Fredi Casco — Operaciones en la selva
Exposition
Fredi Casco
Operaciones en la selva
Passé : 9 janvier → 21 février 2015
En 2009, lors d’une de mes promenades habituelles sur le petit marché aux puces qui a lieu le dimanche dans la ville d’Asunción, je suis tombé sur l’étal d’un vendeur d’objets anciens, où j’ai découvert une série de manuels d’instructions militaires publiés par l’armée américaine entre les années 1960 et 1970.
Une partie du lot consistait en des manuels d’opérations antiguérilla qui contenaient des textes et des illustrations pour l’entrainement des groupes militaires de contre-insurrection dans les forêts tropicales ou dans les régions désertiques d’Amérique latine. Toutes les publications étaient traduites en espagnol et destinées aux officiers latino-américains boursiers de la tristement célèbre « École des Amériques ». 1
Le Project Room Operaciones en la selva (« Opérations dans la jungle ») fait partie d’un corpus plus large, Opérations et Cérémonies, qui se présente comme work-in-progress incluant objets, documents, dessins et travaux graphiques faisant directement référence au contenu de ces manuels, mis librement en relation avec d’autres images et discours, souvent antagonistes.
Dans la première partie du projet, j’interviens sur des photographies inclues dans le « Manuel d’Entrainement et d’Opérations dans la Jungle », avec la typographie et les titres d’épisodes des couvertures de la revue Killing (Kiling en Argentine), roman-photo d’origine italienne très populaire en Amérique du Sud dans les années 1970.
Dans la seconde partie, j’insère sur deux photographies de paysages extraits de ces mêmes manuels antiguérilla des fragments d’un manuscrit attribué à Osmar Martínez, leader de la guérilla EPP (Armée du Peuple Paraguayen), saisi par la police en 2009. Les fragments exposent des instructions de survie du groupe guérillero dans les parties boisées de la région orientale du Paraguay. De cette manière s’établit un dialogue anachronique et improbable entre deux discours radicalement antagonistes, bien qu’ils aient été élaborés pour être utilisés dans des contextes similaires.
La troisième partie de l’exposition s’articule autour de faux pamphlets de propagande, construits à partir d’images extraites de la rubrique « El Programa de ‘Conozca su mundo’, la amistad a través del entendimiento » (« Le Programme ‘Connais ton monde’, l’amitié à travers la compréhension ») de la revue ¡Adelante! distribuée au sein de l’École des Amériques. Ces pamphlets mettent en scène des militaires boursiers à Fort Gulick et leurs familles, vêtus avec le costume traditionnel de leur pays ou de leur région d’origine, l’objectif étant de faire connaître leur culture et encourager « l’amitié entre les peuples ». « Le contraste entre les images des manuels antiguérilla et l’hypocrisie de cette rubrique reflétant supposément une communauté unie dans la différence, font référence au double discours des pays occidentaux envers les dictatures d’Amérique latine.» 2
Enfin, pour clore l’exposition, une série de dessins pour laquelle le crayon papier, utilisé comme un poinçon, laisse deviner certains instruments utilisés par les militaires pendant leurs missions dans la jungle d’Amérique latine. Apparaissent alors les silhouettes spectrales — instruments fragiles de la mémoire — des atrocités commises dans le contexte plus large de la Guerre Froide, et au nom d’une prétendue « civilisation occidentale et chrétienne ».
1 L’École des Amériques, centre d’enseignement militaire créé par le gouvernement américain et établie à Fort Gulick au Panamá à partir de 1946, avait comme objectif la formation en techniques de combat, torture, assassinat et répression, afin de garantir la permanence des dictatures en Amérique latine.
2 Ana Maria Guerrero in Fredi Casco — La fascination des Sirènes , catalogue publié à l’occasion de l’exposition monographique présentée du 3 juin au 23 septembre 2014 à la Maison de l’Amérique Latine, Paris
Horaires
Tous les jours sauf le dimanche de 10h à 17h