Jannis Kounellis
Exposition
Jannis Kounellis
Passé : 10 mai → 30 juillet 2016
Avec cette exposition la Galerie Karsten Greve a l’honneur de rendre hommage à l’une des figures majeures de l’art du XXe et du XXIe siècle. Présentant une dizaine d’œuvres réalisées entre 1963 et 2010, l’exposition offre un voyage dans le travail de Jannis Kounellis, où la métamorphose plastique correspond à l’étendue du périple parcouru, et toujours en cours. Poursuivant une collaboration qui date de plus de trente ans, la Galerie Karsten Greve a décidé de consacrer une exposition à Jannis Kounellis pendant le 80e anniversaire du peintre pauvre par excellence, ayant su sortir la peinture du tableau.
Jannis Kounellis a vingt ans lorsqu’il quitte sa Grèce natale et s’inscrit à l’Académie des Beaux-arts de Rome. On est en 1956 : l’Italie a survécu aux premières fatigues de l’après-guerre et s’apprête à des années d’innovation, entre autres artistique. Bien que l’environnement créatif de l’époque soit principalement caractérisé par l’art informel, Jannis Kounellis prend ses distances vis-à-vis de cette tendance abstraite et gestuelle. Face à une période historique faite d’hésitation, d’espoir puis aussi de désenchantement, Jannis Kounellis se laisse guider par une certitude : que l’héritage culturel classique, vaste, tragique, encombrant et merveilleux, sert. Et qu’il sert non seulement au présent mais également à dessiner le futur. Amoureux de l’art italien et de « l’inévitable dramaturgie » qui est pour lui la manifestation de l’ancrage catholique de la culture italienne, Jannis Kounellis choisit donc cette côte de la Grande-Grèce pour déployer son discours plastique.
L’alphabet de Kounellis, sa première exposition personnelle, se tient à Rome en 1960 chez la galerie La Tartaruga. À cette époque Kounellis est encore étudiant et peint des signes tirés du paysage urbain et des panneaux de signalisation routière : accrochant les tissus directement aux murs de son appartement, il crée ainsi un alphabet fragmenté et personnel fait de lettres, flèches et autres symboles qui rythment et créent l’espace pictural. En s’emparant de ce langage urbain, Kounellis semble faire référence au sens premier de la polis, cœur de la vie publique ayant vu la naissance de la pensée : puisque l’art, lui aussi, est chose publique.
Autre grand berceau de la civilisation, la mer est aussi présente dans les œuvres des années 60. L’œuvre Pireo (1963), portant le nom du port d’Athènes où Jannis Kounellis est né, évoque métaphoriquement la question du sort de l’héritage culturel classique, ce soleil qui vient de se lever ou qui est peut-être en train de se coucher. Réalisée l’année suivante, l’œuvre sur toile Sans titre (1964) témoigne par contre du rôle du rythme et de l’espace qui amènera aux installations scénographique réalisées à partir des années 70.
L’œuvre Sans titre (1968) est conçue un an après l’exposition Arte Povera organisée à Gênes par Germano Celant : c’est ainsi que le critique nomme art pauvre cette génération se caractérisant par la sobriété des matériaux utilisés. Le langage de Jannis Kounellis mais aussi celui de Giovanni Anselmo, Giuseppe Penone, Mario Merz, Michelangelo Pistoletto, Gilberto Zorio et des autres protagonistes de ce courant vise en effet à l’annulation de l’écart entre création artistique et vie quotidienne : la formule « nature et culture » n’était alors plus une dichotomie mais devient finalement binôme. La laine, la corde et le bois — matériaux que l’on retrouve dans les œuvres de 2000 et 2004 –, témoignent de ce retour à la vie modeste, à la vie de port ou de village, aux outils de travail.
Tant dans leur sens propre que dans celui figuré, les thèmes de l’origine, de l’exile et de l’appartenance sont omniprésents dans le travail de Jannis Kounellis. Se composant d’un lit d’hôpital militaire, Sans titre (2010) est particulièrement explicite : la couverture en laine, bien connue par qui a fait son service militaire, recouvre un corps en acier, pointu et froid. À la fois anonyme et universelle, cette forme couchée nous ramène à l’une des questions les plus présentes et complexes de nos jours, celle de l’asile, de la fuite et de l’abri. Soulignant depuis plus de 50 ans les tendances et les risques d’une société passionnée par la consommation, le travail de Jannis Kounellis se confirme une fois de plus d’une actualité étonnante.
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Jannis Kounellis est né au Pirée, Athènes, en 1936. En 1956 il s’installe à Rome où il s’inscrit à l’Académie des Beaux-arts et suit les cours de Toti Scialoja. La galerie romaine La Tartaruga lui consacre sa première exposition en 1960. Participant à l’exposition de groupe Arte Povera organisée par Germano Celant à Gênes en 1967, Jannis Kounellis est rapidement considéré comme l’un des représentants majeurs de ce courant artistique. L’année 1969 marque un tournant dans son travail avec l’exposition à la galerie L’Attico, où sont présentés des chevaux attachés aux murs d’une salle exposant, outre les animaux, leurs hennissements, bruits et odeurs. Ses œuvres sont exposées pour la première fois à la Biennale de Venise et à la documenta de Kassel en 1972, même année que sa première exposition aux Etats-Unis, à New York. Des expositions personnelles dédiées à Jannis Kounellis ont eu lieu dans les plus importantes institutions internationales telles le Museum of Contemporary Art de Chicago, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le Centro de Arte Reina Sofia de Madrid, le Kunsthalle d’Hambourg, la Galerie Nationale d’art moderne à Rome, la Neue National Galerie de Berlin et le Musée d’art contemporain Donnaregina de Naples. Plus récemment, la Monnaie de Paris a consacré une exposition personnelle à Jannis Kounellis, dont la seule œuvre provenant d’une galerie a été prêtée par la Galerie Karsten Greve.
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Vernissage Mardi 10 mai 2016 18:00 → 20:00
L’artiste
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Jannis Kounellis