Paul Sietsema
Exposition
Paul Sietsema
Passé : 12 février → 26 mars 2022
J’aime l’idée [d’] une œuvre d’art qui se replie sur elle-même, qui repose sur une économie de la fabrication d’images, de la figuration, de la représentation. — Paul Sietsema, 2021
La Galerie Marian Goodman à Paris a le plaisir de présenter la première grande exposition personnelle de Paul Sietsema en France. Cette première présentation de l’artiste à la galerie inclut des œuvres picturales et deux films 16mm. L’approche de Sietsema en matière de création d’images s’inspire des systèmes socio-économiques et esthétiques. Alternant entre procédés analogiques et numériques, Sietsema utilise le plus souvent une imagerie préexistante empruntée aux arts visuels ou bien des objets trouvés comme point de départ pour créer des compositions picturales uniques où représentation et matérialité s’entremêlent.
Au rez-de-chaussée de la galerie est présentée une sélection de huit nouvelles peintures et un dessin issus de séries distinctes. Quatre œuvres émanent de l’intérêt que Sietsema porte depuis longtemps à la “monnaie” en tant qu’objet esthétique et symbolique qui prolonge un système de pouvoir. Deux peintures abstraites ont été réalisées à partir de tableaux anonymes achetés en vente aux enchères. La couche picturale originelle desdits tableaux a été en grande partie retirée, des représentations de billets de banque déchirés ont été ajoutées autant pour leur aspect détruit que décoratif. Sietsema explique : « Un billet déchiré est déposé sur la vitre d’un scanner qui enregistre sa nouvelle forme, celle-ci est ensuite apposée sur le tableau « trouvé ». Il s’agit d’un acte de transformation subtil qui convertit un billet ayant une relation directe avec sa valeur en une œuvre d’art ayant une relation plus complexe avec la valeur qui lui est attribuée. »
Dans Vertical Coin Game (2021) et Vertical Newspaper (Modern British & Irish Art) (2021), ce sont des dollars en pièces de monnaie qui ont été utilisées comme outils pour appliquer la peinture sur le support. « Les corps géométriques des pièces de monnaie qui se déplacent contre le bord rectangulaire de la toile créent un jeu de composition simple. Sont sous-entendus, le caractère discutable de l’acte de composition picturale, et le fait de s’appuyer sur les qualités matérielles de la peinture pour faire sens » note Sietsema à propos de la première œuvre. Dans la seconde, pièces de monnaie et peinture ont été amalgamées et l’ensemble lancé comme des dés. La forme qui en résulte dissimule l’image d’une sculpture — une figure au repos de Henry Moore — reproduite sur une publicité pour une maison de vente aux enchères parue dans le journal.
La « figure au repos » est un motif que l’on retrouve également dans deux autres peintures de Sietsema, chacune inspirée d’une œuvre de Pablo Picasso. « La figure au repos » s’oppose au processus complexe qui sous-tend l’œuvre. « Je m’intéresse à la façon dont la production d’images est devenue une tâche presque dénuée d’effort à l’heure des médias et des plateformes numériques ; une sorte de loisir » a déclaré Sietsema. « Mon travail implique une quantité non-négligeable de labeur et de travail manuel, mais tire son origine des processus numériques et des idées qui en découlent. »
Des affiches d’exposition créées à l’occasion d’une dation d’œuvres de Picasso à la France dans les années 1990 ont servi d’inspiration à plusieurs œuvres de l’exposition. Tandis que Last Painting (2021) est une réplique relativement fidèle de l’une de ces affiches fictives, présentant ce qui était vraisemblablement le dernier paysage peint par Picasso, Sietsema transforme The Embrace (2022) et Black Picasso (2022) en versions monochromes en utilisant une technique de masquage numérique.
« J’utilise la couleur de l’élément constitutif du design d’une affiche (dans ce cas, le texte) pour créer un masque pour le reste de l’image, qui est d’abord recouverte dans son intégralité. Cette action a pour but de faire taire l’image, et peut-être de lui faire perdre ou d’annuler sa fonction initiale, comme un timbre oblitéré sur une lettre. La sélection des zones de couleur à masquer se fait graduellement, à l’aide d’outils numériques sur une image digitale, et il en résulte que les « gouttières » sont quelque peu exposées, ainsi que d’autres zones de travail que l’outil de sélection ne capture pas. Ces vestiges du processus constituent l’image finale. »
Black Phone Painting (2022), réalisée en laque sur lin, appartient à une série de peintures représentant des téléphones à cadran rotatif : « Les peintures de téléphone sont peintes à partir d’images de téléphones sur lesquels de la peinture a été versée. La peinture est donc la chose représentée — et l’image est obtenue avec le même type de peinture qui est représentée. » Pour Sietsema, ces téléphones reflètent l’ambiguïté de la communication elle-même. « Ces images que je peins peuvent être considérées comme communicantes ou non — ce sont des lignes de communication ouvertes, une connexion entre moi et quelqu’un qui fait l’expérience de la peinture, ou peut-être ces lignes sont déconnectées — une ligne de communication tronquée qui laisse le visiteur devant un objet inerte. »
Au niveau inférieur de la galerie sont projetés deux des films analogiques de Sietsema : At the hour of tea (2013) et Abstract Composition (2014). Comme nombre de ses films, ces œuvres interrogent la relation entre objet et texte. Le film couleur 16 mm, At the hour of tea, est composé de cinq séquences distinctes mettant en scène divers objets anachroniques, souvent liés au travail, reposant sur des bureaux : des pièces d’argent, de la verrerie romaine, un étui en similicuir et un appareil photo, une enveloppe et une machine à écrire. Les images contemplatives sont entrecoupées d’un texte dactylographié qui décrit une peinture historique en termes modernistes, remplaçant l’expérience directe par une description d’auteur. Dans le film Abstract Composition, un panneau incolore effectue une rotation et affiche méthodiquement des descriptions d’objets à vendre que l’artiste a extraites de sites et de catalogues de vente aux enchères.
Paul Sietsema est né en 1968 en Californie, il vit et travaille à Los Angeles. Il est diplômé de l’Université de Californie à Los Angeles (1999) et de l’Université de Californie à Berkeley (1992). Des expositions personnelles de son œuvre ont été organisées par de nombreuses institutions telles que le Museum of Contemporary Art (MCA) de Denver, le Nouveau Musée National de Monaco (NMNM), le Museum of Contemporary Art (MCA) de Chicago, le Wexner Center for the Arts de Columbus dans l’Ohio, la Kunsthalle de Bâle, le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía (MNCARS) de Madrid, le Museum of Modern Art (MoMA) de New York, le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA), et le Whitney Museum of American Art de New York.
L’artiste
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Paul Sietsema