Sara MacKillop
Exposition
Sara MacKillop
Passé : 12 mars → 30 avril 2011
C’est avec beaucoup d’esprit et de subtilité que l’exposition personnelle de Sara MacKillop à la librairie Florence Loewy vient faire écho à la fonction de l’espace. Au premier abord, l’œuvre de l’artiste britannique, montrée dans un tel contexte — dans la galerie adjacente au magasin de livres — donne formellement l’impression d’être un projet in situ quelque peu littéral. Cependant, pour ceux qui ne connaissent pas son œuvre, elle procède toujours ainsi : contemplant puis disséquant, de façon presque systématique mais toujours discrète, des livres anciens ou des produits de papeterie obsolètes.
Ce processus de démantèlement et les display créatifs qu’elle invente transforment les livres en des objets muets, silencieux. MacKillop focalise sur leur structure matérielle, déconstruisant l’unité que ces livres forment habituellement. Tout contenu lisible a disparu ou n’a pas été laissé visible. Ainsi, l’artiste révèle les potentielles qualités plastiques des ouvrages, les laissant tels des formes et volumes abstraits.
Dans le cadre de la librairie, où les livres sont rares et souvent fétichisés, la démarche de MacKillop résonne comme une hérésie ou un geste provocateur. Cependant, l’artiste est elle-même collectionneuse et passionnée de livres. C’est donc en tout état de cause qu’elle construit son approche, jouant vaguement de la dimension immatérielle et de la charge symbolique imputée à ces objets. Les significations multiples et la densité du livre résiste ici à sa propre forme. Quelque chose de romantique émerge de ces Books et Book Covers. Leurs couleurs passées et les traces d’usures laissées par la lumière les replacent inévitablement dans une perspective psychologique et temporelle, tel le témoin métaphorique d’une mémoire en train de disparaître ou d’un manque provoqué par le souvenir. Le statut des livres est culturellement complexe, accessoires à la fois communs et précieux, ils sont collectifs aussi bien qu’individuels. L’artiste perpétue et implicitement densifie ou rejoue la relation émotionnelle qui s’établit parfois entre le lecteur ou le collectionneur et son livre.
Les caractéristiques qu’elle emprunte à l’art moderniste sont adaptées avec humour et détachement. Les œuvres sculpturales, Diagonal File and Expanding File, rappellent certaines sculptures du Minimalisme américain, par exemple Wall Hanging de Robert Morris (1969-1970) ou les Stacks de Don Judd. La majeure partie de la production artistique de MacKillop est organisée sériellement, tendant ainsi à éradiquer le libre-arbitre. Typewriter et Books sont des séries qui ont débuté en 2006 et se poursuivent encore aujourd’hui. La présente exposition révèle cette logique interne où les œuvres s’auto-génèrent, reposant sur un système simple, combinaison d’un ensemble de gestes et d’accrochages récurrents et minimaux.
Les œuvres sont néanmoins animées par une dynamique contradictoire et un sentiment d’étrangeté. La décision, par essence totalement subjective, d’explorer un champ très spécifique et aussi singulier — papiers anciens, objets et outils lié aux archives, à la classification administrative et à celle du savoir — est combinée, non sans ambiguïté, à l’aléatoire de l’objet trouvé et à l’utilisation consécutive de ses formes ready-made et standardisées.
Les méticuleuses interventions de MacKillop à disposer les objets de façon inhabituelle et dysfonctionnelle, comme si elle perturbait le système qu’elle avait elle-même établi. Récemment, elle s’est appropriée une image trouvée dans un catalogue répertoriant des livres rares et l’a agrandi afin de rendre aux ouvrages leur taille réelle. Pour une fois ce n’est ni un motif abstrait, ni un motif géométrique qui fait de l’œuvre un support pictural, mais un motif figuratif. Cependant, le même système disruptif a été simplement déplacé pour être appliqué à une image. L’image est devenue motif produit au mètre comme pour un papier peint ou un poster, mais sa reproduction mécanique a soudainement échoué. Certaines des étagères se retrouvent alors à l’envers, comme s’il s’agissait d’une erreur d’impression.
L’artiste
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Sara Mackillop