Jill Levy — Commissaire : Benjamin H.D. Buchloh — Librairie Marian Goodman — Exposition — Slash Paris

Passé : 31 mars → 14 mai 2022

La Librairie Marian Goodman a le plaisir de présenter la première exposition personnelle de Jill Levy sur une proposition du critique et historien de l’art allemand Benjamin H.D. Buchloh. La présentation réunit un ensemble de huit peintures et de treize dessins créés au cours des deux dernières années. Les huiles sur toile se caractérisent par leurs couleurs intenses, et comme les dessins au graphite sur papier, par leurs formes entre abstraction et figuration.

Dans le texte « Jill Levy : Peindre, comme si… » inclus dans la brochure qui accompagne l’exposition, Benjamin H.D. Buchloh remarque la singularité du travail de l’artiste :

« La troublante hybridité présentée par Levy — convoquant figuration latente et forme abstraite, un mouvement de friction frappant dans ses dessins mais se faisant plus subtil dans ses peintures, engendre une sensation d’inconfort pertinent. Dans certaines peintures cette relation malaisée entre éléments opposés produit une figuration peu commune qui semble faire saillie comme si — bien que de manière presque injustifiée — elle était irrépressiblement nécessaire. Une ambiguïté analogue émane de l’intensité chromatique de Levy, disjointe de la même façon de toutes les motivations conventionnelles de la représentation, assaillant le spectateur comme si la couleur en tant que mimesis spontanée du monde naturel n’avait jamais atteint ses buts, ou n’avait jamais été confiée à l’obsolescence par les artistes autant que par les critiques à l’esprit théorique. Ce n’est qu’après quelques moments de contemplation plus attentive que l’on prend conscience que la célébration apparente de la couleur par Levy est pareillement gâchée — en parfaite analogie avec la subtile et parfois troublante saillie de la figuration — par une profonde ambivalence comme si le peintre savait pertinemment qu’après Duchamp et Warhol l’intensité chromatique mimétique ne peut être que naïve, sinon frauduleuse. Et cela ne se révèle pas moins vrai dans le registre des dessins au graphite de Levy — qu’ils préfigurent subtilement des structures somatiques ou les évoquent obscurément — dans lesquels se rencontre une hésitation similaire, si ce n’est une résistance pure et simple à la résolution gestuelle ou figurative. Rappelant les premiers dessins d’Eva Hesse, ces fragments somatiques sont comme suspendus du fait de l’échec — ou du refus — similaire à décider si la main du sujet devrait obéir aux exigences de la matrice mécano morphique du contrôle imposé de l’extérieur, ou faire des siennes comme si le sujet pictural pouvait en fait encore mobiliser une opposition de désir interne et biomorphique. »

Jill Levy est née en 1976 à Johannesburg en Afrique du Sud avant d’émigrer en 1980 à Londres, ville où elle vit et travaille aujourd’hui. Elle étudie à l’Université de Brighton entre 1995 et 1998 puis rejoint la Royal Academy of Arts de Londres où elle obtient une maîtrise en art.

Benjamin H.D. Buchloh est critique d’art, historien et écrivain. Entre 2005 et 2021, il a été titulaire de la chaire Andrew W. Mellon d’art moderne et contemporain à la faculté des arts et des sciences de l’université Harvard, où il a donné des cours sur l’histoire de la culture de Weimar et l’histoire de l’art américain et européen après la Seconde Guerre mondiale. Il a été co-commissaire de l’exposition rétrospective de l’œuvre de Gerhard Richter au Metropolitan Museum/Met Breuer de New York en 2020, et a reçu le Lion d’or du critique d’art à la Biennale de Venise en 2007.