Jordi Colomer — Défense de chanter
Exposition
Jordi Colomer
Défense de chanter
Passé : 6 avril → 1 juin 2013
Défense de chanter est la troisième exposition personnelle de Jordi Colomer à la galerie après Arabian Stars en 2005 et Le Dortoir en 2002.
« Il est plus facile de tirer de l’or des hommes que des rivières. ».
Bertold Brecht, Grandeur et Décadence de la ville de Mahagonny, 1927-30.
La fondation d’une cité n’est pas forcément un acte héroïque. Chaque jour, de nouvelles villes s’érigent, faites d’eau, de béton, de sueur et d’argent. Certaines sont — quasiment — une idée pure. Il est des cités de verre qui poussent dans le terreau des bureaux d’études, et d’autres à partir de tôle et de carton qui dansent au rythme de leurs propres habitants. Un jour, alors que la police les poursuivait, le camion d’un groupe de hors-la-loi tomba en panne au beau milieu du désert. Ils ne pouvaient ni continuer ni faire demi-tour. Ils finirent alors par fonder une ville paradisiaque, la cité d’or, où le pire des crimes était de ne pas avoir d’argent. Cette ville fut appelée Mahagonny, et Bertold Brecht l’imagina au moment même où Las Vegas commençait à modeler l’image de la cité telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Dans Prohibido Cantar / No Singing (Défense de chanter) des personnages créent un tripot où ils proposent de l’argent, des tours de passe-passe, de l’amour et de la nourriture à bas prix. L’action se déroule au bord d’une route poussiéreuse, au moment précis et sur la même parcelle de terrain où a été planifiée la construction d’une grande ville privée dans le quasi-desert des Monegros, près de Saragosse en Espagne. Avec trente-deux casinos, Gran Escala, qui devait attirer 25 millions de visiteurs, ne verra jamais le jour, mais en même temps le projet d’Euro-Vegas, près de Madrid, en a pris le relais. Ces images montrent comment prospère la ville d’Eurofarlete, sous un soleil écrasant et de fortes rafales de vent. Des fragments de ce qui s’y est passé durant deux jours permettent peut-être de comprendre l’organisation nécessaire à la survie dans un lieu où tout est en vente à prix réduit, mais aussi à n’importe quel prix.
L’exposition présente également une œuvre inédite de Jordi Colomer, Poble Nou (2013). Le parking de Poble Nou, un ancien quartier industriel de Barcelone en constante évolution, est l’une de ces zones « hors la loi » que l’on trouve souvent dans les travaux de Colomer : les déserts, mais aussi des zones urbaines comme les toits abandonnés, investis et réactivés dans Istanbul map (2010) ou Crier sur les toits (2011), ou encore les friches où marche le personnage d’Anarchitekton, indiquant les limites de Barcelone, Brasilia ou Bucarest. Il s’agit, comme dans Prohibido Cantar / No Singing (Défense de chanter), d’un espace en « suspension », où était planifié un macro-projet qui n’a jamais eu lieu, et que les personnages utilisent de façon imprévue. Les voitures qui s’y trouvent garées temporairement — le temps par exemple d’aller à la plage — ou le groupe de personnes en deuil qui le traverse avec un cercueil, échappent à la planification officielle. On parle de ce qui simplement « a lieu » et nous avons le privilège d’assister à une rencontre fortuite, un moment où plusieurs choses doivent correspondre. Un couple de jeunes russes en vacances qui vient d’arriver dans la ville et le passage accidenté et éphémère des voisins. Comme toute rencontre fortuite, celle-ci prend un air absurde à la Buñuel, et est médiatisée par les commentaires improvisés de Yulia et Andrei qui, dans l’installation, sont traduits en plusieurs langues.
Jordi Colomer est né à Barcelone (Espagne) en 1962, il réside et travaille entre Barcelone et Paris. Son œuvre, marquée d’un fort sens sculptural, englobe de multiples disciplines, particulièrement la photographie et la vidéo. La variété des moyens que convoque l’œuvre de Jordi Colomer et la transversalité de son point de vue sont, sans doute, liées à sa formation plurielle d’architecte, d’artiste et d’historien de l’art.
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Vernissage Samedi 6 avril 2013 à 16:00