Sven ’t Jolle — Aires austères

Exposition

Sculpture

Sven ’t Jolle
Aires austères

Passé : 17 janvier → 28 février 2015

« Il faut changer les imaginaires des humanités. »1

Édouard Glissant

Avec Sven ‘t Jolle, soyez assurés d’éviter le chic et les poncifs2. Depuis plus de vingt ans, l’artiste belge développe une production singulière liant recherches formelles et critique sociale. Il explore les possibilités d’une sculpture contemporaine figurative, de la statuaire au ready-made, du monument à l’installation, citant tout autant une histoire occidentale de l’art moderne que les arts premiers. Dans ces mouvements de liaisons et métissages, ambition esthétique et engagement politique sont indissociables.

Aires austères à la galerie Laurent Godin plante le décor. Si nous supposions que l’espace circonscrit d’une exposition puisse être une aire de jeu, de repos ou de loisirs pour un spectateur à rassurer ou séduire, Sven ‘t Jolle nous suggère que la présentation de ses œuvres est entendue sans effets factices ou agréments aguicheurs. À l’ère des politiques de rigueur, l’artiste convoque la figure ancestrale de la mère à l’enfant comme première cellule identitaire familiale, culturelle, sociétale, ici et maintenant allégorie d’un modèle social de solidarité précarisé3. Associés aux sculptures échelle 1 de plâtre et de résine, le wall painting, grille graphique structurante et grillage contraignant, les dessins exploratoires ou l’installation souterraine dédiée au lieu sont autant d’éléments de syntaxe du langage de l’artiste.

Aires austères recompose le projet Mères austères / Austerity mums, exposition personnelle récente au BBB centre d’art4 de Toulouse. Point de douceur, de puissance ou d’épanouissement dans les effigies féminines exposées de nouveau à la galerie Laurent Godin. Les canons d’une Vierge de tendresse ou d’une antique et fertile déesse mère s’effacent devant des expressions contemporaines en crise, reprises de sculptures des années 1930 de Christoph Voll et Julio Gonzales, qui offrent la possibilité d’une représentation dans la sphère publique d’oubliés et invisibles de la démocratie.

Depuis sa dernière exposition en 2009 à la galerie, Casse-toi alors pauvre canard! (ou faites payer la crise aux retraités, aux handicapés et aux employés), Sven ‘t Jolle constatait que le nombre de billionnaires a doublé dans le monde. Au sous-sol de la galerie, les hiératiques Stock idols érigées à la gloire des marchés financiers, semblent être les artéfacts d’une ancienne civilisation prospère, dont la chute fut provoquée par une folle et absurde accumulation de richesses et concentration financière.

Les œuvres de Sven ‘t Jolle ne protègent pas du fracas du monde, dans une résistance aux pensées dominantes — de l’art, de l’économie ; mais aussi dans une ouverture sur un monde pluriel, ouvert et relié. Du temps des cerises5 à celui du « Tout-monde6 »

Cécile Poblon

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En mêlant poésie et engagement social, l’œuvre de Sven’t Jolle (né à Anvers en 1966, il vit et travaille à Melbourne, Australie) aborde les ambiguités du monde occidental et du libéralisme. Son travail a notamment été montré au cours d’expositions personnelles aux BBB centre d’art de Toulouse (2014), au Stroom à La Haye (2007), au S.M.A.K. de Gand (BE) en 2005, à Art Statement Basel en 2003, et lors de nombreuses expositions collectives à la Kunsthalle de Düsselfdorf (2008), au CRAC Alsace (2005), à la Biennale de Venise, au MUHKA d’Anvers… Il est présent dans des collections publiques belges, françaises et allemandes, notamment aux Fracs de Basse-Normandie et du Nord–Pas-de-Calais, aux musées Smak de Gand, au Muhka d’Anvers et au Kunstmuseum de Düsseldorf.

1 Édouard Glissant, L’Imaginaire des langues —  entretiens avec Lise Gauvin (1991-2009), éditions Gallimard, 2010

2 « Le chic est l’abus de la mémoire ; encore le chic est-il plutôt une mémoire de la main qu’une mémoire du cerveau (…) Il y a des colères poncif, des étonnements poncif, par exemple l’étonnement exprimé par un bras horizontal avec le pouce écarquillé. Il y a dans la vie et dans la nature des choses et des êtres poncif » Baudelaire, Le Salon de 1846, FB éditions, 2014

3 « En 2011, au sein de l’UE, 120 millions de personnes vivaient dans la pauvreté́. D’après les calculs d’Oxfam, ce nombre pourrait augmenter de 15 millions au moins et jusqu’à 25 millions si les mesures d’austérité́ se poursuivent. Les femmes seront les plus touchées. Pendant ce temps, les plus riches ont vu leur part de revenus totaux augmenter, alors que celle des plus pauvres diminuait. Si la tendance actuelle continue, certains pays européens afficheront bientôt des niveaux d’inégalité́ comptant parmi les plus élevés au monde. »  —  rapport « Le piège de l’austérité́ : l’Europe s’enlise dans les inégalités », Oxfam, organisation non gouvernementale vouée à la coopération et à la solidarité internationale, septembre 2013.

4 « Mères austères / Austerity mums », BBB centre d’art, Toulouse, 23 mai -12 juillet 2014. Commissariat Cécile Poblon ; coproduction BBB centre d’art, Festival international d’art de Toulouse, galerie Laurent Godin, Paris, avec le soutien des autorités flamandes

5 « Le temps des cerises », chanson d’amour liée à l’évocation de la Commune de Paris de 1871, le parolier Jean Baptiste Clément ayant lui-même été communard.

6 À l’image du « Tout-monde » d’Édouard Glissant, définissant une « identité-rhizome », une modernité ouverte sur un monde métis, pluriel ; où coexistent des cultures et valeurs singulières, sans rapport de domination entre elles.

  • Vernissage Vendredi 17 janvier 2014 18:00 → 21:00
Galerie Laurent Godin Galerie
Plan Plan
13 Bibliothèque Zoom in 13 Bibliothèque Zoom out

36 bis, rue Eugène Oudiné

75013 Paris

T. 01 42 71 10 66 — F. 01 42 71 10 77

www.laurentgodin.com

Bibliothèque François Mitterrand
Porte d'Ivry

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h

L’artiste