Dean Monogenis — The Other Way
Exposition

Dean Monogenis
The Other Way
Passé : 26 avril → 7 juin 2025
La galerie Xippas a le plaisir de présenter la troisième exposition personnelle du peintre américain Dean Monogenis dans son espace parisien. L’exposition réunira un ensemble de nouveaux tableaux réalisés au cours de cette dernière année et s’ouvrira par la présentation de la nouvelle monographie de l’artiste Higher Ground, à l’occasion du vernissage.
Zone de réalité fictionnelle
« Dès que les humains apparaissent, tout commence à changer ». Cette phrase, énoncée par un des protagonistes du film Stalker d’Andreï Tarkovsky, pourrait s’appliquer aux paysages peints de Dean Monogenis. De grands panoramas montagneux bordés de lacs limpides dont le miroitement hypnotique est traité avec un condensé de bandes colorées qui introduisent, dans l’immensité de la nature, une composition géométrique artificielle. L’artiste joue avec la résurgence d’un minimalisme coloré à la Donald Judd au creux de paysages classiques, répondant à la perspective albertienne. L’infiltration de cette cohabitation de styles interroge le statut de l’image : réalité ou simulation, construction mentale ? Le trouble s’installe. La fenêtre ouverte par le peintre devient une zone de « réalité fictionnelle » à explorer. En effet, si tout en apparence semble coller à un réalisme « du déjà vu », le regard se perd inlassablement dans le mystère de l’inconnu. Et l’intégration parcimonieuse de la présence humaine, uniquement suggérée par quelques éléments d’architecture — maisons modernistes perchées sur le flanc d’un pic rocheux ou tentes de campeurs plantées au bord de l’eau — renforce l’illustration du pèlerinage solitaire.
Mais ces indices familiers ont aussi le pouvoir de changer imperceptiblement notre regard sur la nature. Si les sublimes monts enneigés incarnent notre désir d’évasion dans des environnements sauvages, ils posent aussi la question de l’impact de l’homme sur cette carte postale idyllique. L’œuvre The Ability to forget (2024), au titre explicite, n’évoque-t-elle pas ce sentiment de perte d’une chose précieuse, vitale même ? Une minuscule architecture pyramidale surplombe un grand barrage fluvial tout en regardant dans une contemplation placide et émerveillée la beauté innocente de l’eau écoulée de la montagne. Comment la main de l’homme a-t-elle changé les contours des paysages ? Un retour à la nature, souhaité par le combat écologiste pour retrouver un idéal de vie non pollué et non industrialisé, est-il possible ? « Si l’on regarde de plus près, ces scènes sont aussi une référence à notre temporalité et à l’incertitude de ce que nous trouverons dans cet endroit parfait » souligne l’artiste.
Cette quête passe par une fascination pour la figure de l’aventurier, dont on ne voit pourtant jamais la silhouette mais qui est incarné par des chemins sinueux aux tracés improbables jetés à l’assaut de massifs denses et abruptes, ce qu’évoque avec poésie l’œuvre Aventurine (2024). Plus que des chemins de traverse, il s’agit surtout de chemins initiatiques baignés de mystère dans des soleils couchant aux couleurs californiennes. Si l’on pense à David Hockney dans le magnifique Ritual (2023), on se délecte de l’atmosphère orangée de Idle on the precipice (2023). L’artiste le dit, sa passion pour l’architecture — qu’il accroche comme des sentinelles à des sommets vertigineux — est née en 2001, après la chute des Tours Jumelles dans l’attentat du 11 septembre : « Cet événement a été tellement choquant qu’il a immédiatement changé tout ce qui m’entourait. Cela m’a fait voir l’architecture pour la première fois ». Cependant, dans cette nouvelle série, l’architecture est un peu moins présente. Plus de bâtiments en construction sous des grues. L’idéal prend le pas sur le concret. Et les images se muent en allégorie d’une beauté nostalgique, marquée par une disparition annoncée. En témoigne son œuvre The Calling (2024) habitée par un immense mont strié de neige auréolé d’’une énorme lune. L’appel de la nature bien sûr, comme une prière, une invocation religieuse. Nous quittons ici le narratif pour entrer dans le spirituel. La montagne de l’artiste, si elle fait référence à l’univers de la fiction hollywoodienne par sa troublante ressemblance avec le logo de la Paramount Channel, n’en est pas moins une évocation du Mont Analogue de l’écrivain René Daumal, récit que le peintre cite dans sa bibliothèque intime. Montagne magique, sanctuaire. Dean Monogenis, à l’instar de ses architectures silencieuses, se tient sur le chemin vertigineux, entre le voyage en extérieur et le voyage intérieur. Et c’est ici que nous entrons, avec l’artiste, dans les récits de voyage sublimés par la littérature et le cinéma. Le peintre serait comme le Voyageur contemplant la mer de nuages de Caspar David Friedrich. « Cette série a pour intention de décrire un type d’idéal ou d’utopie, mais avec la compréhension implicite que les notions romantiques d’une utopie naturelle comme l’Arcadie, de nos jours, sont soumises à notre réalité. Il y a encore de l’aventure et le besoin humain de voyager et d’explorer. Je veux cela et je veux créer des peintures à ce sujet. Mais précisément parce que nous sommes en 2025, je dois inclure des éléments qui suggèrent les limites de ce rêve » explique-t-il. Le motif de la montagne sert ainsi une nouvelle peinture de paysage à l’aune de nos questionnements contemporains, qu’ils soient spirituels, politiques ou écologiques, se tenant sur le fil de l’idée de renaissance et des croyances eschatologiques. « La peinture de paysage est et a toujours été un moyen de transport. Et nous en avons besoin. Nous avons besoin de ressentir que nous pouvons voyager, même brièvement, ou virtuellement, simplement en nous asseyant et en regardant une image ». Ainsi, Dean Monogenis invente avec science le « capriccio » contemporain.
Julie Chaizemartin
Né en 1973 à New York, États-Unis, Dean Monogenis vit et travaille à Brooklyn, États-Unis. Son œuvre a fait partie de nombreuses expositions institutionnelle : CAC Meymac (France), McNay Art Museum(Saint Antonio), Pavillon de l’Arsenal (Paris), Musée d’art moderne de Saint-Etienne Métropole (Saint-Etienne), Schneider Museum of Art (Ashland), Santa Monica Museum of Art, Bronx Museum of Art (New York), Biennale de Mykonos (Mykonos), Angels Gate Cultural Centre (San Pedro), Pace University (New York), Federal Reserve Board (Washington), Hunterdon Art Museum (Clinton, New Jersey), Neuberger Museum (NY), Herter Gallery, (University of Massachusetts, Amherts), Makor-Steinhardt Center (New York), Macedonian Cultural Society (New York), Brooklyn Museum of Art (Brooklyn, New York). En 2013, Dean Monogenis a reçu le prix “Artist in the Market Place (AIM)”, attribué par le Bronx Museum of the Arts (Bronx, NY, États-Unis) et en 2014 il a été invité à concevoir dessculptures extérieures pour le musée. En 2013 et 2016, il a bénéficié d’une résidence auCCA Andratx, Majorque, Espagne.
Horaires
Du mardi au vendredi de 11h à 13h et de 14h à 19h
Les samedis de 10h à 19h
Programme de ce lieu
L’artiste
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Dean Monogenis