Julie Coulon — Cadillac Wheel
Exposition
Julie Coulon
Cadillac Wheel
Encore environ un mois : 7 décembre 2024 → 19 janvier 2025
A la fois vivante et imprégnée d’éléments mémoriels Cadillac Wheel est une exposition hommage au skateboard, mais pas seulement. Le travail de Julie Coulon se déploie et tisse des fils entre différents plans indifféremment hybridés entre réalité, fiction et souvenirs. Les photos, vidéos, décors, ou archives prennent au fur et à mesure possession de l’espace des Eglises et l’image se superpose doucement à la lisière du réel. Cette couche crée un effet puissant propre aux images, néanmoins le trouble qu’il génère n’en est pas moins perturbant, à l’instar de l’affiche de l’exposition : réalité ou fiction ? Dans cette ambivalence, l’artiste distribue les rôles et organise les connexions entre les formes et les protagonistes, définissant progressivement les contours d’un espace scénique dans lequel tout devient signe. Mais le sujet est ailleurs, ici on tourne un film et la mise en mouvement est celle du cinéma et de sa mise en scène.
Appréhender le skate et son histoire par les codes du cinéma des 90’s c’est construire un récit en lien avec un certain regard. Formuler un rapport à la réalité empreint d’une épaisse couche de cinéma rejoint une certaine construction collective. Cette modélisation de la vie sociale n’est pas sans rappeler l’idée que nos interactions découleraient d’un cadre normatif à travers lequel chacun, chacune adopterait une posture proche du jeu dans la vie de tous les jours. Ainsi les acteurs se mettent en scène, offrant à leur public l’image qu’ils se donnent. Toute expérience, toute activité sociale, se prête à plusieurs versions, ou cadrages qui fixent la représentation de la réalité, orientant les perceptions, et influencent l’engagement et les conduites. Cette idée où la vie serait une scène de théâtre permanent conditionnée par un cadre normatif donne une vision assez peu réjouissante de notre libre arbitre. Nous serions comme intrinsèquement et implicitement traversés par des schémas sociaux définis à l’avance : une programmation de la réalité sociale par la représentation même de celle-ci. Le cheminement de Julie est presque à l’inverse. Il s’agirait de détecter le potentiel cinématographique dans la vie ordinaire, et d’induire de la symbolique propre au cinéma là où se déroule la représentation. L’effet produit est de décloisonner le cadre normatif, en redonnant du libre arbitre. Les mythes et les symboles sont réinvestis à la faveur d’un hors-cadre. Le modèle de valeur dominant est réécrit avec le trouble et la polysémie d’une esthétique de la marge. Consacrant les mythologies de l’anti-héros de cinéma au travers de la figure du skateur — après avoir abordé celles du cow-boy, boxeur, motard, footballeur sur la même modélisation. La culture même de nos croyances s’en trouve bouleversée.
Cadillac Wheel, l’exposition d’une performance ou la mécanique de la représentation exposée, se visite et se vit comme un roman dans lequel chacun serait le protagoniste de l’action. Une histoire d’amour dans laquelle deux clans s’affrontent les Montecchi et les Capulet, mais sont-ils ceux de Shakespeare ? Une version moderne de Roméo et Juliette, une romance où la scène de baiser aurais pris pour décor les Eglises de Chelles. Dans un millefeuilles référentiel cinématographique nous renvoyant à nos propres constructions mythologiques les images défilent et la caméra tourne. Saisissant sur le fil la réalité d’une représentation en train de se jouer. Par le biais d’une narration entrelacée d’une multitude d’archétypes, sans jamais les fixer, équivoques pour le regard profane, l’appel de l’ailleurs se fait sentir. Et c’est bien tout ce qui compte. Mais l’histoire finit mal, le désir empêché et la solitude finiront l’emporter.
Enfin, s’il est permis de nommer l’effet d’apesanteur sur lequel un skateur peut se laisser glisser, nous parlerons ici des « ditch » de béton. Ces célèbres canaux d’évacuation des eaux de pluie de Los Angeles dont l’aspiration cinématographique n’a d’égale que la métaphore de liberté qu’elle symbolise, et qui sont autant d’autres potentiels visuels encore.
Cette exposition prend place dans le cadre d’une résidence territoriale d’Education Artistique Culturelle financée pour la Drac Île-de-France. Invitée en immersion pendant presque six mois Julie Coulon intervient dans 3 classes de l’école Georges Fournier et une classe de 1 ère du lycée Jehan de Chelles. L’artiste nous propose de découvrir et d’appréhender son processus créatif, au travers de plusieurs formats distincts : des ateliers, un workshop, une exposition au centre d’art, une autre exposition au club des Cuizines et un va et viens permanent au Cosa Skatepark. Après une première résidence AIMS (artiste intervenant en milieu scolaire) au sein d’une classe sport étude du collège Michelet à Saint-Ouen Julie a réalisé un film autour du football et du Red Star FC, l’artiste s’établit à Chelles.
Renaud Codron, commissaire de l’exposition
Horaires
Samedi et dimanche de 15h à 18h
Sur rendez-vous du lundi au vendredi
Tarifs
Accès libre