Sali Muller — Plage de temps
Exposition
Sali Muller
Plage de temps
Passé : 11 février → 9 avril 2023
Sali Muller — Les Eglises de Chelles Les Eglises de Chelles présentent une exposition saisissante de la jeune artiste luxembourgeoise Sali Muller qui organise une confr... Critique– vernissage le vendredi 10 février à partir de 18h30.
Sali Muller, jeune plasticienne luxembourgeoise, fait partie de ces artistes qui utilisent l’espace comme une matière artistique à part entière. Ces sculptures de lumière, de temps, de volume, d’aire et de surface précipitent nos sens dans le tourbillon du sensible-intelligible. Si l’artiste active l’espace pour faire œuvre, elle entraîne avec lui le champ de la réception/perception qui l’accompagne. Et ce mécanisme naturel du « sentir en pensant » indissociable, pose un préambule qui nous engage et nous intègre dans les espaces et les environnements que l’artiste crée. Ce principe actif, qu’elle s’applique à construire, accentue le sentiment d’un immédiat propre aux œuvres d’art.
Les espaces d’intelligibilité créés par Sali Muller ouvrent les possibles tant d’une appréhension cognitive que sensible de la réalité, activant le sens critique de manière inhérente. Les espaces-œuvres de Sali sont donc des lieux qui produisent du sens. Et ceux-ci reposent sur un besoin irrémédiable, quasi obsessionnel chez l’artiste de montrer l’irreprésentable. Cette envie de saisir l’insaisissable, de rendre visible ce que l’on ne voit pas n’est pour autant pas sans difficulté. Et la plasticienne décline ce désir dans des formats récurrents tout au long de son parcours, comme autant d’études dont le résultat ferait œuvre. Ce protocole de travail et de recherche se répète, se rejoue et s’augmente à chaque réaction concluante.
Habituée à interroger certains travers de notre société, notamment ceux apparus avec les réseaux sociaux, Sali Muller emploie l’image de soi, l’auto-optimisation, la représentation et l’égoïsme dans un rapport plastique pour nourrir sa production artistique. Son travail questionne notre identité et notre intimité pour les mettre en crise. Pour ce faire, elle use d’un objet de prédilection : le miroir. Elle y a recours régulièrement pour ses qualités, à la fois de déformation et de conduite de la vision.
Perception et reflets deviennent les liants d’une peinture-sculpture de notre époque. Déformant l’espace et le temps, on comprend aisément ce qui passionne Sali dans cet objet narcissique.
Pour cette exposition personnelle pas de miroir mais on y trouve quand même la matière première nécessaire à sa fabrication. Pour les Eglises, Sali fait plutôt le choix de nous renvoyer à des notions « universelles » : l’espace et le temps. L’espace étant intrinsèquement lié au temps, au centre d’art, la rencontre entre son travail et la spiritualité de l’architecture sacrée provoque un dialogue symbolique puissant. D’abord avec « Wenn die Sterne vom Himmel fallen », en français « Quand les étoiles tombent du ciel », où l’artiste nous plonge dans le noir d’une nuit étoilée. Cette installation ouvre l’exposition et pose d’emblée la question des repères. Le jeu pertinent entre le céleste (divin) et le ciel étoilé de Sali Muller s’opère littéralement. Par cette porosité entre l’œuvre et le lieu, l’artiste nous invite à revoir notre rapport à la verticalité, à l’élévation. Mais son geste dépasse les caractéristiques physiques, il embrasse des enjeux de virtuel, d’immatériel voire de spirituel. Ce ciel étoilé suspendu sur des écrans, émerge du support numérique, rendant celui-ci d’autant plus marquant visuellement.
C’est bien cette relation à la technologie que l’artiste met en exergue, par ce glissement du support, elle opère un tuilage entre le monde réel et le monde virtuel. Cette indistinction entre les deux est aujourd’hui toujours plus prégnante et ici dans l’exposition rendue concrètement manifeste.
« Plage de temps », œuvre éponyme de l’exposition, est une proposition spécialement, elle aussi, conçue et pensée dans un dialogue avec l’architecture du centre d’art. Cette installation immersive est en premier lieu une plage de sable. Peut-être poussées par le vent, sept tonnes de sable, sont venues s’installer dans l’église Sainte-Croix. Ainsi déployée dans l’espace cette plage forme l'allégorie d'un sablier géant, œuvre d’ailleurs déjà présente dans le travail de Sali Muller. Posée sur le sable, une énorme sphère de lumière, représente le soleil durant la journée et la lune durant la nuit. Activée en continu, le temps et sa représentation sont ainsi mis en abîme. Nous l’observons s’écouler à la fois à travers la proposition de l’artiste mais également à travers le lieu. Il est évident que Sali n’ignore rien de la dimension spirituelle du temps et nous invite par son travail à opérer une reconstruction du regard.
Renaud Codron
Horaires
Samedi et dimanche de 15h à 18h
Sur rendez-vous du lundi au vendredi
Tarifs
Accès libre