Krzysztof Wodiczko — Arc de Triomphe, World Institute for the abolition of war
Exposition
Krzysztof Wodiczko
Arc de Triomphe, World Institute for the abolition of war
Passé : 21 mai → 20 juillet 2011
Le Monument commémoratif de guerre :
Des millénaires de conflits sanglants et des siècles de guerres modernes dévastatrices ont ruiné l’économie, ravagé les campagnes et les centres-villes, et laissé de puissantes empreintes sur nos âmes. Nous semblons incapables de nous libérer de la guerre et de sa position dominante dans notre psyché.
La permanence des conflits armés, les souvenirs tragiques et héroïques des guerres du passé, l’inévitabilité apparente des guerres et leur appel à rester prêts pour de nouveaux combats — sont désormais interconnectés et vivent ancrés à l’intérieur de nous. Les mémoriaux des guerres sont des machines symboliques idéologiques qui renforcent, consolident et pérennisent de telles connexions.
Ils recouvrent, étouffent, écrasent et empêchent toute pensée critique et analytique sur la guerre. Par leurs qualités artistiques et leur pouvoir hypnotique, ces mémoriaux de guerre nous affermissent et nous consolent dans l’idée que servir en temps de guerre est notre devoir moral et sacré. Ils cimentent les notions d’identités nationales, régionales, religieuses ou ethniques, continuant de les mobiliser par la mémoire de la souffrance collective et le martyre. Ils se propagent et nous intoxiquent de croyances dans le sacrifice noble, la guerre juste, la vengeance, et la défense héroïque de l’honneur.
Les organismes de prévention de la guerre et de consolidation de la paix, quand ils cherchent un emplacement dans un paysage urbain symbolique, doivent s’approprier ces mémoriaux de guerre comme leurs sites physiques et symboliques (architecturaux) afin de déconstruire et de démonter leurs activités idéologiques et psychologiques.
L’Arc de Triomphe
Dans le monde contemporain et en particulier dans la Communauté européenne, l’Arc de Triomphe de l’Étoile à Paris doit être considéré comme un symbole grotesque anachronique. Il s’agit d’un suspect historique majeur et un témoin des aventures les plus meurtrières et destructrices, aussi bien militaires qu’idéologiques, de l’histoire de l’Europe moderne.
L’Arc commémore les guerres napoléoniennes et la Première Guerre mondiale (Tombe du Soldat inconnu) avec des moyens architecturaux, iconographiques et épigraphiques complexes — alors même qu’il passe sous silence leurs conséquences dévastatrices et qu’il n’appelle pas à la fin de la guerre. Le Premier Empire mit en place la première guerre moderne totale par la mobilisation de 1,5 million de personnes grâce à la conscription. Les guerres napoléoniennes causèrent la mort de quelque 4 millions de personnes sur un total d’environ 205 millions de victimes des guerres des 19e et 20e siècles. L’Arc justifiait les guerres suivantes et amorçait la diffusion dans le monde moderne des arcs de triomphe commémoratifs, des flammes éternelles et des tombes des soldats inconnus. L’époque des guerres totales modernes a commencé avec les guerres napoléoniennes. Elles ont été suivies par la guerre de Sécession (1861-1865, 7 millions de morts), la guerre civile russe (1917-1922, 9 millions), la Première Guerre mondiale (1914-1918, 15 millions) et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945, 55 millions). Ajoutez à cela un très grand nombre de conflits dévastateurs, guerres, crimes contre l’humanité et génocides.
La « paix » obtenue à la fin des guerres napoléoniennes et, plus tard, « la der des der » (Première guerre mondiale), témoignent tragiquement de l’illusion absurde que la guerre peut établir une paix durable.
Le projet
L’Institut Mondial pour l’Abolition de la Guerre se présente comme une structure entourant l’Arc de Triomphe. À l’achèvement de la construction, l’Arc sera absorbé et contenu par la structure plus grande de l’Institut. Capitalisant sur son emplacement au sommet de la Voie Triomphale, dans l’alignement des monuments qui s’étendent du centre de Paris vers l’ouest, l’Institut adoptera une place centrale sur la carte cognitive de Paris et s’inscrira puissamment dans l’esprit des visiteurs.
L’Arc de Triomphe : Institut Mondial pour l’Abolition de la Guerre est une idée architecturale pour l’institution d’un centre transdisciplinaire international qui offrira, d’une part, une structure symbolique motivant des engagements philosophiques, psychanalytiques et politiques et, d’autre part, un centre militant pour encourager des méthodes analytiques, proactives et inédites pour parvenir à l’abolition de la guerre.
La structure en forme d’échafaudage de l’Institut engloutira l’Arc et laissera le monument visible dans son nouveau contexte comme un spécimen culturel gigantesque, une relique du bellicisme passé reconfigurée en un immense objet de recherche. Cette structure enveloppera l’Institut d’une transparence visuelle. Elle facilitera la libre circulation et la libre traversée et offrira un accès gratuit à tous ceux qui veulent être des témoins historiques, des interlocuteurs critiques, et potentiellement des forces intellectuelles et activistes pour un monde sans guerre. Le grand récit national et de la guerre impériale inscrit sur toutes les surfaces de l’Arc exige un examen détaillé. La transformation de cette culture liée à la guerre demande une enquête critique sur ses racines, ses objets et ses reliques. Pour mener à bien une telle enquête, la structure de l’Institut sera équipée d’un système de passages, de rampes, d’ascenseurs et de belvédères étagés qui fourniront aux étudiants, aux chercheurs et aux visiteurs une aide et une inspiration pour étudier l’iconographie guerrière de l’Arc. Dans le même temps, ils pourront écouter et voir des récits historiques et interprétatifs, ainsi que des débats et des discussions entre philosophes, universitaires, militants de la paix et politiciens, et engager avec eux un dialogue, directement ou avec des moyens adaptés de communication.
Au sommet de l’Arc, une carte du monde affichera l’évolution des zones potentiellement ou réellement en guerre, ainsi que les zones d’après-guerre et celles qui connaissent une paix durable. Elle sera aussi suspendue au centre du Forum de discussion pour l’abolition de la guerre, un grand espace de rencontres hautement médiatisé, ouvert aux visiteurs et aux débats publics ou universitaires, et conçu pour des événements spéciaux et des conférences mondiales. Le Centre pluridisciplinaire de Projets pour la Paix mondiale sera à proximité et promouvra des analyses dans les domaines suivants : Social, Psychologique, et Anthropologique ; Politico-éthique et Juridique ; Culturel et Idéologique ; Économique, Scientifique, et Technologique. Des écrans plasma et des panneaux à pixels internes et externes installés dans toute la structure afficheront des programmes et des informations ; ils seront connectés à des sites Web d’organisations qui travaillent dans le monde à l’établissement de la paix. Ils serviront aussi au développement de la participation active du public. (Il existe de telles organisations partout dans le monde : au moins douze en Afrique, trois en Amérique du Sud, seize en Amérique du Nord, trois en Asie, trente-cinq en Europe, et deux au Moyen-Orient.) Dans notre inconscient, nous sommes nous-mêmes des monuments commémoratifs de la guerre. Produits et tissés par notre patrimoine nationaliste et chauvin, nous faisons partie d’un plus vaste Mémorial de Guerre nommé Culture. Si nous voulons favoriser la vie plutôt que la mort et le meurtre, nous devons remplir une double tâche de désarmement : de nous-mêmes comme Mémoriaux de guerre et de notre culture entière comme Mémorial de guerre intégral. Un nouvel Arc de Triomphe pourrait alors mériter son nom glorieux. Nietzsche a dit que nous devrions avoir le passé que nous méritons. Nous devrions être en mesure de mériter un passé où la guerre sera absente de notre présent et de notre avenir.
24, rue Sainte Croix de la Bretonnerie
75004 Paris
T. 01 42 78 03 97 — F. 01 42 74 54 00
Horaires
Du mardi au samedi de 14h à 19h
L’artiste
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Krzysztof Wodiczko