Hein Koh — Not So Healthy

Exposition

Dessin, peinture

Hein Koh — Not So Healthy

Passé : 22 mai → 3 juillet 2021

L’angoisse végétale de Hein Koh

Le brocoli est bon pour vous… mais qu’est-ce qui est bon pour le brocoli ? La récente série de dessins et peintures de Hein Koh anthropomorphise ce légume vert et feuillu, devenu un avatar avec lequel l’artiste peut sillonner dans les angoisses contemporaines. Il y a une maladresse joyeuse à l’œuvre ici — lorsque la femme-brocoli de Koh se pavane sous la neige ou la pluie — mais aussi du pathos. Comme les fumeurs insomniaques et tourmentés de Philip Guston, ces personnages servent à aborder la solitude, l’insécurité et l’aliénation sous leurs vrais aspects.

Connue pour ses sculptures molles et fantaisistes requérant un long travail, Koh a fait un détour vers la bidimensionnalité seulement très récemment. Réalisées pour la plupart pendant l’année stressante de pandémie, ces œuvres suivent une oscillation familière entre désespoir et optimisme. On voit la protagoniste de Koh allongée dans un champ de fleurs, mais aussi tirer sur sa cigarette comme une maniaque ou ausculter son unique œil de Cyclope, injecté de sang et exténué. Le tableau It’s Ok la trouve montant un mystérieux escalier, exhalant la fumée, cherchant à se rassurer et le spectateur avec, tandis que l’obscurité s’insinue de tous les côtés.

La claustrophobie domestique de la quarantaine est contrebalancée par des moments de relative liberté : conduire une voiture la nuit, peindre un autoportrait tout en textotant avec des amis… des fantasmes d’évasion et de libération à l’ère du confinement et de l’isolement. L’un des plus étranges des nombreux dessins étranges présentés ici est Tree of Life : la femme-brocoli couchée dans une grotte ou une tombe sous un arbre, ses racines apparemment nourries par son corps vert. A-t-elle abandonné ? Ou est-elle simplement venue trouver un peu de paix et de calme, acceptant les cycles de la nature, c’est-à-dire que les choses se passent mal et que le monde continue malgré tout de tourner ?

Une émancipation et un érotisme sous-jacents parcourent également ces œuvres, même s’ils sont transmis avec une pointe d’humour pince-sans-rire. Break on Through par exemple imagine la femme-brocoli en boss brandissant une masse, détruisant un mur de briques laissant apparaître un mystérieux œil. Chaussée de cuissardes en cuir noir et d’un rouge à lèvres couleur feu, elle est puissante et féroce, n’ayant besoin de l’attention ou de l’approbation de personne. Son sex appeal est à la fois sérieux et ironique — comme un rappel d’une série antérieure de photos dans laquelle l’artiste posait nue, façon pin-up, à côté de ses propres sculptures.

Comme les artistes Ellen Berkenblit ou Carroll Dunham, Koh emprunte la logique esthétique des bandes dessinées pour creuser un peu plus profond dans les vérités et les émotions universelles. Ces dessins et peintures sont, contre toute attente, touchants, à l’instar de Veggie Tales, par exemple, sous le prisme de la psychologie contemporaine et du soin à soi-même. « Mange tes brocolis » répètent les parents faisant pression sur leur enfant grincheux pour qu’il adopte de meilleures habitudes. Koh prend ce symbole archétypal de santé et le complique — elle le fait fumer à la chaîne, elle l’épuise. Ce brocoli n’est pas un modèle à suivre.

Il y a comment nous devrions vivre et comment nous vivons effectivement, et le gouffre entre les deux. L’un des aspects déconcertants et irritants du confinement concerne les opportunités qu’il était censé nous apporter pour nous améliorer sur un plan personnel. Certes, nous sommes coincés à la maison, sans emploi ou essayant désespérément de faire classe aux enfants à la maison — mais n’est-ce pas aussi le moment idéal pour commencer à faire du vélo d’appartement, se mettre à la pâtisserie ou apprendre le japonais ? Les scènes de la femme-brocoli dépeintes par Koh, seule et se débattant avec le quotidien, sont bien plus réalistes. Comme nous tous, elle s’est juste débrouillée — avec l’ennui, l’anxiété et le doute — et espère arriver de l’autre côté pas trop flétrie.

Scott Indrisek

Scott Indrisek est auteur et vit à Brooklyn. Il a été par le passé rédacteur en chef du magazine Modern Painters et rédacteur adjoint de Artsy. Ses écrits sont apparus ou paraissent dans GQ US, The Believer, Artforum, Garage, Bookforum et dans diverses autres publications. Il est également co-fondateur de Teen Party, un espace d’exposition dans un appartement de Bed-Stuy, Brooklyn, qui a été actif de 2016 à 2019.

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