Luise Unger — Permeabilis
Exposition
Luise Unger
Permeabilis
Passé : 9 avril → 28 mai 2016
L’« aspiration à saisir l’insondable », tel est le désir qui habite les sculptures et les dessins de l’artiste allemande Luise Unger. Dans des œuvres à la structure complexe, elle formule son souhait de contextualiser sa propre existence dans les origines de l’être.
Dans ses sculptures précédentes, Luise Unger expérimentait à l’aide de divers matériaux, bois, métal, caoutchouc, cire ou coton, explorant les contrastes — mollesse, dureté — au travers de combinaisons hybrides. Depuis une quinzaine d’années, toutefois, elle s’intéresse plus particulièrement à la réalisation de sculptures en fil d’acier inoxydable crocheté. Alors qu’elle cherchait un nouveau moyen d’expression artistique susceptible de produire des formes rondes et douces, une bobine de fil d’acier attire son attention. Le tissu crocheté à la main qui en résulte lui offre la possibilité de créer des formes sans couture qui restent modelables à différents stades. Le fil métallique, mince mais solide, donne naissance à des objets volumineux et délicats, possédant une fragile douceur. La technique choisie par Luise Unger transforme la fermeté du matériau de départ en une structure souple, faisant ainsi fusionner des caractéristiques appréhendées séparément lors de phases de travail antérieures. Quoique presque toujours abstrait, son langage formel comporte aussi bien des architectures géométriques que des éléments biomorphiques. Pour son répertoire de formes rondes et organiques, Luise Unger dit s’inspirer de la nature, dont elle a précocement intériorisé le rythme cyclique à Bad Saulgau, sa patrie rurale de Haute Souabe.
Toutes ses sculptures en fil métallique crocheté — qu’elles soient grandes ou petites, en suspension, installées sur un mur ou un socle, cylindriques, rondes et fermées ou asymétriques et ouvertes — ont en commun une multiplicité de couches. Celles-ci se superposent, tels des filets, perméables à la lumière, à l’air et au regard du spectateur. La transparence est une composante de l’œuvre de Luise Unger, qui a très tôt manifesté un intérêt particulier pour la perméabilité. Enfant, elle pouvait faire passer de l’eau dans le tamis d’une passoire pendant des heures, fascinée par la porosité de l’objet. Les sculptures livrent leur intériorité et se laissent traverser. L’observateur les pénètre comme s’il les radiographiait, détecte les densités, les transparences. Mais le noyau intime est généralement un endroit creux, un néant encapsulé, un lieu aéré, ceint de plusieurs membranes, un centre invisible et insaisissable.
Peut-être est-ce une métaphore, l’image de quelque chose qui parvient brièvement à la lumière pour se dérober aussitôt au regard. Un secret, une révélation, le noyau le plus profond des hommes et des choses. Un léger souffle d’air suffit à mouvoir les objets en suspension et à les faire tourner, obligeant l’œil à se concentrer sur une des couches de matière. Suivant la manière dont la lumière tombe, les surfaces concaves et convexes semblent s’inverser et les formes se redoublent dans l’ombre qu’elles projettent sur les murs environnants. Il règne alors une similitude transcendantale entre l’intérieur et l’extérieur.
Les œuvres de Luise Unger ont une légèreté, une beauté et une poésie envoûtantes, pourtant elles sont le fruit d’un effort laborieux, discipliné et soigneusement concerté. Le travail de crochet s’effectue à partir d’une ou de deux bobines, les doigts revêtus d’un cuir de protection, en veillant à la régularité du moindre mouvement et à la cohérence de l’ensemble dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de parvenir à une composition aboutie, mais aussi d’assurer la stabilité et l’équilibre de l’œuvre. Les sculptures crochetées grandissent lentement, comme dans un processus déterminé par les lois de la nature, inexorable et continu, qui ne peut être abrégé ni accéléré de façon arbitraire. Les milliers de mouvements des aiguilles à crochet, qui s’efforcent sans relâche d’ajouter et d’entremêler des mailles de même grosseur, font l’effet de pas minuscules sur un long chemin. On se prend alors à méditer sur l’infini. Ensuite, l’artiste lisse certains endroits avec une boule en bois afin d’aplatir les mailles et de leur donner un aspect plus régulier. Pour finir, la flamme d’un bec Bunsen confère à quelques-unes des œuvres un reflet irisé. C’est une étape périlleuse, car une chaleur insuffisante ne permet pas d’obtenir l’effet recherché, et un excès de l’élément feu détruit l’œuvre. Si l’opération réussit, le tissage scintille comme une bulle de savon et présente un aspect immatériel.
Parfois, le spectateur a le sentiment d’assister à une métamorphose ou à une situation narrative. Les formes semblent se figer dans un devenir, dans un processus de retournement ou de transformation. Une fois de plus, on est frappé par l’aspect organique de certains corps, dont l’intérieur renferme peut-être un élément qui va éclore ou un noyau fertile promesse de renouveau. D’autres, pourvus de tentacules ou de bras semblables à des tuyaux, paraissent répandre des boutures autour d’eux, mais ils restent des sortes d’appendices, reliés à un corps principal par un cordon ombilical. L’artiste encourage parfois les associations d’idées par les titres qu’elle donne à ses œuvres. La petite sculpture Malina renvoie au roman éponyme d’Ingeborg Bachmann et consiste en un espace rectangulaire à l’extérieur duquel grimpe une excroissance d’aspect végétal et anthropomorphe, qui se trouve aussi partiellement à l’intérieur. Cette abstraction vivante est-elle en situation de fuite ou de repli ? La dramaturgie est volontairement ambiguë. D’autres titres sont souvent l’expression intuitive d’une synergie entre forme et sonorité.
On retrouve des similitudes dans les travaux sur papier de Luise Unger, qui constituent pourtant un ensemble autonome. Dans deux grands dessins, dépourvus de titre, des structures linéaires se déploient en réseau sur la feuille, semblent proliférer, s’étaler et se souder en systèmes moléculaires. Ici, une technique de frottage a fait apparaître des traces de graphite sur le papier posé sur une planche en bois. La structure ainsi obtenue a ensuite été recouverte de traits de crayon délicats, jusqu’à l’obtention d’un tissu neuronal très dense, porteur d’une forte charge énergétique, qui maintient le regard du spectateur en mouvement. Sur papier aussi Luise Unger travaille des formes géométriques et organiques, elle use de structures tantôt sinueuses, tantôt rectilignes pour pousser le regard dans ses retranchements. La diversité des textures joue un rôle quand, par exemple, d’épaisses traces de graphite se parent d’une qualité réfléchissante ou que des collages et découpages donnent accès à d’autres plans. La force des liens qui existent entre les œuvres sur papier et les sculptures de Luise Unger apparaît quand les structures crochetées produisent une impression graphique. Les petits ronds inscrits dans les airs par une ligne métallique continue font presque l’effet de dessins tridimensionnels en suspension. La boucle est bouclée quand les sculptures projettent pour finir leurs ombres sur un mur.
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Luise Unger, née en 1956 à Bad Saulgau, Swabia, Allemagne, étudie la sculpture auprès d’Erwin Heerich et d’Ulrich Rückriem à la Düsseldorf Academy de 1981 à 1989. Son travail est exposé régulièrement dans des galeries et des musées; elle participe entre autre à l’exposition annuelle Große Kunstausstellung NRW au Musée Kunstpalast de Düsseldorf de 1999 à 2004. Luise Unger vit et travaille à Cologne.
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Vernissage Samedi 9 avril 2016 18:00 → 20:00
L’artiste
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Luise Unger