Helene Schmitz — Kudzu Project
Exposition
Helene Schmitz
Kudzu Project
Passé : 7 novembre → 7 décembre 2013
La nature ne fait pas de sentiments. Elle évolue selon son propre ordre du jour : avancer ou reculer, dominer ou être dominée, survivre ou périr… Malgré cette réalité, l’humanité lui a toujours attribué des « qualités », comme la bonté ou la cruauté. Et l’art s’en fait le reflet. Dans le Kudzu project, l’œil de la photographe suédoise Helene Schmitz observe et enregistre les phénomènes de la nature avec une conscience aigüe de l’éphémère. Retenir par la photographie est sa motivation majeure.
Le Kudzu
En provenance du Japon, le Kudzu (Pueraria lobata) a été introduit aux Etats-Unis à la fin du 19e siècle, pour ses vertus décoratives de plante couvre-sol ; puis il a été massivement planté à partir des années 1930 pour fixer les sols érodés dans le Sud — en Alabama, en Géorgie et dans le Mississipi.
Très vite, très fort, ces feuilles aux trois larges folioles montées sur de fines tiges se sont répandues : dans un environnement propice, le Kudzu peut croître jusqu’à 30 cm par jour ! Ainsi, en l’espace de vingt ans, cette plante importée parce que jolie et utile s’est transformée en plante nuisible, pour devenir « la vigne qui a dévoré le Sud ». Le Kudzu avance, recouvre, entoure de ses vrilles, voir étouffe tout ce qu’il rencontre d’inanimé — arbres, buissons, fleurs, routes, maisons — métamorphosant le paysage en une immense plantation Kudzu, effroyable et fascinante. Quel artiste de landart aurait osé concevoir un projet d’une telle envergure ? Les plantes forment une couverture uniforme créant l’illusion d’un ensemble, d’un grand océan figé dans ses mouvements et fait d’une seule matière : une sculpture abstraite, infinie.
Le projet
De façon totalement apocalyptique, la plante vorace prend possession de l’espace de l’homme, le domine au-delà de tout contrôle. C’est ce qui a fasciné Helene Schmitz. Elle avait déjà exploré la lutte entre l’homme et la nature dans son précédent projet Jardins engloutis réalisé dans la jungle de Surinam (Galerie Maria Lund, 2010 et Festival de Chaumont sur Loire, 2011). Pour le Kudzu project, elle s’est rendue plusieurs fois en Géorgie et en Alabama en 2012, où elle a créé une série d’images dans des circonstances assez difficiles : la température estivale dans le royaume du Kudzu atteint 45 degrés tandis que les prises de vue exigent plusieurs heures. Helene Schmitz a fait le choix de revenir à l’argentique pour obtenir des négatifs de grand format (24 × 30 cm) ceci dans le désir de travailler avec la lenteur d’un peintre, dans l’idée que le temps passé à faire exister une matière particulièrement dense est un temps nécessaire, c’est le temps de l’avènement de l’image.
Si l’objet photographié est le Kudzu, l’intérêt d’Helene Schmitz pour ce phénomène n’est pas tant de le documenter que de nous mettre devant la puissance de la nature et ce, dans une forme plastique qui a ses propres raisons. Elle en rend compte dans des tirages jet d’encre sur papier mat — digigraphies — réalisés pour la plupart en noir et blanc, mais dans un noir qui contient de telles nuances qu’il met en avant la dimension impénétrable et abstraite du sujet. On ne voit plus alors que des formes organiques qui se détachent de l’environnement, « des sculptures monumentales » couvertes de Kudzu. Quelques images laissent voir des bâtisses — maisons, industries — encore identifiables, partiellement enveloppées par la plante. On pressent leur destinée qui les voue à disparaître sous une végétation omnipotente et l’on se demande ce que dissimulent les paysages. De quels corps, de quelles constructions, de quelles histoires s’est emparée la nature ? Par un langage subtil et une savante combinaison de l’analogique et du numérique, Helene Schmitz fait exister des images dont la beauté immédiate happe le spectateur pour mieux le confronter à une nature qui nous échappe.
L’artiste
Helene Schmitz est née en 1960 en Suède, elle vit et travaille actuellement à Stockholm. Diplômée en histoire de l’art et en cinéma, elle enseigne la photographie puis se consacre à ses propres créations dans les années 1990. Depuis lors, elle montre régulièrement son œuvre, principalement en Scandinavie où l’institution lui porte un intérêt grandissant : Fotografiska, Stockholm (2011), Kristinehamns Konstmuseum (2012), Abecita konstmuseum, Borås (2013) et en 2015 Dunkers Kulturhus (Centre culturel à Helsingborg, en Suède) présentera une exposition personnelle de son œuvre. En France, ses photos ont déjà fait l’objet de nombreuses expositions : Livingrooms au Centre Culturel Suédois dans le cadre du Mois de la photo (1996), une exposition plein air en 2007 au Jardin des Plantes, Blow Up au Palais Rameau de Lille dans le cadre de Transphotographiques (2010), Jardins engloutis et Carnivores à la Galerie Maria Lund dans le cadre du Mois de la Photo OFF en 2010 puis au Centre d’Art et de Nature du Domaine de Chaumont-sur-Loire durant l’été 2011. Son travail a également été présenté aux USA, en Amérique du Sud et au Japon. Tout récemment, elle a reçu la commande d’une série de photos qui est présentée dans le métro de Stockholm à la station Mariatorget, durant l’année 2013.
Une partie de son activité est consacrée à la publication d’ouvrages : A passion for Systems (System och passion — Linné och drömmen om Naturens Ordning, 2007) a été récompensé en Suède par la Bibliothèque Royale et le Publishing Prize. Son dernier livre Ur Regnskogens Skugga (Le projet Rolander, 2011) a également été primé par le Publishing Prize de Suède. Elle a été nominée à deux reprises par le plus prestigieux des prix littéraires suédois, l’Augustprize. Helene Schmitz a été sélectionnée comme finaliste pour le Prix de la Photo Camera Clara 2013.
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Vernissage Jeudi 7 novembre 2013 21:00 → 18:00
En présence de l’artiste.
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Evénement Samedi 16 novembre 2013 21:00 → 19:00
Nocturne
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Rencontre Mercredi 20 novembre 2013 à 19:30
Entretien photographique à l’Institut suédois avec Helene Schmitz, photographe & Gabriel Bauret, auteur, commissaire d’exposition et professeur spécialisé en photographie. Il est question du « temps de l’image », des choix techniques à l’ère du tout numérique et du rapport conflictuel entre l’homme et la nature — loin de la vision idyllique héritée de l’histoire de la civilisation européenne.
Horaires
Du mardi au samedi de midi à 19h
Et sur rendez-vous
Printemps 2020 : la galerie est ouverte sur rendez-vous