Henri Huet — Vietnam

Exposition

Photographie

Henri Huet
Vietnam

Passé : 9 février → 10 avril 2011

La passion d’un métier, celui de photographe de presse, a conduit Henri Huet à sillonner les routes du Vietnam en guerre pendant près de vingt ans. L’amour du pays où il est né se reflète dans ses photos, douloureux témoignages d’un conflit dont tous les hommes sont les victimes.

Ses clichés, empreints de courage et d’humanité, ont eu le pouvoir de changer le regard de l’Amérique sur cette guerre. Entrés dans la mémoire collective, ils demeurent des références pour les photographes d’aujourd’hui. Quant à l’homme, il a définitivement marqué ceux qui l’ont croisé, journalistes ou militaires. Comme bien d’autres, Henri Huet a donné sa vie pour son métier. Modestement, ainsi qu’à son habitude. Il a disparu le 10 février 1971, dans un hélicoptère en flammes, lors de l’invasion du Laos par les troupes sudvietnamiennes. Lorsque le site du crash est fouillé en mars 1998, on ne retrouve comme seule trace de lui que la petite médaille en or qu’il gardait précieusement dans son portefeuille.

Cette exposition qui ouvre ses portes à la Maison européenne de la photographie, quarante ans jour pour jour après la disparition d’Henri Huet, lui rend hommage, ainsi qu’à ses plus proches compagnons photographes : Eddie Adams, Kyioshi Sawada, Dana Stone, Larry Burrows, Nick Ut, Horst Faas, Christian Simonpietri, Dick Swanson et David Burnett.

« Vraiment, j’aime mon métier et n’en changerais pour rien au monde. Vous devez me trouver un peu fou, mais vous savez depuis belle lurette que j’ai toujours été un peu casse-cou. »

Le silence s’est fait, soudain, dans le bureau de l’agence Associated Press à Saigon. Richard Pyle, le chef de bureau vient juste de prendre la communication de Michael Putzel, l’un des reporters d’AP qui couvrent l’invasion du Laos par l’armée sud-vietnamienne. Il prend note et s’efforçant de se concentrer car la ligne est mauvaise : « Un hélicoptère de la Vietnamese Air Force a été abattu au Laos… ceux qui étaient à bord sont portés disparus et présumés morts… parmi eux, quatre photographes de presse civils… Henri Huet d’Associated Press… Larry Burrows de Life… Kent Potter d’United Press International… Keisaburo Shimamoto de Newsweek… » Tous les visages de l’équipe reflètent l’incompréhension.

Quatre journalistes sont portés disparus. Leurs amis. Et Henri. Non, pas Henri. Depuis 1965, les journalistes d’AP partagent le quotidien du photographe français. Il est apparu un jour, amené par Eddie Adams qui l’a convaincu de quitter UPI pour rejoindre l’équipe d’AP — la meilleure façon, selon le photographe américain, de neutraliser son principal concurrent. Petit, le cheveu sombre, le sourire éclatant et le teint buriné, il parle anglais avec un fort accent français. Discret, il en dit peu sur sa vie personnelle. La plupart de ses collègues ignorent qu’il a une ex-femme et deux enfants, en France. Il est métis, né à Dalat en 1927 de père français et de mère vietnamienne. Élevé en France, il a fait les Beaux-Arts à Rennes, en Bretagne. Son expérience de la photo de guerre, c’est dans l’armée française, depuis 1950, qu’il se l’est forgée, car il s’est engagé dans le but d’être affecté au Vietnam où son père vit toujours. Cela fait donc vingt ans qu’il parcourt les routes de la péninsule, muni de ses appareils photo. L’Histoire et le goût de l’aventure ont fait le reste.

Sur le champ de bataille, Henri Huet est autosuffisant, rapide, « maître dans l’art de se rendre invisible », note Horst Faas qui dirige les opérations photographiques d’AP au Vietnam. Il se faufile au cœur de l’action sans se faire remarquer et se positionne toujours à la bonne distance. Pour déclencher, il sait prendre son temps ; il attend que l’image se compose. Certains se souviennent qu’il leur a appris à survivre sur le champ de bataille, certains qu’il n’est avare ni de conseils, ni de son temps, d’autres qu’il est toujours prêt pour une bonne plaisanterie. Il rapporte ses films à Saigon, épuisé, amaigri, couvert de la terre du Vietnam. Là, il disparaît sur sa vespa, rejoint un studio spartiate, partage parfois quelques sandwichs avec son ami Ed White.

Ses photos paraissent dans les journaux du monde entier. Il saisit tous les visages de la guerre. Ceux de la détresse des soldats, ceux de la terreur des civils et ceux des enfants. Il fixe sur la pellicule les yeux d’une petite fille que des soldats américains ont trouvée dans une grotte, sur la route de Dalat, à quelques kilomètres de sa maison natale. Il y a eu aussi ce jour de janvier 1966 où il rapporte du combat tant de bonnes photos que le rédacteur en chef photo du bureau d’AP ne sait pas où donner de la tête. Et Larry Burrows, le célèbre photographe de Life, déclare en voyant la photo du médecin Thomas Cole, le visage enveloppé de bandages, apportant des soins à un autre soldat :
« C’est la une de Life ! ». Ce reportage vaut à Henri Huet la Robert Capa Gold Medal.

Et l’année suivante, en septembre 1967, il ne peut échapper au feu. Il est sérieusement blessé à Con Thien. Dana Stone, qui apprécie tant sa compagnie sur le terrain, immortalise la scène : Henri grimace de douleur dans une tranchée, ses appareils à côté de lui. Évacué, opéré, il est éloigné du champ de bataille pendant quelques mois. À peine rentré au Vietnam, il est impatient de retrouver l’action. Les missions sur le terrain se succèdent à nouveau. En 1969, la direction d’AP, inquiète des dangers qu’il court, le persuade d’accepter un transfert à Tokyo. Très vite, il s’ennuie ferme et n’aspire qu’à retourner au Vietnam. Le prétexte de l’invasion du Cambodge, en mars 1970, est tout trouvé : le bureau de Saigon manque de bras et demande qu’on renforce son équipe. Henri est candidat et obtient son transfert. Il est à nouveau chez lui. Il suit de près les opérations militaires au Cambodge. Ses courriers traduisent son inquiétude et son épuisement, et ce d’autant que l’invasion du pays s’accompagne de la mort et de la disparition de nombreux journalistes, parmi lesquels ses proches amis les photographes Kyioshi Sawada et Dana Stone.

L’année 1970 s’achève par un voyage en Nouvelle-Calédonie : l’ex-femme d’Henri Huet s’y est installée avec les enfants. Cela fait plus de trois ans qu’il ne les a vus ; il est si heureux de les retrouver. À peine revenu au Vietnam, il est à nouveau happé par l’actualité, l’invasion du Laos que préparent, depuis quelques mois, Sud-Vietnamiens et Américains. Les journalistes se groupent à la frontière, à Khe Sanh. Le temps est pluvieux, l’attente pénible. Henri Huet fait parvenir à Saïgon ce qui seront ses dernières pellicules. Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Américains refusent d’embarquer des civils dans les hélicoptères. Les Sud-Vietnamiens suivent aussi cette règle, mais, le 9 février, l’officier qui commande la force sud-vietnamienne d’intervention au Laos convie des journalistes à l’accompagner dans son inspection du front. Les quatre photographes qui montent dans l’hélicoptère “Huey” sont Larry Burrows, Kent Potter, Henri Huet et Keisaburo Shimamoto. Peu avant midi, les hélicoptères décollent et se dirigent vers le Sud. La théorie la plus communément admise est que l’hélicoptère de presse s’est égaré sur le terrain montagneux de la piste Hô Chi Minh.

Le site du crash du 10 février 1971 sera localisé presque trente ans plus tard et répertorié sous le numéro 2062. Une équipe de recherche américaine se rend sur place, accompagnée par Horst Faas et Richard Pyle fidèles à leur amitié. Du flanc de la montagne, on déterre de la pellicule 35 mm, des optiques de Nikon, des fragments de montres, des boucles de ceinture, une médaille de baptême… et le boîtier d’un Leica. Des restes retrouvés sur le site du crash ont été scellés dans le mur du Mémorial des journalistes du musée de la presse, le Newseum, à Washington, en avril 2008.

« Je crois au destin. Au cœur d’une bataille, je pense : Je ne suis pas un soldat, je ne peux être touché. Le jour où l’on cesse de penser comme cela, il faut cesser de travailler. »

Henri Huet (Interview, Montreal Star, 27 avril 1967)

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Site officiel

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Horaires

Du mercredi au dimanche de 11h à 20h
Jeudi 11h — 22h — Le samedi 10h — 20h — Fermeture les 25 décembre et 1er janvier (fermeture des expositions à 17h les 24 et 31 décembre)

Tarifs

Plein tarif 12 € — Tarif réduit 7 €

Gratuit aux moins de 8 ans, personne handicapée, personnel de la Ville, carte presse et les mercredis entre 17 et 20h

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