Jérôme Zonder — Fatum

Exposition

Dessin

Jérôme Zonder
Fatum

Passé : 19 février → 10 mai 2015

Jérôme Zonder (né en 1974 à Paris) développe depuis plus de dix ans une œuvre virtuose centrée sur le dessin. Réalisées essentiellement à la mine de plomb et au fusain, ses œuvres — souvent de très grands formats — suscitent à la fois admiration et effroi.

Dans son travail les références à Albrecht Dürer, Robert Crumb, Rembrandt, Charles Burns, Otto Dix et Walt Disney voisinent pour composer des récits, souvent cruels :

« La narration nous fait entrer dans le dessin, le corps seul nous retient à la surface. Dessiner pour moi, c’est sans cesse être entre distance et proximité, figuration et abstraction, attraction et répulsion ».

Pour son exposition à la maison rouge, Jérôme Zonder a imaginé une déambulation invitant le spectateur à pénétrer à l’intérieur même du dessin, puisque sols et murs en sont recouverts, établissant un cheminement, spatial et mental, dans les préoccupations de l’artiste.

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Jérôme Zonder, Jeu d’enfants #4, 2011 Mine de plomb et fusain sur papier — 200 × 150 cm Collection O. Malingue, France

« En 2009, une montée de violence me semblait palpable. J’ai commencé une série consacrée aux enfants du siècle, alors âgés de neuf ans, autour du thème de leur anniversaire les faisant rejouer des événements de l’actualité récente, où violence, enfance, cruauté et amour s’entremêlaient ».

Aujourd’hui, ces enfants ont grandi et arrivent à l’âge de l’adolescence. Après les terreurs et les mauvais rêves de la petite enfance, vient le temps des bouleversements intérieurs, des métamorphoses, des prises de conscience et des incertitudes.

Entre poésie et noirceur, les scènes qui composent cet ensemble juxtaposent la violence et les tragédies de l’histoire (la petite autant que la grande) avec l’immédiateté stylistique du dessin d’enfant et les prouesses de sa technique.

Nombreuses questions se posent : comment interpréter ces images ? Quel rapport entretient-on avec la violence quotidienne ? Quels témoins de ce qui nous entoure sommes-nous ?

Rencontre entre Antoine de Galbert et Jérôme Zonder

(extrait)

Yamina Benaï : L’œuvre de Jérôme Zonder est puissante, complexe. De prime abord d’accès difficile, elle se révèle fascinante dans la forme (obsession de la minutie) et dans le fond (thématiques archaïques, inscrites dans l’histoire universelle).

Dans quelles circonstances l’avez-vous découverte ?

Antoine De Galbert : J’ai été confronté à ce travail lors d’une exposition de groupe à la galerie Eva Hober, il y a près de dix ans.

Une décennie, c’est à la fois peu dans la connaissance que l’on acquiert d’une œuvre, et long pour le jeune artiste qu’était alors Jérôme Zonder. (…) Dès 2004, j’ai fait l’acquisition d’œuvres de Jérôme Zonder, cinq ont aujourd’hui rejoint ma collection (…)

YB : Il s’agit donc d’une rencontre précoce dans le parcours de Zonder, qui s’est consacré très sérieusement à son œuvre à partir de 2001, à l’issue de ses études aux Beaux-Arts de Paris. Qu’est-ce qui a retenu votre attention dans les premiers grands formats que vous avez vus ?

AG : Ce qui m’a beaucoup plu est le ton porté sur un mode bande dessinée, comique et sombre, à la manière de Crumb. J’étais autrefois passionné par ce médium, j’ai donc été naturellement happé par cet aspect, qui m’a ensuite ouvert le chemin sur le reste de son œuvre.

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Jérôme Zonder, Les fruits de McCarthy #2, 2013 Mine de plomb et fusain sur papier — 24 × 32 cm Courtesy of Galerie Eva Hober, Paris

YB : Jérôme Zonder, l’observation de votre travail montre un large spectre stylistique, quel regard portez-vous sur l’évolution de votre pratique ?

Jérôme Zonder : Ma préoccupation était de pouvoir restituer la complexité du monde, son caractère hétérogène. Pour tenter d’y parvenir, j’ai mis au point un genre de polygraphie avec le dessin cellulaire, une ligne narrative intimiste, plus intérieure et un espace un peu classique dans la représentation, comme dans mes autoportraits de 2003. J’étais concentré sur trois lignes sous-tendues par la question du travail de la limite. C’est la problématique d’une même question qui évolue, se repose et apparaît en ajouts de façon récurrente mais à chaque fois différente dans mon travail.

YB : Votre questionnement originel est immuable mais adopte des formes différentes, se chargeant de signes supplémentaires au fil du temps.

Vous avez inventé un nouveau monde, dense, effrayant, source infinie d’interrogations pour le regardeur.

JZ : Ma démarche suit l’évolution d’une pensée en lien avec ce qui se passe à l’instant T, et s’insère dans un va-et-vient entre mes propres intuitions, ce que je choisis comme sujet de réflexion et la façon dont tout ce matériau se pose sur le papier, me renvoyant alors à une autre réflexion.

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Jérôme Zonder, Les fruits du dessin #2, 2013 Mine de plomb et fusain sur papier — 24 × 32 cm Courtesy of Galerie Eva Hober, Paris

Mon principe de travail fonctionne par capillarité, suivant un système de ramifications qui, à partir d’un postulat initial, explore de nouveaux territoires.

Propos recueillis par Yamina Benaï L’OFFICIEL ART, n° sept. — oct. — nov. 2014

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