Fabien Verschaere — Lost and Found
Exposition
Fabien Verschaere
Lost and Found
Passé : 7 avril → 21 mai 2011
Lost & Found (les objets trouvés), c’est le comptoir du dernier recours. C’est le lieu du désarroi causé par la perte d’une chose anodine — un parapluie par exemple —, ou bien d’une chose précieuse — un parapluie toujours —, mais qui a le don de nous rappeler une histoire d’amour ou un être cher. C’est aussi le comptoir de l’espoir : « C’est si bon de te revoir ! », pense-t-on, en apercevant l’objet égaré revenir vers nous entre des mains anonymes et bienveillantes.
La peinture de Fabien Verschaere, c’est cela : un comptoir où, si l’on vient s’y accouder, la vie nous est servie (restituée, rendue) sur plateau. Nous disons bien toute la vie ; celle que nous croyions perdue, avec ses débordements, ses déchirures, ses excès, ses deuils, ses rêves, ses cauchemars, ses pulsions, sa causalité magique et cette flamme que l’artiste entretient avec une générosité conduisant plus surement que l’ivresse à la perte de tous repères, à la folie proliférante jugulée seulement par la maîtrise et le labeur.
Lost & Found. Nous avons tous perdu quelque chose. Tous en quête d’une compensation.
Ici, on guérit de ses blessures grâce à un onguent, un élixir visuel distillé par un chauffeur d’alambic au pedigree singulier puisant son énergie et son inspiration dans le Rock’n’Roll, l’Afrique, la bande dessinée, la SF et l’histoire de l’art ; Brueghel en tête, Lewis Caroll et Saint Exupéry en embuscade juste derrière cette figure tutélaire.
Un vortex de libido et une page de Crumb mâtinée de conte de fées… Tout fait corps. Une même substance, une infinité d’attributs. Un monde agglutiné, fait de la même pâte. Servi d’un seul jet, en format 120 figures.
C’est lorsqu’on est persuadé d’en avoir fait le tour que surgit une figure demeurée jusque là inaperçue — un champignon qui hurle, une horloge figée, des dés bavards, une tête en forme de globe terrestre, un cortex sans boîte crânienne —, et aussi l’auteur qui sans cesse mute, prend diverses postures et endosse différents personnages au sein même de son œuvre ; tantôt boxeur, sorcier, démon ou sauveur. Car l’artiste est polymorphe, pour reprendre un mot cher à Salvador Dali. Il est aussi intimement mêlé à la substance de son œuvre que le sont les traits et les couleurs, les cernes et les aplats.
Peinture / sculpture : vue en coupe du cerveau de l’artiste et de ses sidérantes mutations. Tout va très vite. Tout apparaît d’un coup, mais ne se découvre qu’à la « lecture ». Car une œuvre de Verschaere se lit comme un livre, se sirote comme un whisky ou s’écoute comme un bon disque.
Une oreille attentive percevra derrière la savante et organique mise en scène du désordre des choses, un souffle, un mugissement terrible, semblable aux stridences envoutantes du phrasé de Miles Davis ; comme lorsque Boris Vian entendait en plus du son de la trompette, la déchirure sanglante des lèvres du musicien. Peindre comme on joue de la trompette ! C’est aussi une affaire de souffle, une affaire de cœur.
Et, au cœur des mondes imaginaires dessinés par Fabien Verschaere, il y a un point aveugle, une fontaine d’où surgissent sans répit des bataillons de personnages tantôt risibles, tantôt terrifiants, saturant l’espace de ses toiles et de ses fresques. Ce creuset de l’art, cette source invisible des rêves et des cauchemars, c’est l’enfance ; ce que l’artiste appelle « le laboratoire d’une vie ». C’est de là que provient ce conte qui rassemble tous les contes, cette histoire qui donne naissance toutes les histoires.
Pour sa première exposition personnelle à la galerie RX, l’artiste a décidé de nous emmener ailleurs, loin de la morne norme et de l’art éduqué, dans des banlieues fabuleuses, là où se rejoignent le jeu et le sérieux, la transe et la lucidité, là où tout se perd et se retrouve.
David Rosenberg, Paris, mars 2011
Horaires
Du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h à 19h
et sur rendez-vous.