Julie Mehretu — Avec une installation de Robin Coste Lewis
Exposition
Julie Mehretu
Avec une installation de Robin Coste Lewis
Passé : 2 avril → 14 mai 2022
En tant que peintre, j’essaie de négocier tout ce qui se passe dans le monde à travers mon travail.1 — Julie Mehretu
La galerie Marian Goodman a le plaisir d’annoncer une exposition de Julie Mehretu. Faisant suite à la rétrospective qui vient de lui être consacrée dans quatre des plus grands musées américains, cette troisième exposition de l’artiste à la galerie de Paris réunit une série de nouvelles peintures de taille moyenne et deux gravures monumentales. L’exposition marque également le début d’une collaboration artistique entre Julie Mehretu et la poétesse Robin Coste Lewis. L’art et la poésie s’entremêlent dans l’espace de la galerie avec la diffusion sonore d’un nouveau poème composé spécialement pour Julie Mehretu par Robin Coste Lewis et qui accompagne une installation vidéo créée par la poétesse à partir de ses archives photographiques familiales.
Depuis plus de vingt ans, Julie Mehretu réinvente l’abstraction grâce à un langage visuel et poétique unique, constitué d’une variété de marques, de mouvements et de significations. Son œuvre impressionnante, qui comprend peintures, dessins et gravures, s’inspire d’une multitude de sources qui ont évolué au fil du temps : élévations architecturales, histoire ancienne, références littéraires et musicales, etc. Récemment son œuvre est influencée par les préoccupations majeures de notre temps tels que les flux migratoires, les révolutions, la justice sociale, le changement climatique et, depuis ces deux dernières années, l’impact de la pandémie dans le monde.
L’examen des événements contemporains est au cœur des peintures récentes de Julie Mehretu : des photographies provenant de médias internationaux accrédités servent de point de départ pour leur réalisation, mais aussi de base pour laisser libre cours à une expérimentation formelle. Les images qu’elle sélectionne sont d’abord modifiées et floutées numériquement avant d’être transposées à l’aérographe sur la toile ; leur présence semble imperceptible mais subsiste de manière subliminale. Julie Mehretu applique ensuite plusieurs couches d’encre et d’acrylique au pinceau, à l’aérographe et en recourant à la technique de la sérigraphie, créant ainsi des espaces de possibilités multiples. Les neuf tableaux exposés à la galerie font partie d’une série intitulée Among the Multitude. Les marques et formes noires emblématiques du travail de l’artiste sont particulièrement volatiles et se mêlent à des couleurs vibrantes pour constituer des compositions compactes et denses. Interagissant les unes avec les autres, comme en conversation, chacune des nouvelles peintures s’apparente à une histoire courte ou un mythe dont le protagoniste énigmatique entre et sort du champ, à la fois insaisissable et partie intégrante du tableau.
L’exposition comprend également deux estampes monumentales créées dans le cadre d’une collaboration avec Gemini GEL, le célèbre atelier de gravure basé à Los Angeles. L’exploration des techniques de la gravure occupe une place essentielle dans la pratique de Julie Mehretu, lui permettant à la fois de poursuivre des recherches formelles qui nourrissent ses peintures, mais aussi d’expérimenter de nouveaux procédés. Chacune des gravures dans l’exposition est composée de dix aquatintes sur papier, encadrées individuellement et présentées comme un ensemble sous forme de grille. Les deux œuvres ont été produites avec exactement les mêmes plaques de gravure, encrées dans des couleurs différentes. Chaque planche de papier a reçu cinq passages provenant de cinq plaques différentes — une prouesse technique puisque cinquante plaques distinctes ont été nécessaires pour finaliser l’ensemble du projet.
Pour la première fois, Julie Mehretu invite Robin Coste Lewis à participer à l’une de ses expositions, en présentant un poème original et une installation. Le texte écrit et enregistré par Robin Coste Lewis s’infiltre dans la cage d’escalier menant au niveau inférieur de la galerie et conduit les visiteurs jusque dans l’espace voûté. Cette collaboration entre la peintre et la poétesse est l’aboutissement d’une amitié politique et esthétique qui s’est développée au fil des années, sous la forme d’une réflexion échangée autour de l’origine et l’évolution du monde, de la création de marques picturales, des migrations humaines ou de l’abstraction. Les deux amies se sont rencontrées à la fin des années 1990, alors qu’elles étaient toutes deux jeunes diplômées et assistaient régulièrement aux mêmes cours et conférences, à une période féconde pour les études postcoloniales, les études queer et la critical race theory. Dès leur première rencontre, leurs intérêts et obsessions communs les ont amenées à engager un dialogue qui s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui, jusque dans l’exposition.
Intimacy, l’œuvre de Robin Coste Lewis présentée dans l’espace voûtée de la galerie, est une installation vidéo composée à partir d’une sélection de photographies de sa famille découvertes par hasard dans une vieille valise après le décès de sa grand-mère. Les images sépia, en noir et blanc ou développées sur plaques d’étain, racontent subtilement l’histoire de sa famille qui, comme des millions d’autres familles afro-américaines, a fui le Sud des États-Unis dans le cadre de la Grande Migration vers l’ouest. La vidéo ainsi que le poème qui l’accompagne font écho à la propre histoire d’immigration de Julie Mehretu ainsi qu’à ses préoccupations esthétiques.
Julie Mehretu (née en 1970 à Addis-Abeba en Éthiopie) vit et travaille à New York. Elle a obtenu une licence d’art du Kalamazoo College (Michigan), a étudié à l’Université Cheik Anta Diop à Dakar au Sénégal, avant d’obtenir un master en beaux-arts avec mention à la Rhode Island School of Design en 1997. Elle a depuis reçu de nombreux prix prestigieux, notamment la bourse MacArthur en 2005, la médaille des arts du Département d’État américain en 2015 et le Liberty Award for Artistic Leadership de New York en 2018. En 2017, elle a été élue à l’Académie américaine des arts et des lettres.
De 2019 à 2022, une rétrospective de son œuvre de 1996 à aujourd’hui a été présentée par le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) en Californie et le Whitney Museum of American Art à New York, qui l’ont co-organisée, et qui a voyagé au Walker Museum of Art à Minneapolis et au High Museum of Art à Atlanta. Son travail a été largement exposé dans des biennales et musées internationaux notamment au Carnegie International (2004-2005), à la Biennale de Sydney (2006), au Solomon R. Guggenheim Museum à New York (2010), à la dOCUMENTA (13) (2012), à la Biennale de Sharjah (2015), au Museu de Arte Contemporânea de Serralves à Porto au Portugal (2017), à la Fundación Botín à Santander en Espagne (2018), à Kettle’s Yard dans l’Université de Cambridge au Royaume-Uni (2019) et à la 58e Exposition internationale d’art — La Biennale di Venezia (2019).
Robin Coste Lewis (née en 1964 à Compton, Californie) vit et travaille à Los Angeles, ville dont elle a été la poétesse officielle. En 2015, son premier recueil de poésie, Voyage of the Sable Venus, a remporté dans la catégorie poésie le National Book Award, la distinction littéraire la plus prestigieuse aux États-Unis. C’était la première fois dans l’histoire qu’un premier ouvrage de poésie écrit par un Afro-Américain remportait ce prix, et la première fois depuis 1974 qu’un premier ouvrage le remportait. Elle travaille actuellement sur un nouveau recueil intitulé To the Realization of Perfect Helplessness à paraître aux éditions Knopf en 2022. Elle enseigne au sein du programme low-residence de l’Université de New York à Paris et est l’écrivain en résidence de l’Université of Southern California (USC). Elle est également boursière du prix Joseph Brodsky de Rome de l’Académie américaine de Rome. Robin Coste Lewis est titulaire d’une licence en création littéraire et en littérature comparée du Hampshire College (Massachusetts), d’un master d’études théologiques en sanskrit et littérature religieuse comparée de la Divinity School de l’Université de Harvard, d’un master en poésie de l’Université de New York et d’un doctorat du programme de création littéraire et de littérature de l’Université of Southern California (USC).
1 Julie Mehretu en conversation avec Phong H. Bui, The Brooklyn Rail, juin 2021
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