Isabelle Giovacchini — Plongées, fragments, répliques

Exposition

Photographie, techniques mixtes

Isabelle Giovacchini
Plongées, fragments, répliques

Dans 4 mois : 28 septembre → 21 décembre 2025

Première exposition personnelle d’Isabelle Giovacchini en centre d’art, Plongées, fragments, répliques offre un regard inédit sur son travail de sélection, de manipulations et d’expérimentations à partir de fonds iconographiques ou d’images trouvées. Si la démarche de l’artiste s’inscrit dans le champ de la création contemporaine qui fait des photographies existantes son matériau premier1 , sa singularité se dessine dans l’indétermination et le trouble que suscitent ses images transfigurées. Sans prétendre au contre-récit ou à la réhabilitation de vérités historiques, l’artiste cherche au contraire à épaissir le mystère qui entoure l’image, et à faire émerger des narrations brouillées, lacunaires, dans lesquelles on peut librement projeter ses propres imaginaires.

Les transformations que l’artiste applique aux images sont variées, mais elles ont en commun de saisir la photographie dans sa matérialité : davantage qu’une image, les photographies deviennent des objets pouvant donner lieu à une série d’opérations qui, en les modifiant, déplacent leur signification. Parmi ces procédés, certains convoquent de manière détournée l’univers du laboratoire argentique, tout en l’articulant à des techniques propres au numérique — c’est le cas par exemple pour l’ensemble Quand fond la neige. Il s’agit en effet moins de revenir à une pratique primitive de la photographie que de repenser la matérialité de l’archive, au-delà des opérations de traitement d’images. D’autres procédés utilisés par l’artiste empruntent à la reprographie, par l’emploi du scanner, évoquant cette fois le monde des archivistes et de la recherche iconographique, sans réduire la photographie à un document mais précisément pour insuffler de l’accident, de l’imprévu, et dérégler le processus de reproduction des images.

Pour Quand fond la neige (2014-2017), l’artiste travaille des vues des lacs montagneux issues de la photothèque du Parc national du Mercantour. Elle en efface ce qui représente la masse liquide en utilisant une solution chimique couramment utilisée en retouche argentique qui fait disparaître la matière photosensible, créant ainsi des manques, des béances dans l’image.

Paradoxalement, la disparition de ces fragments d’images fait apparaître des paysages fictifs, impossibles, qui évoquent autant les légendes et traditions orales locales que des sites lunaires irréels.

Leçons de ténèbres (2011) est une vidéo projetée en boucle d’un tirage photographique du Soleil sur laquelle se reflètent des halos de lumière, provoqués par des éclairages tenus hors-champ. Là encore, l’artiste crée des images spatiales fictives et déroutantes d’un Soleil lui-même éclipsé par des astres inconnus. Dans le même temps, ces reflets font apparaître la texture du papier, et nous rappellent ces halos qui apparaissent par exemple si l’on tente de photographier un livre à la lumière du Soleil. Le tirage photographique réapparaît donc dans sa dimension physique, mais également entouré de mystère, comme un objet que l’on explorerait à la lueur d’une torche.

Lapidaires (un désœuvrement) (2011) occupe une place singulière dans l’œuvre principalement photographique de l’artiste. Il s’agit d’une installation, constituée de huit socles noirs sur lesquels reposent de petits monticules à l’apparence d’or. La question de la disparition partielle de l’image demeure pourtant centrale dans cette œuvre. Chaque quantité d’or correspond en effet à celle qui rehaussait initialement les vêtements des personnages de la fresque de Fra Filippo Lippi, Disputa nella sinagoga (1452-1465, Prato). Disparu au fil du temps, cet or est ici présenté comme un matériau précieux et brut à la fois, débarrassé de toute fonction représentative, évoquant l’effacement des images par le temps, mais aussi les théories et mythes qui entourent l’idée de poids de l’âme. Pour Les Métamorphoses, l’artiste utilise le même protocole avec des daguerréotypes. Le scanner révèle les accidents à la surface de ces plaques, provenant de la collection de la Société Française de Photographie ; nous pouvons alors nous laisser séduire par les matières et couleurs ainsi révélées, et imaginer quelle aurait pu être l’image aujourd’hui disparue.

Parfois, le reste d’une silhouette persiste, et la figure se manifeste alors comme une apparition spectrale, renouant avec l’imaginaire de la photographie spirite qui voyait dans la photographie le moyen de rendre visibles des phénomènes surnaturels. L’artiste rejoue ainsi des questionnements propres aux débuts du médium à l’aide de techniques contemporaines, ancrées dans une pratique prosaïque de la production d’images.

Depuis 2019, Isabelle Giovacchini poursuit un projet autour du lac de Némi, près de Rome. Dans l’exposition, l’ensemble Nemi se décline sous la forme d’une installation photographique, une longue fresque évoquant une intrigue archéologique fictive à travers les différentes strates d’Histoire qui habitent le lieu, notamment d’immenses galères antiques commandées par Caligula, exhumées dans l’entre-deux guerres par le pouvoir mussolinien. Devant la quantité de documents auxquels l’ont menée ses recherches, l’artiste défend l’idée que cette profusion n’épuise pas le mystère qui entoure le lieu. Elle joue alors de la rhétorique du pastiche, dans une mise en scène de recherche pseudo-scientifique faite d’allers-retours permanents entre le vrai et le faux.

Abrités dans des vitrines muséales, des répliques d’albums photographiques et des objets de fouilles factices côtoient des reproductions de documents historiques. Les photographies d’époque, recadrées, fragmentées ou passées en négatif, font apparaître un autre récit, irrésolu, comme en contrepoint aux rêves de gloire portés par les récits officiels.

L’exposition Plongées, fragments, répliques offre un regard privilégié sur l’œuvre d’Isabelle Giovacchini, et sur la façon dont elle mobilise l’histoire et le vocabulaire de la photographie à travers la diversité des imaginaires qui y sont liés : photographie spatiale, photographie spirite, fouille de documents d’archives… En mobilisant des gestes et des processus d’apparition et de disparition — submersion, exhumation, éblouissement –, elle produit des espaces indéterminés qui mettent en échec une prétendue évidence de la représentation et rendent possible l’émergence d’autres narrations.

Depuis de nombreuses années, Isabelle Giovacchini effectue un travail expérimental et empirique sur la photographie. Elle emprunte le champ lexical de ce médium (empreinte, fragment, double, spectre) pour le détourner de ses seules fonctions figuratives et représentatives.

Ses œuvres sont issues d’objets et de photographies trouvées au fil du temps, dans les archives et les lieux qu’elle explore. En les manipulant à son atelier ou en laboratoire, elle tente de trouver le point limite qui se trouverait juste avant la disparition de leur image.

Elle a notamment exposé aux Frac Sud (2007), Occitanie-Montpellier (2008 et 2022), à l’Espace de l’Art Concret (Mouans-Sartoux, 2013), au Mamac (Nice, 2013 et 2015), au CCC (Tours, 2013) au CPIF (2015 et 2020), ainsi qu’en galeries : Xippas (Paris, 2010), Isabelle Gounod (Paris, 2011), Espace à vendre (Paris, 2012), Les Filles du Calvaire (Paris, 2013).

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107, av. de la République

77340 Pontault-Combault

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Samedi et dimanche de 14h à 18h
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