Shanthamani. M & Terry Taylor
Exposition
Shanthamani. M & Terry Taylor
Passé : 22 mai → 27 juillet 2013
Shanthamani. M travaille ces dernières années exclusivement le charbon de bois, matériau qui évoque à la fois la création artistique, la révolution industrielle et le réchauffement climatique — la métamorphose. Grâce à cette ressource naturelle, l’artiste matérialise les bouleversements culturels et sociaux que connaît actuellement l’Inde, pays en plein essor économique.
Icarus / Jatayu, une aile unique et calcinée, nous remémore le mythe grec d’Icare, mais également un mythe indien aux troublantes similarités : Jatayu. D’avoir trop approché le soleil, un demi-dieu à l’apparence d’un aigle se brûle les ailes et chute fatalement. L’aile d’un être libre disparaît pour laisser place à la représentation d’une perte d’espoir, se révélant inéluctable face à une mondialisation autant bénéfique que destructrice.
Hands, deux mains jointes qui semblent avoir été sectionnées d’un corps, fait écho au rôle de la force manuelle de l’être humain dans la croissance du pays ainsi qu’à la puissance d’évocation de cette partie du corps dans les peintures et sculptures religieuses. Paumes tournées vers le ciel, la gestuelle se lit comme une prière, une supplication, ou encore une offrande. Un rouge vif, lisse et brillant contraste intensément avec le noir mat, poreux et craquelé du charbon, renforçant ainsi les contradictions entre espoir et inquiétude. Une échappatoire est-elle possible ?
Enfin, Back Bone, serpente au sol tel le Gange. Une rivière hybride, symbole à elle seule de toute la culture Indienne, nous apparaît dans toute sa puissance — nous pouvons l’appréhender dans son ensemble — et dans sa détérioration, dans son assèchement. Noire, brûlée, fissurée, comme si elle avait été arrachée à un corps vivant, la sculpture semble accompagnée de la mort ou de la solitude. Le Gange étant la colonne vertébrale de la culture indienne, l’Inde suivant son rythme, si la rivière s’éteint, une catastrophe se produira.
« Les peintures de Terry Taylor rappellent également notre destinée mortelle, avec insistance, mais non sans jubilation. Elle a un modèle infatigable pour ses peintures à l’huile macabres : le crâne humain. Elle peint des crânes indéfiniment répétés, abondamment empilés ici dans une espèce d’ossuaire ou de fosse commune médiévale, isolés là dans une pose digne d’un portrait royal, revêtus ailleurs de somptueux atours pour quelque mariage rituel, cérémonie sacrificielle ou spectacle biblique. Terry Taylor élabore des portraits solennels et des compositions à personnages qui revendiquent l’héritage sombrement sardonique de Jérôme Bosch et James Ensor. L’artiste ressuscite l’antique tradition des vanités hollandaises du XVIIe siècle et autres memento mori, mais, à la différence de ses prédécesseurs, elle met en scène des protagonistes écorchés jusqu’à l’os telles de lugubres marionnettes dans un théâtre de charnier.
On a l’impression que les squelettes représentés par Terry Taylor n’ont rien d’exceptionnel pour elle. Ce sont de simples visiteurs parmi d’autres, venus des profondeurs de la tombe. La fixation sur les têtes de mort et sur notre fin prochaine entre en résonance avec le malaise de la société moderne sur cette question. Elle renvoie aux rites lents d’une époque ancienne où l’on côtoyait la mort au quotidien, y compris celle des enfants. Comme Terry Taylor aime à le dire, notre vie n’est qu’une « visite en coup de vent. »
— Kate McCrickard
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Vernissage Mercredi 22 mai 2013 18:00 → 21:00
Les artistes
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Terry Taylor
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Shanthamani. M