Tacita Dean
Exposition
Tacita Dean
Passé : 25 mai → 23 juillet 2022
Tacita Dean — Galerie Marian Goodman Avec cette nouvelle exposition à la galerie Marian Goodman, Tacita Dean continue d'explorer, tout en l'affinant, la marge d'incerti... CritiqueLa galerie Marian Goodman Paris a le plaisir de présenter une nouvelle exposition de Tacita Dean réunissant films, dessins, photographies et gravures ; l’ensemble reflète l’étendue de sa pratique artistique et sa vision poétique du temps et de la vie. L’exposition comprend un nouveau film 16mm couleur, Fata Morgana, et la première projection en France de son récent portrait filmé, One Hundred and Fifty Years of Painting. Au rez-de-chaussée de la galerie sont exposées des œuvres réalisées récemment pour The Dante Project, une production du Royal Ballet de Londres qui sera présentée au printemps prochain à l’Opéra Garnier de Paris et pour lequel Tacita Dean a conçu les décors et les costumes.
Comme dans La Divine Comédie de Dante Alighieri, le ballet se divise en trois parties ; les trois étapes du voyage de Dante dans l’au-delà : Inferno, Purgatorio et Paradiso. Pour chaque acte Tacita Dean a créé une œuvre distincte, expliquant : « Le concept de ce ballet consiste à passer du négatif au positif, de l’envers à l’endroit, du noir et blanc à la couleur, et aussi de la représentation à l’abstraction. Et à travers les médiums également, en commençant par le dessin, puis en passant à la photographie, et enfin au cinéma. »1
L’œuvre Inferno, 2021, produite en collaboration avec le graveur Niels Borch Jensen, fait écho au dessin sur tableau noir monumental de plus de 12 mètres de long utilisé comme modèle pour la toile de fond du ballet. La photogravure en huit parties poursuit l’idée d’un « lieu froid à l’envers » à travers une esthétique du renversement et de l’opposition. Utilisant pour la première fois des éléments appliqués par collage, tels que les ronds noirs représentant Dante et Virgile à mesure qu’ils progressent dans les cercles de l’enfer (en référence à la répétition des deux personnages sur les dessins Inferno de Boticellli), Tacita Dean signifie les royaumes supérieurs et inférieurs à travers les positifs et les négatifs, les noirs et les blancs, remplaçant le spectre de perdition attendu avec un monde souterrain monochrome et froid.
Tacita Dean voulait que son Purgatoire s’apparente à un état de transition entre le négatif et le positif. À l’aide d’un appareil analogique grand format 8 × 10, elle a photographié des arbres de l’espèce des jacarandas qui fleurissent à Los Angeles en avril et en mai de chaque année. Elle a ensuite imprimé les négatifs en positif, transformant les fleurs violettes caractéristiques dans leur couleur négative, un vert d’un autre monde. Cet étrange état intermédiaire est accentué par les rehauts au crayon blanc effectués méticuleusement à l’intérieur et autour des arbres.
Une série de dix sérigraphies en couleur de format 17 × 22 réalisées à la main représente le Paradis à travers des sphères et des formes abstraites qui font référence aux différentes étapes célestes de Paradiso. Les motifs ont été adaptés à partir d’images de son film anamorphique 35 mm, Paradise, projeté sur scène dans le dernier acte du ballet. Tout comme le Paradis de Dante, lié aux cieux planétaires, Tacita Dean expérimente la lumière et la couleur pures comme sujet sous une forme entièrement abstraite, en puisant dans la palette de couleurs utilisée par William Blake pour ses vives illustrations à l’aquarelle de la Divine Comédie (1824). Les œuvres originales conçues pour The Dante Project, y compris le grand dessin au tableau noir Inferno, seront exposées au MUDAM au Luxembourg du 9 juillet 2022 au 29 janvier 2023.
L’exposition comprend également un ensemble de petits collages réalisés en 2021 en référence au dieu grec Pan et un nouveau dessin à grande échelle, Casus, 2022. C’est la première fois que Tacita Dean expérimente l’utilisation d’une peinture pour tableau noir sérigraphiée sur papier. Le titre vient du mot latin pour « chute » qui peut également signifier « événement », comme dans casus belli, un acte qui provoque ou justifie la guerre.
Dans l’exposition, Tacita Dean présente pour la première fois son nouveau film, Fata Morgana, 2022 (film couleur 16 mm, muet, 22’). Intéressée de longue date par les phénomènes optiques, l’artiste a voyagé dans le monde entier pour filmer des éclipses solaires, a attrapé un rayon vert et a représenté une fata morgana imaginaire dans sa photogravure Quarantania, 2018. La fata morgana, qui tire son nom de la fée Morgane, est un mirage qui donne l’illusion de voir des rivages ou des formes qui n’existent pas, et que l’on qualifie aussi communément de « châteaux dans le ciel ». Récemment, alors qu’elle travaillait sur un autre projet dans l’Utah, l’artiste a remarqué que la terre au loin changeait de forme, tout comme les camions se déplaçant sur une autoroute au loin. Utilisant la petite caméra 16 mm qu’elle avait sur elle, elle est enfin parvenue à filmer l’insaisissable fata morgana.
One Hundred and Fifty Years of Painting, 2021 (film couleur 16mm, boucle continue, son optique, 50’30") s’inscrit dans la lignée de ses films consacrés à des artistes. Tacita Dean s’est rendu compte que les peintres Luchita Hurtado et Julie Mehretu partageaient le même jour de naissance à cinquante ans d’intervalle et que le cumul de leur âge respectif ferait 150 ans en 2020. Filmé dans l’appartement de Luchita Hurtado à Santa Monica le 3 janvier de cette année-là, One Hundred and Fifty Years of Painting montre les deux femmes discutant librement de la vie et de la mort, du fait d’être immigrées aux États-Unis, de la maternité et du changement climatique, et bien sûr de la peinture.
Parallèlement, une nouvelle série de lithographies offset intitulée Antigone (Offset), 2022, est exposée à la Librairie Marian Goodman. Ces lithographies sont adaptées d’images extraites de son film anamorphique 35 mm de 2018, Antigone. Les estampes, également produites en collaboration avec Niels Borch Jensen, illustrent la technique inventée par l’artiste dite de « aperture gate masking », qui consiste à coller plusieurs images ensemble sur un même photogramme d’un négatif de film 35mm en utilisant des pochoirs et des expositions multiples. Les lithographies fonctionnent en diptyque, en référence au film qui se compose d’une double projection 35 mm synchronisée.
Tacita Dean est une artiste européenne britannique née en 1965 à Canterbury. Elle vit et travaille à Berlin et à Los Angeles, où elle a été l’artiste en résidence du Getty Research Institute en 2014 — 2015. Elle a reçu de nombreux prix, notamment le sixième prix Benesse à la 51e Biennale de Venise en 2005, le prix Hugo Boss au Solomon R. Guggenheim Museum de New York en 2006 et le prix Kurt Schwitters en 2009.
Des expositions de son œuvre se sont récemment tenues au Kunstmuseum Basel en Suisse (2021), à l’EMMA — Musée d’art moderne d’Espoo en Finlande (2020), au NY Carlsberg Glyptotek à Copenhague au Danemark (2019), au Moody Center for the Arts à Houston au Texas (2019), au Serralves Museum à Porto au Portugal (2019), au Kunsthaus Bregenz en Autriche (2018), à la Fruitmarket Gallery à Édimbourg en Écosse (2018). En 2018, elle est entrée dans l’histoire lorsque son exposition LANDSCAPE, PORTRAIT, STILL LIFE a eu lieu simultanément dans trois des plus prestigieux musées londoniens : la Royal Academy of Arts, la National Portrait Gallery et la National Gallery. En 2011, Tacita Dean a produit l’œuvre FILM, dans le cadre de la série Unilever de la Tate Modern ; l’œuvre présentée dans le Turbine Hall a marqué le début de sa campagne de préservation des films photochimiques.
Cet été, deux expositions personnelles s’ouvrent respectivement au Getty Research Center à Los Angeles (7 juin — 28 août 2022) et au MUDAM à Luxembourg (9 juillet 2022 — 29 janvier 2023). Du 29 avril au 31 mai 2023, l’Opéra de Paris présentera The Dante Project, avec la chorégraphie de Wayne McGregor et la composition musicale de Thomas Adès. Tacita Dean est l’un des artistes invités par la Holt/Smithson Foundation pour sa grande commande The Island Project : Point of Departure visant à développer des propositions artistiques pour une île située dans l’état du Maine aux États-Unis, acquise en 1971 par Nancy Holt et Robert Smithson.
1 Tacita Dean en conversation avec Jonathan T.D. Neil, The Brooklyn Rail, Septembre 2021