La Renaissance et le rêve — Boch, Véronèse, Greco...
Exposition
La Renaissance et le rêve
Boch, Véronèse, Greco...
Passé : 9 octobre 2013 → 26 janvier 2014
Issue elle-même d’un rêve de vie nouvelle, la Renaissance a conféré aux songes, à leur interprétation, à leur représentation, une extraordinaire importance : dans la vie politique et sociale, avec le renouveau des pratiques divinatoires ; dans la littérature, tant en prose qu’en poésie (Francesco Colonna et Rabelais, l’Arioste et le Tasse, la Pléiade et d’Aubigné) ; dans les débats médicaux et théologiques, notamment lors de la terrible chasse aux sorcières qui, du XVe au XVIIe siècle, a sévi en Europe. Alors, a fleuri ce que l’on pourrait appeler l’« ancien régime » du rêve, fondé sur l’idée que le sommeil et les songes nous mettent en relation avec les puissances de l’Au-delà.
En rêvant, l’homme s’évade-t-il des contraintes de son propre corps pour entrer en contact avec le divin ? Ou bien se trouve-t-il livré à des « démons » étrangers ? Quel crédit accorder à l’oniromancie ?
Les peintres et graveurs de la Renaissance ont affrontés ces questionnements à leur manière : artistique et non théologique, philosophique ou médicale. Les questions qu’ils posent, et qui leur sont propres, vont bien au-delà des débats de l’époque et demeurent fascinantes.
Entre les images de l’art et les images oniriques, existe-t-il une profonde affinité ? Comment s’acquitter de l’impossible tâche de représenter ce que rêve un rêveur ?
Aux XVe et XVIe siècles, si certains explorent le rêve en tant que révélation d’un autre monde, saint ou infernal, et si d’autres l’utilisent pour transfigurer le vécu quotidien ou montrer sa dimension érotique, chez les plus exigeants il est perçu comme une métaphore de l’art lui-même. Alors, la vie devient un songe et l’artiste un rêveur.
À une célèbre exception près — celle de Dürer, évoquée à la fin de l’exposition — les artistes de la Renaissance ne peignent pas leurs propres rêves. Ils peignent ceux des autres, ou ceux qu’ils pourraient avoir ; ils représentent tantôt des récits de rêve, tirés de la mythologie et de l’histoire sainte, tantôt des visions reconstruites qui se font parfois cauchemardesques. Mais tous se heurtent à la même difficulté : peindre le rêve, c’est-à-dire non l’apparence mais l’apparition, c’est vouloir objectiver ce qui ne peut l’être. Le songe échappe à la saisie. Or, l’impossibilité même de le représenter a suscité, chez les artistes les plus soucieux de pousser leur art à ses limites, le désir de relever un défi ; de montrer leur habileté à représenter un « irreprésentable », plus spectaculaire encore que les tempêtes ; et de conférer ainsi à leurs œuvres une puissance accrue, en frappant l’imagination et les yeux par une représentation particulièrement vive. Tenter de peindre l’onirique, comme l’avaient déjà fait des artistes médiévaux — mais dans un contexte différent — c’est donc, à bien des égards, transgresser les frontières de l’art ; c’est en élargir considérablement le domaine et en affirmer les nouveaux pouvoirs.
Selon le sujet, les périodes et les régions, suivant aussi leur talent particulier, les artistes ont apporté à ce défi des réponses fort différentes : l’écart est grand entre un Songe du Quattrocento et un Songe du siècle suivant, de même qu’entre une œuvre du Nord et une œuvre méridionale, comme le montre la variété des artistes convoqués — illustres comme Bosch, Dürer ou Michel-Ange, ou moins connus comme Mocetto ou Naldini. Logiquement et chronologiquement, le parcours conduit de la nuit à l’endormissement, de l’aurore — où pour l’homme de la Renaissance se manifestent les vrais rêves — au réveil final ; l’essentiel étant consacré aux rêves et visions. Ainsi le visiteur verra-t-il successivement des figurations de la nuit — comme celles de Michel-Ange et Battista Dossi — et de belles endormies dont l’âme est « en vacance » — comme celle de Pâris Bordon — avant que ne soit franchie l’étape décisive : celle où l’artiste représente non seulement le corps du dormeur-rêveur, mais le phénomène onirique lui-même. Tantôt pour montrer des « songes vrais », tirés de la Bible (Jacopo Ligozzi) ou des vies de saints (Garofalo, Véronèse…), tantôt au contraire pour offrir des visions infernales (Jan Brueghel, Jérôme Bosch…). Certains juxtaposent en un même lieu le rêveur et le rêve, comme l’a fait Giotto, d’autres imaginent des médiations (Le Greco), tandis que les artistes du Nord nous font entrer de plain-pied dans le cauchemar. Dans la nuit aussi, on voit des choses ; loin d’éteindre le visible, l’obscurité fait surgir d’autres espaces, de jeu, de liberté ou d’inquiétude.
Le propos de l’exposition, qui appelle aussi l’attention sur quelques œuvres énigmatiques (Le Songe de Raphaël du graveur Raimondi, Le Songe du docteur de Dürer), n’est pas seulement historique. Sans doute importe-t-il de rappeler l’intérêt de l’ « ancien régime » du rêve, largement effacé de nos mémoires par les révolutions successives et antagonistes de la psychanalyse et des neurosciences ; mais il importe plus encore, en offrant pour la première fois au public un tel ensemble d’œuvres de la Renaissance, de l’inviter à rêver lui-même. À laisser libres et ouvertes les voies de son imagination.
Commissariat : Alessandro Cecchi, Yves Hersant, Chiara Rabbi-Bernard.
Cette exposition est organisée par la Réunion des musées nationaux — Grand Palais, Paris et la Soprintendenza del Polo Museale Fiorentino.
Horaires
Tous les jours
Nocturne les lundis, les vendredis jusqu’à 22h
Tarifs
Plein tarif 13 € — Tarif réduit 9 €
Gratuit pour les moins de 16 ans, bénéficiaires des minima sociaux
Les artistes
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Hieronymus Bosch
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Ecole De Hieronymus Bosch
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Michele Di Ridolfo Del Ghirlandaio
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Jacopo Zucchi