Mark Hagen — TBA de Nouveau

Exposition

Peinture, sculpture, techniques mixtes

Mark Hagen
TBA de Nouveau

Passé : 12 janvier → 23 février 2012

La galerie Almine Rech présente la première exposition personnelle de Mark Hagen à Paris, composée de peintures et sculptures récentes. Né en 1972 à Black Swamp, en Virginie, Mark Hagen vit et travaille à Los Angeles, en Californie. Dans TBA de nouveau, il compose des désorientations temporelles subtiles et met en relief des événements inattendus, tandis que des enchevêtrements physiques reflètent des enchevêtrements visuels. Pour cette exposition, Hagen manipule la toile de jute, la peinture acrylique de bâtiment, le ciment et l’obsidienne à travers de nombreux processus contrôlés ou abandonnés au hasard ainsi qu’une pratique sérielle visant à explorer les glissements de catégories des valeurs, de l’histoire et de la vision.

Interview de l’artiste :

Julie Boukobza —  Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie « TBA de nouveau », le titre de votre première exposition personnelle à la galerie Almine Rech ?

Mark Hagen — Cette exposition est très similaire — thématiquement mais aussi matériellement — à l’exposition que j’ai réalisée à Los Angeles en mai dernier, qui était intitulée TBA. En fait, j’ai revisité plusieurs motifs de ces peintures, et j’ai recyclé certains des écrans en ciment en les décomposant avant de les reconfigurer dans cette exposition, d’où le titre TBA de nouveau. « TBA » est un acronyme utilisé aux Etats-Unis pour to be announced, un terme générique qui indique que, bien qu’un événement soit annoncé, il reste encore à en déterminer un aspect particulier. Cette expression me plaît parce qu’elle évoque les désorientations temporelles subtiles que j’élabore dans mes œuvres ainsi que les événements fortuits que je mets en relief. De nouveau souligne autant la nouveauté que la répétition, mais il y a quelque chose d’absurde dans cet ajout au titre, une impossibilité cyclique ou temporelle.

Des sculptures aux tableaux, on dirait presque que votre œuvre oscille entre un désir de contrôler la matière et le processus, et un désir de lâcher prise et de laisser la nature, les éléments suivre leur cours. En êtes-vous conscient, et en quoi cela peut-il aider à comprendre votre travail ?

J’évite généralement d’utiliser le mot « nature » lorsque je parle de mon œuvre ; c’est un concept trop lourd de sens et mal défini. Par contre, j’emploie des processus dans la création de mon travail, et l’aléatoire intervient donc dans la plupart des étapes. Pour créer une œuvre, j’élabore des systèmes et j’utilise ensuite des matériaux instables qui, en raison de leur instabilité, permettent à des événements aléatoires et irrationnels de se produire. Ces motifs ou systèmes constituent des tremplins rationnels et raisonnables, des arènes, des cadres sur lesquels ou dans lesquels les éléments amorphes et difficilement applicables s’étendent, créant des perspectives instables. « Contingent » est également un terme que j’utilise, parce que de nombreuses pièces influencent des pièces ultérieures d’une manière très matérielle et tangible. Par exemple, mes tableaux commencent comme des « champs » de toiles de jute pliées et empilées à l’extérieur pendant plusieurs mois afin que la lumière du soleil « tanne » les surfaces exposées. Au final, chaque couche laisse une empreinte visuelle comparable à un photogramme sur les couches inférieures. Ainsi, les pièces sont interdépendantes et connectées physiquement les unes aux autres.

Parlez-nous de l’aspect performatif de vos œuvres, comme « Additive Painting » par exemple.

D’un côté le fait d’intituler cette série Additive Painting énonce une évidence — toute peinture est additive, quelque chose est ajouté à une base ou un cadre (physique et conceptuel) préexistant, une couche de peinture est superposée à une autre, etc. –, mais de l’autre cela me donne la possibilité d’explorer à l’avenir un autre type de peinture ou une autre manière de peindre (peut-il y avoir une peinture soustractive ?). En tout cas, ces œuvres visent à déstabiliser les relations établies habituellement entre la peinture, la toile et le spectateur, tout en témoignant des circonstances matérielles de leur production : pour cela j’ai recours à un procédé analogue au moulage, dans lequel des couches successives/additionnelles d’acrylique de bâtiment sont versées par l’arrière dans des formes géométriques.

Vous utilisez souvent le terme « dissonance cognitive » pour décrire la perception de vos œuvres par le spectateur. Pouvez-vous expliquer ce terme ?

La dissonance cognitive, dans le sens où je la comprends, c’est le fait d’avoir en tête deux idées contradictoires en même temps. L’instabilité de la perspective que j’ai évoquée plus tôt est visuellement analogue à la « dissonance cognitive ». Nombre de mes tableaux, par exemple, oscillent entre deux images ou schémas géométriques d’ensemble, et il est impossible de visualiser les deux simultanément. Comme ces peintures sont réalisées la face vers le bas, lorsque elles sont tendues et redressées l’ordre chronologique des couches de peinture est bouleversé pour le spectateur, créant ainsi un objet subtilement anachronique. Mes écrans en ciment étant modulaires et recomposables (et donc non-hiérarchiques), on peut autant les regarder que les traverser du regard : ils permettent la vision et l’empêchent, agissant comme un filtre ou un objectif dans lequel s’entremêlent visuellement les autres objets et spectateurs présents dans l’espace.

Vous décrivez vos sculptures en obsidienne comme étant des miroirs d’Ur, cette cité antique de Mésopotamie (aujourd’hui l’Irak). Comment définiriez-vous votre relation à l’archéologie ?

J’adore l’archéologie ! Plus sérieusement, l’orientation psycho-spatiale de la fouille comme remontée dans le temps me fascine… Le fait que l’orientation spatiale soit une orientation temporelle me sidère. J’emploie l’obsidienne (une roche volcanique vitreuse) pour diverses raisons : son utilisation culturelle ancienne comme matériau de prédilection pour la fabrication d’outils (son statut utilitaire), ses ironies matérielles inhérentes (en tant que solide amorphe elle n’a aucun ordre de cristallisation interne, c’est-à-dire que cet ordre est aléatoire), et le fait qu’en tant que matériau sculptural elle n’est pas pratique et a globalement été abandonnée. Je fais référence à tous ces aspects, je les embrasse et les mets en évidence. J’impose à mes blocs d’obsidienne des formes rectilignes qui évoquent des contenants de consommation quotidienne (similaires aux écrans). Lorsqu’elles sont découpées et polies, ces formes deviennent hautement réfléchissantes et, une fois groupées selon certaines combinaisons, génèrent une série de vues fragmentaires. Ces reflets sombres évoquent le primordial et le préhistorique, d’où le fait que je les ai décrits comme étant des miroirs d’Ur.

Julie Boukobza
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64, rue de Turenne

75003 Paris

T. 01 45 83 71 90 — F. 01 45 70 91 30

Site officiel

Saint-Sébastien – Froissart

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h

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L’artiste

  • Mark Hagen