsi la classique répartition des rôles entre le sujet et l’objet du regard qui connaît une décisive torsion ».1
Félix Pinquier livre, dans une forme proche de la partition visuelle, du rébus ou encore de l’équation, un ensemble graphique fonctionnant par résonances et onomatopées. Il y explore une gestuelle étroitement liée à la pratique sculpturale : « dessin — un haut parleur — sirène stridente — pavillons sonores — la réalisation des dessins est assez laborieuse — je fais monter les volumes petit à petit au crayon de papier — cela s’apparente presque au ponçage — du polissage — lisser la forme — la matière sera vaporeuse ou minérale — l’importance des ombres portées — après le premier dessin — la première couche — j’abîme légèrement le papier — les fibres usées absorbent le graphite — je retends les lignes et les contrastes — je redessine une deuxième fois — la volumétrie doit s’exprimer dans l’espace du papier ».2
Anne-Charlotte Yver, quant à elle, dévoile un ensemble de travaux préliminaires composites : dessins au crayon ou 3D numériques, collages, captures d’écran, sérigraphies et fragments de matières constituent un atlas révélateur d’une corrélation étroite entre l’étude des images et son approche sculpturale.
Le trait dessiné contient ici les matières chaotiques représentées et forme l’ossature de constructions hybrides. Ces images nées d’un processus de décomposition / reformulation, Anne-Charlotte Yver les considère avant tout comme les outils d’une recherche qu’elle associe à une logique photosensible — qui révèle –, inhérente à la pratique de la sérigraphie. Par cette voie, elle sonde les strates, travaille à leur extraction puis opère, en négatif, un tramage qui matérialise par couches le derme de l’image.
L’usage du calque et du verre dépoli — supports poreux — ou du papier millimétré médical, de l’inventaire ou de l’aberration de perspective, de couleurs froides ou de saturations de rouge, renvoient à un protocole de recherche ambigu, entre géologique et chirurgical, entre quantification, échantillonnage et troubles de la perception.
1 Marjolaine Lévy, Twisted Tropiques, Gac Annonay, décembre 2014
2 Félix Pinquier, Carnet de résidence au Cac La Traverse, 9 février 2015
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Vernissage Samedi 14 mars 2015 à 15:00