Shila Khatami — Les Cibles Jeunes — Galerie Samy Abraham — Exposition — Slash Paris

Passé : 8 novembre 2013 → 11 janvier 2014

Les œuvres de Shila Khatami s’inspirent d’une histoire moderne de la peinture abstraite, de l’observation de la vie quotidienne, des signes de la rue, de l’esthétique punk et du graffiti. Son support privilégié reste la plaque d’Isorel, l’un des matériaux de construction et d’isolation le plus standard et meilleur marché, que l’on se procure dans les magasins de bricolage. Ce choix s’explique par la volonté de l’artiste de se défaire de la posture héroïque du peintre et de son attribut mythique, la toile tendue sur châssis. L’Isorel perforé présente néanmoins un autre défi, celui d’offrir une surface loin d’être vierge, mais contrainte par l’organisation géométrique et quadrillée de ses trous. L’artiste peut tout aussi bien faire fît de cette matrice ou s’y soumettre respectueusement.

Les Cibles Jeunes présente un nouvel ensemble d’œuvres liées par la référence formelle et symbolique aux motifs de la cible et du drapeau à damier. La beauté de la vitesse frénétique, la violence qui consiste à pointer et à atteindre une cible nourrissent la réflexion et les gestes de l’artiste. On ressent dans ses dernières œuvres l’énergie brutale des champs de courses de Formule 1 et celle de toute une société façonnée par l’idéologie de la performance et de la réussite.

Go to II déploie un système de grille brutalement déformée par la perspective et par les gestes enlevés de l’artiste. Les contrastes de jaune fluorescent et de pourpre sombre rappellent les jeux vidéo des années 1980, les courses de voitures et les sorties de route. Alors que les lignes d’Immer weiter et Raumauffassung sont des trajectoires qui dévient le regard, d’autres déploient une énergie immanente. Le spectateur est alors forcé à la concentration et à l’observation attentive. Ainsi Fadenkreuz qui paraît évanescent et fugitif au premier regard, de par les couleurs employées et la finesse des traits, gagne soudain en pesanteur et présence.

La finesse et la subtilité de Shila Khatami s’expriment par son langage formel. Chaque élément de la série Cible Jeune est délicatement suspendu par un clou en son sommet. Le format carré bascule en losange. L’aspect mouvant des lignes noires et l’organisation géométrique très sommaire des feuilles d’or contrebalancent la tension et la précision qu’évoque la cible. Le velouté de la peinture absorbée par les fibres de l’Isorel laisse apparaître par endroit le reflet métallique des feuilles d’or. L’incertitude de cette géométrie tremblotante se rapproche de la précarité dans laquelle se trouve l’objet visé.