Magiciens de la terre — Colloque international
Conférence
Magiciens de la terre
Colloque international
Passé : 27 → 28 mars 2014
Jeudi 27 mars à 14h
Ouverture par Alain Seban, Président du Centre Pompidou
Introduction : Jean-Hubert Martin
Commissaire général de l’exposition « Magiciens de la terre » en 1989, Jean-Hubert-Martin est commissaire indépendant, après avoir été conservateur général du patrimoine. Ancien directeur de la Kunsthalle de Berne, du musée national d’art moderne, Centre Pompidou, du Château d’Oiron, du musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie, du museum kunst palast de Düsseldorf et de FRAME France, il a été commissaire de nombreuses expositions, dont la 5e Biennale de Lyon « Partage d’exotismes » en 2000, « Altäre — Kunst zum Niederknien » (« Autels — l’art de s’agenouiller ») à Düsseldorf en 2001, « Africa Remix » à Düsseldorf en 2005, « Une image peut en cacher une autre » au Grand Palais en 2009, « Dalí » au Centre Pompidou en 2013 et « Le Théâtre du monde » à la Maison Rouge en 2013.
Un certain nombre de ses textes sont rassemblés dans L’Art au Large, 2012, Flammarion.
« L’art sans frontières : dernière frontière de l’art ? » — Laurent Jeanpierre
Il y a vingt-cinq ans, l’exposition « Magiciens de la terre » représentait, en même temps que tombait le mur de Berlin, un tournant dans la représentation et l’exposition de l’art dit contemporain. Elle offrait une critique de son ethnocentrisme et favorisait son entrée dans la mondialisation. Avec et après elle, s’ouvraient de nouveaux terrains d’exploration et de valorisation aux critiques, aux commissaires, aux historiens de l’art, aux conservateurs de musée et aux marchands. Le périmètre de l’art, constamment élargi par toute la tradition moderniste, pouvait à nouveau s’étendre, cette fois jusqu’aux confins de l’altérité non occidentale. Pour certains, l’art sans frontières est ainsi devenu la dernière frontière de l’art. Avec ce mouvement, dont Jean-Hubert Martin a été l’initiateur, mais aussi l’observateur critique, de nouvelles frontières apparaissent pourtant, qui font obstacle à l’émergence d’un art contemporain reconnaissant pleinement ses différences.
Laurent Jeanpierre est sociologue et professeur à l’Université Paris 8. Plusieurs de ses recherches portent sur le langage politique de l’art contemporain et sur les processus de mondialisation dans les sciences, les idées et les arts. Il travaille aussi depuis quelques années sur le commissariat d’expositions et collabore régulièrement à Artpress, à La Revue des Livres et à Critique.
« Mapping contemporary indigenous art post- « Magiciens de la terre » — Jonathan Mane-Wheoki
Une prise de conscience a suivi l’exposition « Magiciens de la terre », permettant à l’art contemporain indigène néo-zélandais, australien et du Pacifique, d’émerger comme catégorie distincte de l’histoire de l’art et d’entrer progressivement en contact avec un réseau artistique mondial. Quelle place accorder à ce phénomène dans l’histoire de l’art mondiale ? Pourquoi n’est-il toujours pas véritablement reconnu en Europe ?
Jonathan Mane-Wheoki est commissaire d’exposition, historien de l’art, de l’architecture, d’histoire culturelle et professeur des beaux-arts à l’Université d’Auckland. Il dirige le département Arts et Culture Visuelle au Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa. Il est considéré comme l’un des principaux pionniers du développement de l’art contemporain maori et plus largement de l’histoire de l’art du Pacifique.
« Entre actualité et histoire : la réception de « Magiciens de la terre » — Daniel Soutif
En son temps, l’exposition « Magiciens de la terre » fut souvent considérée comme ne tenant pas ses promesses (en particulier en matière de fréquentation). Au cours des vingt-cinq années qui ont suivi, la perspective a peu à peu radicalement gommé cette réception tiède et, progressivement, l’exposition de Jean-Hubert Martin s’est imposée comme un événement majeur marquant l’un des tournants essentiels du XXe siècle finissant.
Daniel Soutif est agrégé de philosophie, critique d’art et commissaire indépendant. Il a exercé différentes fonctions au sein du Centre Pompidou, comme rédacteur en chef des Cahiers du musée national d’art moderne entre 1990 et 1994, puis en tant que directeur du département du développement culturel de 1993 à 2001. En 1989, il participa à la réception critique de « Magiciens de la terre » en consacrant plusieurs articles à l’exposition : « La preuve par le musée », Libération 27-28 mai 1989, « Les aléas du transport de l’art », Libération 27-28 mai 1989, « Une exposition post-moderne ? », Libération 27-28 mai 1989.
« Almost the same but not quite: the resistance of the marketisation of the global » — Niru Ratnam
« Magiciens de la terre » a suscité un renouveau des débats autour des relations entre le mouvement occidental moderne et les cultures visuelles du reste du monde. Cette exposition a été critiquée pour son idéalisme implicite et certains considérèrent qu’il était injustifié de présenter des artefacts produits par des « non-occidentaux » dans un contexte artistique occidental.
Depuis 1989, l’art contemporain « non-occidental » a été découvert par le marché et a connu un véritable essor en Chine, en Inde, en Amérique latine et plus récemment en Afrique. « Magiciens de la terre », par sa volonté de se concentrer sur des pratiques ancrées dans la tradition et l’histoire culturelle, a offert un point de résistance contre les effets d’homogénéisation induits par le marché. Il en émane un art qui est « presque le même, mais pas tout à fait » (Homi Bhabha, Les lieux de la culture : une théorie postcoloniale, 2007).
Ancien universitaire spécialiste des questions post-coloniales et de la globalisation de l’art moderne et contemporain, Niru Ratnam est notamment l’auteur de « Art and Globalisation » publié dans Themes in Contemporary, 2004 et « Exhibiting the other»: Yuendumu Community’s ‘Yarla », publié dans Frameworks for Modern Art, 2003. Après avoir quitté le monde universitaire, Niru Ratnam lance sa propre galerie, STORE et travaille pour le marché de l’art indien. Il organise actuellement « Art14 London », qui vise à devenir la première véritable foire globale d’art contemporain en Europe.
« Pendant ce temps, en Afrique…* » — Christine Eyéné
Retracer une histoire parallèle, ou contemporaine, à « Magiciens de la terre », à la genèse de certains courants artistiques du XXIe siècle, permet de revenir sur l’émergence de nouveaux regards, discours théoriques, critiques, et pratiques curatoriales émanant de sphères africaines et diasporiques.
Quel panorama dresser de la scène africaine actuelle ? Quels sont ses artistes, thématiques, techniques artistiques et formats, commissaires, institutions (en particulier les initiatives indépendantes), publications et collections ? Un nouvel impératif engage curateurs, artistes, acteurs culturels, historiens et théoriciens de l’art à mener conjointement un travail d’accompagnement de la scène contemporaine tout en s’attachant à préserver, voire rechercher et documenter, l’histoire et le grand œuvre des artistes de la génération des « Magiciens ».
*Afrique est ici défini comme un champ culturel plutôt qu’un lieu géographique.
Historienne de l’art, Christine Eyéné a organisé des expositions à l’Institut Français de Rabat, à l’Africa Center de Londres ainsi que pour Africa 05. Ses recherches sur l’art sud-africain des années 1940 à la fin de l’apartheid l’ont conduite à s’intéresser aux artistes en exil tels qu’Ernest Mancoba, Gerard Sekoto, Dumile Feni et George Hallett. Elle collabore à Making Histories Visible, un projet de recherche interdis- ciplinaire autour des arts de la diaspora noire, au Centre d’Art Contemporain de l’UCLan. Collaboratrice de la revue Africultures, elle a notamment coordonné les numéros « Diaspora: Identité Plurielle » (2008), « Féminisme(s) en Afrique et dans la Diaspora » (2009) et « l’Art au Féminin : Approches Contemporaines » (2011), ce dernier accompagnant le premier volet de sa séries d’expositions sur le genre féminin dans l’art contemporain africain. Eyéné a contribué à de nombreuses revues d’art et catalogues d’exposition. Ses prochains projets incluent: « Where we’re at! Other Voices on Gender », Bozar, Bruxelles (juin 2014) et « Basket Case II », National Gallery of Zimbabwe, Harare (octobre 2014).
Vendredi 28 mars à 19h
Introduction par Annie Cohen-Solal
Commissaire général de l’ensemble des événements organisés à l’occasion des vingt-cinq ans de « Magiciens de la terre », Annie Cohen-Solal, est docteur ès lettres et professeur des Universités. Elle a enseigné à la F.U. de Berlin, à l’Université Hébraïque de Jérusalem, à N.Y.U, ainsi qu’en France à l’EHESS, l’Université de Caen et l’Ens. En 1989, elle a été nommée conseiller culturel de l’Ambassade de France aux États-Unis. Sa rencontre avec Leo Castelli a provoqué son intérêt pour l’histoire sociale de l’artiste aux États-Unis. Parmi ses ouvrages, notons : « Sartre: 1905-1980 », Gallimard, 1985; « Un jour, ils auront des peintres, l’avènement des artistes américains: Paris 1867-New York 1948», Gallimard, 2000 ; « Leo Castelli & les siens », Gallimard, 2009 ; « Une renaissance sartrienne », Gallimard, 2013 ; « Mark Rothko », Actes Sud, 2013.
« Globalisation de l’art contemporain, dialogue entre Saskia Sassen et Hans Belting » — Modération : Annie Cohen-Solal
« Vingt ans après ses premières manifestations, il est temps d’examiner la nature et l’objet de l’art global ; celui-ci a émergé de l’art moderne à la fin du XXe siècle, comme un phénix renaissant de ses cendres, en s’opposant aux précieux idéaux modernes de progrès et d’hégémonie. L’art contemporain, terme adopté depuis longtemps pour désigner l’art le plus récent, a endossé une signification radicalement nouvelle lorsque la production artistique, suivant le tournant emprunté en 1989 par les politiques mondiales et le commerce international, s’est étendue à travers le globe. Le résultat de cette expansion sans précédent a défié la continuité d’une vision eurocentrée de « l’art ». L’art global n’est plus synonyme d’art moderne, mais il est par définition contemporain, d’un point de vue chronologique mais aussi (…) d’un point de vue symbolique, voire idéologique. »
— Hans Belting dans The Global Art World, Hans Belting et Andrea Buddensieg, Ostfildern, 2009.
Hans Belting est co-fondateur de la Hochschule für Gestaltung (Ecole des Nouveaux Médias) à Karlsruhe. Professeur d’histoire de l’art et de théorie des medias, à Karlsruhe, Heidelberg, Munich, Harvard, Columbia, Northwestern, il a été nommé en 2003 titulaire de la chaire européenne du Collège .
En partenariat média avec de France et a reçu un diplôme honoraire du Courtauld Institute. De 2004 à 2007, il a dirigé l’International Center for Cultural Science (Vienne). Il est à présent conseiller pour le Global Art and the Museum project au Centre d’Art et les Médias (ZKM, Karlsruhe). Il a notamment publié L’Histoire de l’art est-elle finie ? (éditions J. Chambon, 1989) ; Image et culte : une histoire de l’image avant l’époque de l’art (éditions de Cerf, 1998) ; The Global Art World. Audiences, Markets, Museums (avec Andrea Buddensieg et Emanoel Araújo, Ostfildern, 2009) ; Florence et Baghdad: une histoire du regard entre Orient et Occident (avec Naïma Ghermani et Audrey Rieber, Gallimard, 2012) ; The Global Contemporary and the Rise of New Artworlds (avec Andrea Buddensieg et Peter Weibel, ZKM/Center for Art and Media; The MIT Press, 2013).
« L’espace constitué par la grille mondiale des villes globales, un espace doté de potentialités économiques et politiques nouvelles, est sans doute un des espaces les plus stratégiques pour la formation de types inédits de politiques, d’identités et de communautés, y compris celles qui sont transnationales.
C’est un espace qui est centré sur un lieu en ce qu’il est implanté sur des sites stratégiques et singuliers, et qui est transterritorial en ce qu’il connecte des sites qui ne sont pas géographiquement proches, mais intensément liés les uns aux autres. »
— Saskia Sassen dans « La globalisation : une sociologie », Gallimard, 2009.
Saskia Sassen est Robert S. Lynd Professor of Sociology et Co-Chair du Committee on Global Thought à Columbia University, New York. Spécialiste de la mondialisation dans ses dimensions sociales, politiques et économiques, elle explore les dynamiques de migration, les villes globales, les nouvelles technologies et les changements induits par les phénomènes transnationaux sur les états libéraux. Saskia Sassen est également membre du Council of Foreign Relations et de la National Academy of Sciences Panel on Cities. Elle est notamment l’auteur de La ville globale : New York, Londres, Tokyo (Descartes & Cie, 1996) et de La globalisation : une sociologie (Gallimard, 2009).
Horaires
Tous les jours sauf le mardi de 11h à 21h
Nocturne jusqu’à 23h
Tarifs
Plein tarif 17 € — Tarif réduit 14 €
Gratuit pour les moins de 18 ans, billet exonéré pour les moins de 26 ans. Et pour tout le monde, les premiers dimanches du mois.