Lara Bloy — Ataraxie
Exposition
Lara Bloy
Ataraxie
Passé : 3 décembre 2022 → 29 janvier 2023
Le point de vue de Slash :
En figeant le mouvement au long de compositions picturales d’une intensité fulgurante, Lara Bloy impose une gravité sourde à l’image. Hantée par le classicisme des maîtres et résolument ancrée dans la mise en scène contemporaine des corps, la jeune artiste présente aux Eglises de Chelles une vision paradoxale et inspirante de la chair et de l’espace.
Cette première exposition personnelle de Lara Bloy s’inscrit dans la continuité d’un travail de prospection artistique de la peinture contemporaine engagé par le centre d’art depuis 2019.
Pour son premier solo intitulé Ataraxie, l’artiste présente le résultat de ses dernières recherches picturales : Les Egarées, Les Antalgiques, Unisson et Acmé. Ces productions en série montrent principalement des corps : projetés, enroulés, drapés, suspendus, comme en apesanteur. Ceux-ci forment la composition même des tableaux. Capturés dans des espaces abstraits ou vides ils nous apparaissent comme dans un timelapse déformant les perspectives et le cadre de la représentation. Aux Eglises, les peintures de Lara Bloy n’opèrent pas le dialogue habituel entre les œuvres et les lieux. Décor dans le décor, ici le sujet est absent.
Cette peinture imprégnée de références aux grands maîtres : Michel-Ange, de Vinci, Vermeer, ou encore Matthias Grünewald et le retable d’Issenheim, délaisse volontiers les enjeux de la représentation classique. Elle n’en garde pas moins une esthétique baroque aux relents académiques qui constitue la sous-couche de sa démarche. Mais la peinture figurative de Lara Bloy agit comme le reflet de nos errements contemporains. Les protagonistes déposés à la surface du tableau ne regardent jamais hors de l’image, ils sont comme perdus en eux-mêmes. Là sans être là, l’essentiel est hors-champs. Avec Ataraxie l’esprit est ailleurs au propre comme au figuré, et le corps se dessine en pure présence. Pour l’artiste le langage du corps amorce celui de la peinture, et le propos s’efface au profit de la forme pure. Le flottement des corps s’oppose à la contrainte des drapés, et l’individu est comme libéré de sa propre réalité. L’ataraxie, état de paix intérieure, nous pousse aux limites de l’intime.
En cherchant à représenter nos états intérieurs, poussant jusqu’à l’oubli de soi, l’artiste nous renvoie à nos instincts, ceux de vie comme ceux de mort. A cette réalité du monde, que ces personnages semblent fuir, se fixe les refoulements humains par lesquels Lara Bloy interroge notre rapport au désir. Tous ces corps forment des mises en exergue de nos sentiments oscillant entre satisfaction et frustration. La finesse de son geste pictural est employée à dessein d’attirer notre attention sur des dimensions plus sociales, plus politiques, sur comment nous partageons le sensible.
Lara s’inspire des figures d’expression corporelle, héritées des années 1900 et de la libération du corps de la femme, avec des artistes telles que Loïe Fuller ou Isadora Duncan dont l’expression naturelle du corps libéré vise à transmettre les états de l’âme. D’autres pistes sont à creuser dans la science-fiction des années 1980, comme Ghost in the Shell de Masamune Shirow, qui évoque le vertige de l’humanité face au développement de la technologie et des corps cyber connectés et améliorés, dans lequel les personnages luttent avec une frustration existentielle.
Ces centres d’intérêts éclectiques ont amené l’artiste à considérer sa pratique dans une dualité entre image numérique retouchée et la peinture. En effet, à l’époque d’internet, de l’image virtuelle, il y a une étrange poésie dans le mélange de l’image numérique et d’une technique résolument ancienne, avec son temps long, son existence physique et charnelle.
Renaud Codron
Horaires
Samedi et dimanche de 15h à 18h
Sur rendez-vous du lundi au vendredi
Tarifs
Accès libre
Programme de ce lieu
L’artiste
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Lara Bloy