Rouge. — Art et utopie au pays des Soviets
Exposition
Rouge.
Art et utopie au pays des Soviets
Passé : 20 mars → 1 juillet 2019
Le point de vue de Slash-Paris :
Alternant joie foudroyante, souffle de vie et terrible agonie d’une inspiration arrimée à une réalité politique en trompe-l’œil, l’exposition Rouge au Grand Palais trace une oblique radicale dans l’histoire qui, au-delà du jugement, de l’éthique, offre un reflet parcouru de toutes ses intensités de la création soviétique du XXe siècle. G.B.
En 1917, la révolution d’Octobre provoque un bouleversement de l’ordre social dont les répercussions sur la création artistique s’avèrent déterminantes. De nombreux artistes adhèrent au projet communiste et veulent participer par leurs œuvres à l’édification de la société nouvelle. Conduits pour la plupart par d’authentiques convictions, à l’instar de Maïakovski, ces artistes s’opposent dans la définition de ce que doit être l’art du socialisme. Mais dès la fin des années 1920, les débats sont clos par la mise en place du régime stalinien. Celui-ci entraîne l’instauration progressive du réalisme socialiste, doctrine esthétique qui régit peu à peu tous les secteurs de la création. Dans les pays capitalistes, ces débats sont suivis avec attention : de multiples échanges artistiques se nouent avec la jeune Russie soviétique, qui attire intellectuels et artistes curieux de découvrir la « patrie du socialisme ».
C’est cette histoire, ses tensions, ses élans comme ses revirements, que relate l’exposition à travers une série d’œuvres majeures prêtées par les grands musées russes et le Centre Pompidou ; une histoire où innovations plastiques et contraintes idéologiques, indissociablement liées, posent la question d’une possible politisation des arts.
L’art dans la vie
La première partie de l’exposition met en exergue les débats qui animent avec vigueur la scène artistique soviétique au lendemain de la révolution et se prolongent durant les années 1920 : que doit être l’art de la nouvelle société socialiste ? Le parcours s’articule autour du projet porté par une large part des avant-gardes: abandonner les formes d’art jugées « bourgeoises » au profit d’un « art de la production » susceptible de participer à la transformation active du mode de vie. Le design, le théâtre, le photomontage et le cinéma s’affirment comme les médiums privilégiés de cette entreprise radicale, autour de figures-clefs tels Gustav Klutsis, Vladimir Maïakovski, Lioubov Popova, Alexandre Rodtchenko ou Varvara Stepanova. L’architecture constructiviste se place explicitement au service de la « commande sociale ». Elle invente de nouvelles typologies de bâtiments — clubs ouvriers, habitats collectifs — et rêve de villes idéales.
Cette utopie artistique de fusion de l’art dans la vie est rapidement contrariée par l’hostilité croissante du pouvoir bolchevique vis-à-vis des avant-gardes. Ceux-ci favorisent un art « compréhensible des masses », reflétant les transformations en cours de la société, tandis que sont organisées sur le territoire soviétique de grandes expositions consacrées à l’art révolutionnaire des pays capitalistes, notamment allemand (1924).
Une vie rêvée dans l’art
La concentration des pouvoirs entre les mains de Staline, totale en 1929, entraîne la fin du pluralisme défendu jusqu’alors par Trotski ou Boukharine. Alors que la répression s’abat sur l’art de gauche, accusé de « formalisme bourgeois », un consensus s’établit autour de la figuration, considérée comme la plus apte à pénétrer les masses et à leur présenter les modèles du nouvel homme socialiste.
Un groupe d’artistes modernistes, formés à l’école des avant-gardes, joue un rôle central dans la lente définition des fondements picturaux du réalisme socialiste : la Société des peintres de chevalet à Moscou — avec Alexandre Deïneka ou Youri Pimenov — et le Cercle des artistes à Leningrad — Alexandre Samokhvalov ou Alexeï Pakhomov — proposent une peinture monumentale célébrant des héros idéalisés, dont l’exposition rend compte par grandes sections thématiques consacrées notamment au travail ouvrier, au corps et à l’avenir radieux.
Un ensemble spectaculaire d’œuvres sera également consacré à l’architecture stalinienne qui, comme la peinture, se monumentalise : tandis qu’ouvrent à Moscou les premières lignes de métro, aux stations luxueusement décorées, des projets pharaoniques sont conçus pour faire de la ville une capitale mondiale. De fait, Moscou accueille alors de nombreux artistes de l’Internationale communiste, de John Heartfield à Diego Rivera, pour des séjours plus ou moins prolongés.
L’exposition se conclut par une sélection d’œuvres témoignant de l’avènement du dogme réaliste socialiste, à travers des tableaux de facture académique qui mettent en scène la figure mythifiée du chef en recyclant les poncifs de la peinture d’histoire. Entièrement assujetti à l’idéologie, transformé en machine à produire des images, l’art se noie dans un kitsch d’état.
Commissariat : Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur au Centre Pompidou — Musée d’art moderne / Centre de création industrielle
Scénographie : Valentina Dodi et Nicolas Groult
Horaires
Les horaires d’ouverture du Grand Palais dépendent des expositions ou des événements qui s’y déroulent
Tarifs
Plein tarif 30 € — Tarif réduit 15 €
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Programme de ce lieu
Les artistes
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Diego Rivera
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Alexandre Deïneka
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Youri Pimenov
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Alexandre Samokhvalov
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Alexeï Pakhomov
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John Heartfield