Sara Acremann et Charlotte EL Moussaed — Le motif dans le tapis
Exposition
Sara Acremann et Charlotte EL Moussaed
Le motif dans le tapis
Passé : 10 → 31 octobre 2015
Le motif dans le tapis d’Henry James voit deux jeunes critiques littéraires se lancer corps et âme à la recherche de cette petite chose « aussi concrète qu’un oiseau dans une cage » qui est pour chacun des ouvrages de l’écrivain Hugh Vereker comme un « organe de vie », « un motif complexe dans un tapis persan ». Ingrédient secret ou « pose monstrueuse », l’objet de cette quête sera toutefois destiné à sombrer dans la mort avec son découvreur. Ceux qui lui survivront ne pourront alors qu’être les victimes d’un désir inassouvi, mâtiné d’un doute diabolique : et si le motif dans le tapis n’était qu’une « mauvaise plaisanterie » ?
À mi-chemin entre le roman policier et la réflexion ironique sur le mythe du créateur et l’inutilité du critique, Le motif dans le tapis est ainsi surtout une trappe de lecture parfaite, mue par l’essor du suspens. Le secret y est à la fois point de chute et de fuite, moteur interprétatif qui pourrait très bien s’avérer un manège tournant à vide. La quête ne serait alors qu’une grande blague, et le motif dans le tapis, son plus beau miroir aux alouettes.
C’est par cette incertitude que le conte d’Henry James touche à la rencontre entre les œuvres de Sara Acremann et de Charlotte EL Moussaed, par un certain « air de famille » qui est un goût du récit déplacé, de l’indice manquant et de l’hésitation qui en découle, par une prédilection discursive qui fait du mot et de l’image autant d’interrogations allusives, voire d’artifices sans clef ni double fond.
Sara Acremann s’insère dans les fissures de la situation classique d’énonciation pour construire des dramaturgies troubles se déployant dans l’espace d’une hésitation et défiant la sincérité des actes de parole comme artefact formel. Charlotte EL Moussaed construit des montages d’objets et d’images tirés d’un espace intime désincarné, voire factice : autant de Totems domestiques où l’ordinaire et le folklore se confondent et les textes s’écrivent en creux dans les vides du langage. Inscrite dans l’espace d’exposition au travers de leurs pièces, la rencontre entre ces deux artistes mélange les cartes sur table et génère de nouveaux discours, soutenue par une mise en scène qui suggère des pistes d’interprétation précaires et fragilise la notion d’auteur.
En suspens, les photographies et les textes habitent ainsi un espace intermédiaire entre spontanéité et mise en scène, rituel et série tournant à vide. Ambiguës, volontiers douteuses, les vidéos se construisent le long du seuil de bascule entre geste léger et grave, réalité et fiction, arabesque complexe et artifice simple, tellement simple que les fils blancs dont il est cousu ne se verraient même plus.
Comme le déclare le panneau imprimé à l’entrée du personnel d’un grand magasin parisien : « Souriez, vous entrez en scène ». Sauf que du spectacle annoncé il ne reste peut-être que le rideau, un scénario et quelques affiches.
Commissariat: Viviana Birolli
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Vernissage Samedi 10 octobre 2015 19:00 → 22:00