Lenny Rébéré — Ici & là

Exposition

Dessin

Lenny Rébéré
Ici & là

Passé : 3 septembre → 15 octobre 2016

Depuis plusieurs années Lenny Rébéré développe sa technique à partir de récoltes d’images sur internet, d’instantanés de films et de clichés personnels. Des images qu’il reproduit en ne conservant que les contours et qu’il superpose les unes aux autres tout en ne dérogeant pas au travail “d’empilement” des traits et des valeurs au crayon et fusain. Il mène ainsi ses dessins au seuil de l’obscurité avant de laisser percer des stries de lumière en jouant avec l’équilibre des blancs et des noirs. Ces empilements de représentations, parfois décalées, parfois recadrées (gros plan, détails) créent des rencontres fortuites entre les personnages qui les habitent et révèlent les profondeurs de champ de l’image finale.

En opérant par écart avec le réel — qu’il s’agisse de son travail sur papier, sur toile ou sur verre (verre gravé et huilé) — Lenny Rébéré met en scène des situations à venir. Là, un décor vide qui trouble par son dénuement ; ici, la possibilité d’une rencontre qui n’aura peut-être pas lieu. Dans ses scénographies l’artiste alterne entre la mise en scène de foules, l’agglutinement de corps jusqu’à l’étouffement de la toile par la chair et celle du vertige de l’absence. Chacun de ses dessins dégage une sensation d’inachèvement propre à la disparition, interrogeant la part à chaque instant vacillante de nos existences.

Ces sensations de trouble et d’étrangeté sont des invitations à voir entre et par-delà les images en prenant le temps, celui du décryptage propre au rébus : entrer dans le dessin pour voir et faire œuvrer son imaginaire, relever les énigmes et les détails ; mener son enquête, acclimater son œil. Les flux visuels de publicités, de selfies, de photographies plates1 et lisses qui rendent nos vies aveugles deviennent ici des matériaux au service d’une œuvre qui incite alors à inventer des histoires.

En poète de l’image, Lenny Rébéré grave un monde d’apparitions empreint de néoromantisme et de noirceur. Son trait enjoint à ajuster notre œil au “zéro du voir et du sentir”2 afin qu’il se saisisse avec clairvoyance de ce que lui offrent ces toiles. L’artiste nous convie ainsi à expérimenter notre capacité à inventer ce que l’on voit, le temps d’une contemplation.

Julie Rossello-Rochet — Dramaturge, Juin 2016

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1 Cf Eric de Chassey, Platitudes : une histoire de la photographie plate, Paris : Gallimard, 2006, (Art et artistes)

2 Hans Bellmer, Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’anatomie de l’image 1957, Paris : éditions Allia, coll. «Petite collection», 2002

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