Nicolas Darrot — Molécule Eden

Exposition

Installations, sculpture, techniques mixtes

Nicolas Darrot
Molécule Eden

Passé : 18 octobre → 22 novembre 2014

La corde d’airain ajoutée à sa lyre

Nicolas Darrot ajoute à sa lyre une corde d’airain. Solennise une tête de devin au bonnet pointu, qui s’est tue. La matière d’airain se dévide de ses yeux, et non plus des mots de sa bouche. Laconisme édénique de la présence. Se sont éclipsées les bouches articulées délivrant un son automatisé, dont les ressorts sont dévoilés au regard, volontairement, par transparence du montage exhibant la structure mécanique, circuits électriques, diodes, bobines, pistons, fils qui s’enroulent et se déroulent actionnant le mouvement, et le son, moyennant un bouton qu’on déclenche manuellement. Ces mécanismes virtuoses ne sont que simulacres de la parole vivante ? Et si toute parole était toujours automatique ? Ne sommes-nous pas comme ces machines de Darrot, des automates spirituels qu’il faut actionner pour obtenir un son ? Nous parlons et nous mouvons, et pensons, sous l’action de stimuli extérieurs, avec une nécessité d’airain.

Alors l’artiste déplace le curseur. Changement d’aiguillage abrupt sur les rails de la signification. Le langage est à la remorque. Voilà la bouche reliée à un ventre, et non à la parole. Et ce ventre contient les sphères. Harmonie des sphères exhalée par une bouche carnacière. L’être est primitif. Primitif dans sa jouissance incisive de l’être.

Nous sommes la terre et nous sommes traversés des infrasons de l’univers, ionisés par les particules sous les mots, celles de la matière souveraine, reine, parcourant jusqu’à nous l’espace supposé vide entre les objets célestes, alors qu’il est habité de signaux, d’ondes, de vibrations, de hautes et de basses fréquences, de vibes. L’espace recèle un secret qui est comme un irritant qui rend fou et visionnaire l’esprit. Un secret ou un mystère ? Qu’est-ce qu’il y a sous la grande ourse ? Et dans la tête de la grande ourse ? Constellation, conflagration, révélation : les mouvements mécaniques, répétés, ne se donnaient plus la peine de nous entretenir de notre futur. Alors il a fallu aller voir en deça du mouvement, donner à sentir du primordial, donner à voir, même à enserrer par le toucher-vision que suscitent ces bronzes majestueux et denses, la dureté de l’être-matière qui persévère, pérenne, dans et par-delà ce qui semble continuel changement, fuite perpétuelle, parasitage constant, perte inexorable. Il fallait fixer, assigner la sensation à quelque chose qui endure le temps. La faire bronze, lui donner une portée métallique. Et découvrir alors le monde comme nouveau par synesthésie.

Au système indéfiniment ouvert de la signification verbale, s’est d’abord opposé le système fermé de la construction et de la répétition mécaniques, hypnotiques, médusant l’esprit. Maintenant vient s’y opposer le système compact de la densité de la matière qui a pris forme, qui déjoue les mots creux et attrape les mots pleins, système compacté et agencé, concaténé et modelé par des mains et un esprit de fer et de pointe, profondément sûrs aussi. A la recherche non pas d’une clé ou d’une formule génériques pour comprendre la genèse des formes, mais en quête de l’expérience d’être-matière. Le bronze ramène la chair au fer, les tissus organiques au métal de l’univers, et la forme au froid, au froid absolu de la conservation des éléments. Les éléments qui forment les êtres, nous chante Lucrèce, ne sont point mortels. Ces éléments sont propres à réparer sans cesse l’univers. Sécrétion, coulée indéfiniment lente de matière, concrétion. Assemblage explosif. Œil disséqué en coupe longitudinale, au pied d’une patte de poulet éruptive. Univers vaudou. Sauvage. Ce que l’on prend pour le vide est sursaturé d’énergie noire. L’image du manteau de la mort épouse un nuage d’hélium et flotte. Les signes sont renversés sur la table hirsute des eaux gelées, cette eau plus primitive que la terre et qui, à la bonne température, givre l’animal le plus terrestre, l’ours, et l’apparente à l’objet céleste, la petite ourse. Alchimie. C’est ainsi que les montagnes nous font toucher le ciel, par leur eau de glace venue un jour du fond de l’univers sur une comète. Comète que Nicolas Darrot, avec sa vision de bronze, a détournée de sa trajectoire usuelle dans le langage, démonétisant le mot en le rendant à sa fonction poétique. Poésie coulée dans le métal.

Mériam Korichi
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L’artiste

  • Nicolas Darrot