Fabien Mérelle

Exposition

Dessin, sculpture

Fabien Mérelle

Passé : 31 mars → 26 mai 2012

Expérience entre bonheur et abîme

« Mes affaires suivent le cours qui leur est assigné là-haut ». Cette phrase tirée d’un texte qui se rapporte à Albrecht Dürer sur le point de prendre épouse, sied parfaitement au tout récent père de famille qu’est devenu le jeune Fabien Mérelle. Une connivence domestique, bien que cinq siècles les séparent.

« Regarde attentivement la nature », écrivait le Maître de Nuremberg, « dirige toi d’après elle et ne t’en écarte pas. Plus la forme de ton œuvre est semblable à la forme vivante, plus ton œuvre paraît bonne ». C’est à cet instant que l’art cesse d’être uniquement le produit du sentiment individuel ; transmis et appris, il se féconde lui-même dans ce grand fatras d’images piochées dans la longue aventure de l’art, tout autant que dans les histoires les plus humbles.” La proximité qu’entretient Fabien Mérelle avec son environnement immédiat structure son caractère graphique, tel un musicien sa pâte sonore. Sa vie quotidienne tient lieu de miroir où la main et le dessin ne font qu’un.

Une réflexion entamée depuis les Beaux-Arts tant sur le paradigme que représente la forme, que sur l’élan que lui inspire son sujet. Le plaisir qu’il distille au gré de sa planche, n’est pas simplement un acte de bravoure mais doit être perçu comme la satisfaction d’une réalité au sens freudien du plaisir tant sexuel qu’esthétique. « Ce mystérieux trésor amassé au fond du cœur se répand alors au moyen des œuvres ». Fabien Mérelle convoque son monde à lui. Une empathie de l’immédiateté où se retrouve pêle-mêle ménagerie grouillante, figures familières, environnement proche et un quotidien qui le pousse à exhiber de manière plus ou moins préméditée ses propres pulsions et aspérités dont le grain du papier serait la métaphore.

Si le trait est exemplaire, le sujet échappe à son géniteur. Il en devient le jouet, à l’image de cette balle de caoutchouc d’un Jokari qui échappe à toute logique directionnelle. Elle décide pour lui nonobstant la maîtrise qu’il manifeste dans son jeu. Épreuve douloureuse pour l’artiste qui n’est plus le maître de son dessein, pire de son destin. La trajectoire émotionnelle qui l’assaille le rend vulnérable, le masque tombe, le fard se désagrège. Reste comme seul vestige d’une vie antérieure, cette couleur de peau, pâle, modeste, surréelle, ultime traduction de l’expérience entre bonheur et abîme.

R.-J. Praz
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