Nathanaëlle Herbelin — Versions

Exposition

Peinture

Nathanaëlle Herbelin
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Passé : 30 novembre 2017 → 6 janvier 2018

Nathanaëlle Herbelin a grandi dans un petit village au centre d’Israël entre un père français et une mère israélienne, et c’est à Tel-Aviv qu’elle a appris la peinture, aux côtés d’artistes russes et ukrainiens arrivés sur place dans les années 1990. De ce territoire, elle conserve aujourd’hui encore le goût du désert, du silence et de la culture des bédouins du Néguev, ainsi qu’un lien étroit avec la nature. L’ensemble de son travail est sous-tendu par un contraste entre une grande tension et une certaine douceur. Et sa mélancolie n’exclut pas, ici et là, des traits d’humour et une certaine légèreté.

Il y a quelques années, Nathanaëlle Herbelin s’interrogeait sur l’éventuel rapport de sa peinture à la photographie.

Ce questionnement a fait place aujourd’hui à de nouveaux paradoxes, à de nouvelles équivoques.

Elle chasse dans le réel de petits épisodes banals. Puis elle les examine à la surface de ses peintures dans un mélange de prosaïsme et de transcendance poétique, qui se résume en général dans un trait d’humour léger. Ses tableaux les plus réalistes sont les plus ambigus, par exemple le grand intérieur inspiré par Les Choses de Georges Perec, qui est aussi la bibliothèque d’un appartement prêté par un ami peintre.

Il exprime sa fascination pour l’idée d’une maison à soi, entre présence concrète et monde de fiction.

Récemment de drôles de scènes sont apparues dans ses tableaux, comme des commentaires sur ce qu’elle aurait pu faire si elle avait été une peintre abstraite. Ce sont des détournements de souvenirs de l’école des beaux-arts : des vues méconnaissables de chantiers d’exposition, des petits coins d’ateliers, un tréteau dont la forme évoque un module métallique, un chevalet ou bien les restes d’une installation, une boîte noire pour montrer de la vidéo, qui ressemble à un monochrome devant des murs d’un rouge sombre. Plus ancienne d’à peine quelques mois, une petite nature morte montrant un morceau de carton aplati, trouvé par terre dans la rue, n’est pas une sculpture abstraite, mais une de ces protections que l’on met autour des gobelets de café à emporter pour ne pas se brûler les doigts.

Au même moment et à l’opposé de cette recherche — ou plutôt exactement dans le même esprit — Nathanaëlle Herbelin s’est lancée dans une nouvelle aventure: des portraits d’inconnus, réalisés au hasard des rencontres dans la rue ou dans les salles d’un musée, et des portraits d’amis intimes qui ont posé pour elle, seuls ou bien par groupes, réceptacles eux aussi, d’histoires que l’on ne saura pas. Au début, ils détournaient le regard puis, de plus en plus, ils font face aujourd’hui à leur présent et à l’archaïsme de la peinture.

Elle pétrit ses motifs en faisant des variations sur des périodes assez longues, comme pour les épuiser, presque pour les faire disparaître dans les couleurs et dans les formes. Pour des esquisses qui ont la force des premières expériences, elle peint souvent sur des planchettes de bois. Ce matériau ne craint pas les allées et venues de l’image dans le temps. C’est le moment du jeu. Puis elle commence ensuite une toile préparée, en plus grand format, à la recherche du geste juste, du mouvement franc, de la couleur exacte — elle a même peint une collection de mains et de gestes. Ses dessins, mêlés dans des cahiers à quelques images découpées ici et là, sont de simples notes ; les recherches véritables ont lieu au bout du pinceau. De temps en temps, une peinture est abandonnée au profit d’une autre, parce qu’elle partait dans une mauvaise direction, puis reprise plus tard comme un chemin nouveau. C’est le cas par exemple de ces piscines dont l’une, au trait est plus relâché, tire vers le pourpre et l’autre, plus tendue, vers une obscurité bleue et froide . Elles disent différents angles de la mémoire.

L’une de ses premières séries montrait des campements dans le désert, baraquements à la destination inconnue.

En plans beaucoup plus rapprochés, de petits abris sont ensuite apparus dans ses tableaux, ornés de guirlandes de lumières colorées, toujours vides. On dirait que les humains qui les habitent viennent de s’absenter, à moins qu’ils ne soient sur le point de rentrer pour une fête mélancolique. Les tableaux de Nathanaëlle Herbelin sont des cabanes, des cachettes — protection face au danger ou asile pour la rêverie.

Le grand tipi rouge, à la fois inquiétant chapiteau de cirque et refuge enfantin, est à l’image de cette peinture réaliste qui ne l’est pas. Des objets ramassés sur une route disposés dans le coin d’une pièce dessinent un autel mélancolique, tandis qu’un véritable autel candomblé composé d’objets exotiques évoque un univers familier. Une cuisine, inspirée par une scène de Cent ans de solitude de Garcia-Marquez, et constellée de post-it ressemble à un monde évanescent, sur le point de disparaître : se souvenir de se souvenir.

Anaël Pigeat

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