Erwan Venn — Que la marée vienne et m’emmène plus loin

Exposition

Photographie

Erwan Venn
Que la marée vienne et m’emmène plus loin

Passé : 15 octobre → 26 novembre 2021

Bretagne, 1940 — date inscrite sur un document  retrouvé il y a plus de dix ans, après le décès d’une vieille tante, en même temps qu’une boîte Kodak de 1925 remplie de négatifs. Ça sonne comme le début d’un vieux film en noir et blanc. C’est une histoire de famille, de mensonges, de non-dits, et d’un grand-père collaborateur.

Guerre de 14 : il entre au petit séminaire et se tourne vers la religion — l’esprit engoncé dans une morale stricte et contre-révolutionnaire. Entre-deux-guerres : il sympathise avec l’extrême droite Bretonne, la pensée enivrée par l’idéologie fasciste. 1940 : il vend du vin aux nazis ; « Ravitaillement en vin » apparaît en toutes lettres sur l’autorisation envoyée par le commandant de la Feldkommandantur du Morbihan.

C’est la fin de la petite paroisse et le début de la collaboration. D’une réalité découverte des années plus tard — celle d’un homme qu’Erwan Venn n’a pas connu — naît une fiction. Erwan Venn reprend les vieux négatifs de la boîte Kodak, et avec eux les souvenirs enfouis de ce même grand père, de son entourage, ses plaisirs, son quotidien : aimer, jouer, croire, voyager, toutes ces choses finalement assez typiques des albums de famille qu’on aime revoir. De ces originaux, il garde tout sauf l’essentiel du portrait qui s’y trouve : effacer les corps, les visages, comme pour perforer l’image et révéler un secret, celui de la collaboration. Pas un regard ni un mot pour s’exprimer, le développement des idéologies extrêmes ont privé cette époque de pensée, de caractère — _Headless._

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Erwann Venn © Galerie G-P & N Vallois, Paris

Gommer les visages et les corps des images d’archives révèle plus largement le processus d’endoctrinement qui supprime toute forme de différence et de singularité. C’est aussi de la part de l’artiste un geste violent et revendicateur, un acte de rejet d’un héritage qu’il refuse ; mais sans l’effacer complètement. Les retouches d’Erwan Venn sont comme ces tâches brunâtres qui ne partent pas des chemises blanches d’autrefois. Ces tâches si prégnantes et agressives qu’elles finissent par ronger le tissu et y faire un trou. Il reste à observer des chaussures, des maillots de bains, une robe de mariée, une croix et une poupée en porcelaine… seul visage encore présent dans ces photographies. Les yeux de la poupée ne mentent pas c’est peut-être pour cette raison qu’ils sont toujours là — ils n’ont rien à cacher, rien à signaler non plus, comme si tout avait déjà été dit. Le reste devient fantomatique, inexistant.

L’artiste a beau effacer une partie de ces archives, ces images permettent toutefois de combler un « trou de mémoire », de creuser au-delà d’une archéologie familiale, un passage dans une histoire nationale et collective qui reste encore aujourd’hui ponctuée de non-dits. Ces personnages sans têtes ni corps d’Erwan Venn sont autant de fantômes d’une mémoire collective qui s’efface encore trop souvent.

A partir des mêmes archives, Erwan Venn dessine une série de portraits d’enfants au regard trouble, parfois perdu, presque agressif : Petits Bretons. Ces yeux étranges et blancs, à la pupille petite et flottante dans un vide laissé par l’iris font directement écho au Village des damnés, et à l’atmosphère angoissante et glaçante qui y règne.

Agate Bortolussi

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