Peter Martensen — Feelings
Exposition
Peter Martensen
Feelings
Passé : 4 mai → 15 juin 2013
« Feelings, nothing more than feelings »
Morris Albert, 1974
Le refrain presque mielleux de Feelings, ce classique des chansons sentimentales, paraît bien mal coller à l’univers austère de Peter Martensen. Et pourtant, c’est bien le titre qu’a choisi l’artiste pour sa septième exposition à la Galerie Maria Lund. Premier degré ou ironie ? Probablement les deux, car le monde de l’artiste n’est jamais univoque. Noire et froide au premier abord, l’œuvre de Peter Martensen est empreinte de sentiments, émotions, sensations — toutes les nuances du mot feelings — qui déplacent les scènes de la gravité immédiate vers l’absurde, l’émouvant, l’humour et la critique.
Feelings — société et intimité
Dans un contexte où les fondations de la société occidentale du toujours plus sont confrontées à une mutation qui va bien plus loin qu’une déstabilisation économique, Peter Martensen met en avant cette constante qui définit l’humanité : les sentiments, la capacité émotive, la réalité subjective, mais très réelle, de chacun. Une façon de montrer, à une époque de doute et d’interrogation : voici ce qui est donné, voici ce que nous avons… Le Pathos n’est pas loin quand, dans The Three (Les trois), l’artiste dépeint un homme, le regard lointain, tenant le bras d’une femme couchée, peut-être morte. L’expression de l’homme donne l’impression que ce contact le maintient, le retient. Sur le mur, une peinture montre un homme immergé dans l’eau au point que seules sa tête, ses épaules et ses mains réunies (en prière ?) dépassent de la surface. Naufrage ou communion avec la nature ? Depuis des années, le motif des hommes dans l’eau est récurrent dans l’œuvre de Peter Martensen. En figurant un de ses propres tableaux dans cette scène intensément sentimentale, c’est lui-même qu’il introduit dans cet instant d’intimité. Un glissement émotionnel peut s’opérer chez le spectateur : au moment le plus grave, l’art et l’artiste s’imposent en ouvrant une fenêtre dans le mur de la pièce, nous rappelant que la douleur est certes là, mais qu’ailleurs le spectacle continue… Les relations entre hommes et femmes se font plus légères, presque comiques dans l’œuvre The Task (La tâche, La mission) : un homme en chemise blanche vole avec détermination au-dessus d’une table basse vers une femme qui dort sur un canapé, et, surplombant la scène, la peinture d’un bateau qui avance vers elle. Visitation contemporaine ? Simple désir terrestre entre les êtres ? Ou idée du réconfort dans l’autre ? Indubitablement quelque chose doit s’accomplir… La peinture monumentale The Relocation (Le transfert, La réinstallation) présente un paysage où des hommes évoluent dans l’eau et sur les rives. Ce sont les experts en blouse blanche qui habitent les œuvres de Peter Martensen depuis quelques temps — ceux qui, selon l’artiste, possèdent des connaissances importantes dans un tout petit domaine. Chacun, affairé à sa tâche, parait ignorer les feuilles blanches dispatchées un peu partout ainsi que ces experts qui volent dans l’air comme entraînés par des forces invisibles. Métaphysique et terrestre, réalité et rêve se rencontrent ici dans un scénario mystérieux et absurde, exécuté avec la plus grande concentration par les protagonistes, dans un mélange d’action et de passivité totale. Ces hommes et ces quelques femmes habitent un monde étrange, et pourtant si semblable au nôtre. Le sens échappe au spectateur, l’interprétation reste libre.
Sujet et propos plastique
Le déjeuner sur l’herbe de Manet avec sa description de la société du plaisir de la fin du XIXe siècle a sans doute inspiré la peinture The Gallery (La galerie) : des hommes en costume et des femmes en robe blanche, installés sur le sol d’une salle d’exposition, prennent l’allure de baigneurs sur la plage. Aucun contact entre les figures : chacun, plongé dans ses pensées, ignore les tableaux monochromes aux murs, les feuilles blanches par terre et les autres personnes. Constat ? Propos critique ? Ou prétexte plastique pour étaler de la lumière blanche et des points d’ancrage noir dans un espace gris ? La réponse serait probablement les trois à la fois, car Peter Martensen est aussi bien un créateur d’images à la conscience très aigue qu’un plasticien à part entière qui se laisse entrainer par le plaisir de manipuler la matière, les formes et la lumière avec la liberté d’une curiosité sans bornes.
En 2010, Peter Martensen était l’un des huit artistes nordiques contemporains de l’exposition Nuances de noir, fondatrice du — mouvement identifié par la jeune historienne d’art danoise Merete Sanderhoff — et accueillie par les musées d’Ordrupgaard et de Vejle au Danemark. Auparavant, en 2006, une exposition rétrospective de l’œuvre de Peter Martensen — peintures, dessins et vidéos — organisée par les institutions Sophienholm et Vejle Kunstmuseum (Danemark), avait reçu un excellent accueil. Cet évènement a été marqué par la parution de Solo, livre rétrospectif écrit par Lisbeth Bonde. Appréciée par un public grandissant, l’œuvre de Peter Martensen se trouve dans nombre de collections : V&A (Londres), Statens Museum for Kunst (Copenhague), Kunsthalle Rostock, Centre Culturel de Hainaut, FRAC Haute-Normandie. L’artiste est également sollicité pour répondre à des commandes publiques et privées : portraits, sculptures et peintures monumentales. En France, son œuvre a fait l’objet d’articles dans Art Press et Le Figaro ; elle a servi pour des couvertures de livres chez Gallimard et comme illustration dans le Monde Diplomatique.
La Galerie Maria Lund a présenté six expositions personnelles de Peter Martensen.
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Vernissage Samedi 4 mai 2013 17:00 → 20:00
Horaires
Du mardi au samedi de midi à 19h
Et sur rendez-vous
Printemps 2020 : la galerie est ouverte sur rendez-vous
L’artiste
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Peter Martensen